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démontré dans la fig. par l'excès dont les premiers termes surpassent les seconds: d'où il résulte conséquemment une succession intempérée de tons majeurs; ce qui fait que tous airs chinois ne peuvent être exactement rendus dans toute leur justesse, que sur des instrumens accordés exprès, & contradictoirement aux regles du tempérament usité en Europe sur les instrumens à touches, c'est-à-dire en altérant progressivement les sons ou les cordes.

Le peu de cas que les Chinois font de la musique, au rapport des Historiens missionnaires & autres, paroît se manifester par leur négligence à ne pas recourir à un moyen de se la transmettre, ainsi que nous le faisons, par des caracteres ou notes consacrées à cet effet (3). Ils n'ont d'autres voies que la tradition auriculaire, à l'exemple des premiers habitans de la terre, ou de tous les Asiatiques. Les Chinois ne connoissent d'autre harmonie que celle que les anciens Grecs appelloient homophonie & antiphonie. (Voyez ces mots.) c. à d. qu'ils ne chantent & accompagnent leurs chants qu'à l'octave ou à l'unisson, ainsi qu'il est d'usage par toute l'Asie. S'il se rencontre un certain ordre de mouvement, de rhythme & de mesure dans leur musique; c'est sans regle, sans science & comme par hasard; car la plûpart du tems ils mettent leurs chansons anciennes & modernes sur l'air de quelques-unes des plus vieilles, dont ils savent les poses & les mesures, ainsi qu'en usent nos poëtes parodistes, qui sont dans l'obligation de couper leurs vers sur ceux du couplet qui leur sert de modele, & duquel ils ont soin de conserver le timbre, pour servir d'indication de l'air parodié.


PLANCHE IV. La fig. 1. représente un air persan. Tout ce que nous pouvons dire sur ce genre de musique, c'est que soit que les Asiatiques ayent copié les Grecs, ou soit que ces derniers ayent emprunté leurs mélodie des premiers, il est toujours certain qu'il y a beaucoup de rapport entre les uns & les autres à cet égard; les mêmes chûtes ou cadences, les mêmes conclusions de chant sont communes à ces différens peuples, c'est-à-dire que les finales du mode sont très-rarement celles qui terminent leurs airs, au-contraire c'est toujours la dominante; en général leurs chants sont dans une même modulation & ne sont fondés pour la plupart que sur une espece de refrain presque toujours périodique, qui ne varie que relativement au redoublement ou à la diminution des syllabes du texte sur lequel il est fait, ou pour mieux dire, sous lequel suivant toute apparence, on fait cadrer les paroles avec effort; c'est ce que l'on peut aisément remarquer dans cet air: à la premiere mesure les deux premieres notes sont élidées sur une syllabe; pareille chose est encore de la seconde mesure à la troisieme, & les trois notes suivantes exigent chacune une répétition de la syllabe nar, ainsi qu'à la septieme & huitieme mesure, par rapport à la syllabe ar, c'est ce qui est indiqué dans cet air par les notes surmontées d'un petit trait sous une liaison.

Quant au systême musical des Orientaux, c'est à-dire des Turcs, des Arabes & des Persans, nous croyons devoir profiter de la circonstance présente pour en dire quelque chose. Les uns & les autres ont un systême commun entre eux, lequel a un rapport direct à celui des anciens Grecs, puisqu'ils divisent encore, ainsi que le faisoit Aristoxène, l'octave en deux quartes & un ton majeur; la quinte en quarte & ton majeur, & enfin la quarte en deux tons, dont l'un est majeur & l'autre mineur, qu'ils expriment indistinctement par le mot tanini, (quoique le comma qui les différencie ne leur soit pas inconnu) & un demi-ton majeur, ainsi:

SYSTÈME DE MUSIQUE DES ORIENTAUX.


Selon les combinaisons de ces derniers & plus petits intervalles desquels ils fassent usage & qui sont marqués dans le zylarba ou quarte par les trois lettres B. C. D. ils en forment différentes classes, dont il y en a 7 de quartes consonantes, & 6 de quintes aussi consonantes, les autres classes de quartes & de quintes étant dissonantes; & par la combinaison de ces classes consonantes de quartes avec celles de quintes, ils forment 37 principaux modes simples qui ont chacun leur mihast ou corde principale, & qu'ils rapportent, quant au figuré, aux 12 signes du zodiaque. Tous ces modes répondent aux cordes diatoniques, chromatiques & enharmoniques du système ancien, composé de 5 tétracordes, tels qu'étoient les modes des Grecs, avec la même distinction que produisoit la prééminence de ces derniers, les uns à l'égard des autres, comme le Dorien, le Phrygien & le Lydien le faisoient sur tous ceux qui en étoient les plagaux ou subordonnés. Quoique l'on fasse monter ces modes au nombre de 37, il ne s'ensuit pas qu'il y en ait autant, à moins que l'on n'y comprenne les repliques ou octaves des 12 premiers: le nombre exact de ces modes est de 25, dont voici les dénominations, selon Schamseddin, auteur Arabe.

Modes de Musique des Orientaux. Genre diatonique.

Rast, Irak, Zaroakend, Isfahan, Zankala, Bazraq, Rahawi, Hassiny, Maiah, Abouseliq, Nouy, Isak.

Genre chromatique.

Hegiaz, Kaouschet, Nyrouz, Schahnaz, Selamek, Al-zarakschi.


Genre enharmonique.

Sika, Giarka, Bengiaka, Scheschtaka, Heftaka,


(3) Si les historiens déja cités rapportent que les Chinois fe servent de certains caracteres avec lesquels ils désignent leurs tons, il paroît que c'est une erreur de leur part, & qu'ils confondent en cela les tons musicaux avec les cinq tons grammaticaux de la langue chinoise, qui reviennent à-peu-près à nos accens (*D *L U). Nous osons dire hardiment que ce n'est pas seulement les historiens que nous avons consultés sur cette matiere, mais encore des sçavans du premier ordre à cet égard, & des chinois lettrés.