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&c. n’étoient proprement qu’une répétition, mais une octave plus haut, des sept premieres lettres A, B, C, &c. réduisit tous les caracteres des sons aux sept premieres lettres majuscules de l’alphabet, que l’on réitéroit plus ou moins, en minuscules, tant dans l’aigu que dans le grave du système, & selon l’étendue des chants, des voix, & des instrumens; mais on se contentoit encore alors de les marquer comme les Grecs, au-dessus de chaque syllabe du texte que l’on devoit chanter, & toujours sur la même ligne. (Voyez C, D, même Pl.)

Après ce changement, d’autres imaginerent successivement divers moyens de présenter à l’œil les différens degrés d’élévation & d’abaissement des sons, suivant que le chant le comportoit. Le premier de ces systèmes, du moins le plus ancien qui nous soit tombé entre les mains (6), étoit composé de cinq caracteres gothiques ou factices, mal contournés, en forme de crosses ou d’F, droites, renversées, mutilées, &c. placées chacune dans une case: ces cases étoient disposées de maniere à former une échelle de clés, ou gamme des sons, ce qui faisoit directement la tête d’un trapeze divisé par six lignes horizontales, formant cinq intervalles ou interlignes, & dans lesquelles on écrivoit syllabiquement le texte, afin de répondre aux clés qui désignoient la diversité des sons qui leur convenoit. (Voy. E id.)

Le système qui suivit & qui fut plus généralement répandu, consistoit à élever & à baisser les syllabes du texte, plus ou moins, suivant qu’il étoit nécessaire, mais toujours horizontalement chacun à la lettre ou clé, qui dans une colonne (7), servoit à déterminer le degré du son qu’il falloit rendre sous telle syllabe ou telle autre. (Voyez F idem.)

A ce système en succéda un autre, attribué faussement à Guy d’Arezzo (8) qui servit à rendre plus fixe l’intonation vocale; c’étoit où l’on employoit au-devant des clés de chaque ligne du texte, les cinq voyelles, & auxquelles on faisoit répondre exactement celles qui se trouvoient dans le texte latin, de sorte qu’il étoit presque impossible, par ce moyen, qu’on pût faire un autre son que celui qui étoit prin-cipalement déterminé par la voyelle du texte & celle de la clé. (Voyez G même Planche.)

Après celui-là, vint l’invention des points, attribuée à Guy d’Arezzo, lesquels étoient placés au-dessus du texte, dans la même direction qu’étoient auparavant les syllabes. (Voyez H idem.) Ensuite on fixa ces points, ce qui produisit encore un nouveau système. Celui-ci étoit formé d’une suite de points tous près les uns des autres & placés dessus, dessous, & entre deux lignes paralleles, tracées en différentes couleurs (9), comme lignes fondamentales ou principales, entre lesquelles étoient tirées assez souvent deux autres lignes ou simplement avec le stilet ou en noir. Ces points étoient plus ou moins élevés, selon que les sons qu’ils désignoient étoient plus ou moins aigus ou plus ou moins graves, & se plaçoient généralement au-dessus du texte. (Voy. I id.)

Enfin dans le onzieme siecle, vers l'an 1024 de l'ère chrétienne, Guy d'Arezzo, après avoir trouvé dans l'hymne de S. Jean les six dénominations des sons, Ut, Re, Mi, Fa, Sol, La, il s'en servit préférablement à celles des Grecs & des Latins, qui étoient encore en usage, pour exprimer les intonations des divers sons du système musical. (Voyez J.) Et afin que les sons graves pussent être distingués plus visiblement des sons aigus, il introduisit l'usage des quatre lignes paralleles, sur lesquelles il plaça d'abord les points quarrés qui les désignoient; (voyez K.) & ensuite les distribua dans les intervalles que laissoient ces mêmes lignes entre elles, ce qui produisit la portée de quatre lignes ou celle du plain-chant. (Voyez fig. 2. Pl. X.) Après quoi, pour déterminer plus précisément quel son chacun de ces points représentoit, il prit les six premieres lettres de l'alphabet des Latins, au-dessous desquelles il ajouta le gamma de l'alphabet des Grecs, & nomma ces lettres clés, comme servant à donner la connoissance des sons, & les ayant jointes avec ces syllabes ut, re, mi, fa, sol, la, il en forma la table qu'on a toujours nommée gamme, à cause de l'addition du gamma, & échelle, à cause de sa figure. Ayant reconnu la nécessité de partager, ainsi que les Grecs, l'intervalle qui étoit entre la mése & la paramése, c'est-à-dire celui du la au si, en deux demi-tons, cela l'obligea de mettre quelquefois, & selon les cas qui l'exigeoient, sur le degré de B ou si un b rond, pour marquer que l'intonation de cet intervalle devoit se faire en élevant la voix seulement d'un demi-ton, & de-là est dans sa gamme, la distinction des colonnes B-mol, Nature & B-quarre, ce que les muances ont plutôt obscurci qu'éclairci. (Voyez Gamme, Muance.) Cet auteur, aux cordes graves du système des Grecs, en ajouta une qu'il désigna, comme il vient d'être dit plus haut, par le gamma, & qu'il nomma hypo-proslambanomenos, sous-ajoutée; & aux cordes aigues du même système des Grecs il en ajouta quatre, qui formerent un sixieme tétracorde, appellé tétracorde des suraigus, de maniere que ce nouveau système étoit composé de vingt-deux cordes; savoir, de vingt diatoniques & de deux baissées accidentellement d'un demi-ton, par le moyen du B-rond ou B-mol, suivant l'exigeance des cas. (Voyez la fig. L Pl. V. bis.) Et encore (fig. 10. Planche premiere.)

Ce système fut généralement reçu de toute l'Italie, malgré l'inconvénient qui résultoit de l'incommodité des muances (10), & de la négligeance où l'on étoit tombé par rapport aux cordes chromatiques & enharmoniques intermédiaires du système des Grecs (11). Or le système de Guy d'Arezzo

   (6) Manuscrit du douzieme siecle, coté n°. 7211, à la bibliotheque du Roi, & dont on doit la communication au zele obligeant de M. Capperonnier. 

(7) Il ne faut pas prendre à la lettre ce qui n'est ici qu'au figuré, quoique cette expression réponde exactement à la figure du manuscrit qu'on a consulté. (8) L'abbé de Mos attribue ce système à S. Grégoire, & le fait subsister jusqu'au tems où Guy d'Arezzo lui substitua les syllabes ut, re, mi, &c. Il prétend même que ces cinq voyelles furent l'origine de l'e, u, o, u, a, e, desquelles on a seulement retranché l'i. (Méth. de Musiq. selon un nouveau syst. p. 106. Voyez au mot Euouae.)

(9) Ces lignes principales étoient destinées à rendre avec plus d'évidence l'intervalle des deux notes qui formoient celui des deux demi-tons. La corde ou ligne régnante sur le siege du demi-ton, qui portoit l'ut étoit verte, & celle qui portoit le fa étoit rouge; ce que d'anciens antiphonniers de ce tems prouvent encore.

(10) On doit remarquer que dans les huit degrés ou sons qui forment cette gamme, les quatre sons d'en haut ne sont proportionnellement pris, que la répétition des quatre sons d'en bas; & que de-là, pour chanter, par exemple, selon notre usage actuel, cette succession ut, re, mi, fa, sol, la, si, ut, les anciens se servirent du moyen suivant, ut, re, mi, fa, ut, re, mi, fà; « & ce fut-là ce qu'ils appellerent chanter par les muances, parce qu'avant que de parvenir jusqu'à l'octave, on reprenoit, pour signifier des sons qui la rendissent complette, des noms déja employés une fois; ces répétitions de noms avec muances ou changemens de son, étoient très-incommodes, & cependant elles subsisterent jusqu'à ce qu'un particulier nommé le Maire, (en 1620) vainquit l'entêrement qu'on avoit de ne pas donner le nom de bé au septieme son, & vint à bout d'éliminer la répétition de la syllabe mi, en lui substituant la syllabe si».

(11) Ce ne fut que vers l'an 1353, du tems de Jean des Murs, que le contrepoint perfectionné fournit un moyen d'introduire le genre chromatique par celui des # & des b. (Hist. de la Musiq. par C. Blainv.)