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Questions & Réponses sur les Carrieres d’ardoise.

M. de Magnanville, Intendant de la généralité de Tours, ayant remis au sieur de Vauglie, Ingénieur du Roi pour les ponts & chaussées des provinces du Maine & d’Anjou, un mémoire en réponse à des questions faites sur la nature des carrieres d’ardoise d’Anjou, & desirant qu’il examinât avec soin par lui-même sur les lieux tout ce qui fait le sujet de ce mémoire, l’Ingénieur après l’avoir lu avec toute l’attention possible, & avoir jugé beaucoup de connoissance en ce genre dans l’auteur de ce mémoire, qui est le sieur Sarthe, propriétaire de deux de ces carrieres d’ardoise, dont il fait faire lui-même journellement l’exploitation, a cru ne pouvoir mieux remplir sa commission, que de profiter des lumieres de ce négociant acquises par une longue expérience sur ce sujet, il s’est donc transporté sur les lieux, où conjointement avec le sieur Sarthe, & d’après leurs observations communes, il a travaillé à répondre ainsi qu’il suit, aux différentes questions faites sur la nature des carrieres d’ardoise situées en Anjou.

Premiere Question.

Les carrieres qui renferment de l’ardoise, sont-elles situées dans la plaine ou sur le penchant de quelque côteau?

Réponse.

Les carrieres d’ardoise d’Anjou sont situées sur un côteau qui regne du côté du levant depuis Angers jusqu’à Trelazé; du côté du couchant il est interrompu par la riviere de Mayenne. Ce côteau n’est point escarpé, il se perd souvent dans la plaine, & sa pente n’est sensible que du côté de la riviere; sa direction depuis Avrillé passant par Angers & traversant la Mayenne, jusqu’à Trelazé sur deux lieues de distance, est telle, que toutes les huit différentes carrieres ouvertes sur cette étendue, & toutes les anciennes fouilles forment une ligne continue du levant au couchant, ce qui joint aux différentes observations dont on fera mention ci-après, pourroit engager à mettre l’ardoise dans la classe des minéraux comme ayant un très grand rapport avec les mines de charbon de terre & autres.

Seconde Question.

Quelques matieres indiquent-elles à la superficie de la terre qu’on peut espérer de trouver de l’ardoise en creusant? ces matieres varient sans doute? On souhaiteroit un détail exact de l’épaisseur de chacun de leur lit, de la forme & de la nature de ces matieres.

Réponse.

Quand on veut ouvrir une carriere, on ne s’écarte pas du côteau dont on vient de parler, on suit même d’assez près les anciennes fouilles; ce sont les indices les plus certains qui sont confirmés par la nature du rocher qui se trouve à peu de profondeur, c’est-à-dire à 12 ou 13 piés plus ou moins de la superficie du terrein qui présente une terre susceptible de culture.

La surface du rocher ou la premiere cosse est ordinairement sans consistance par feuillets, peu suivie & d’une couleur qui tient de la nature de la terre qui la couvre, son épaisseur est de quatre ou cinq piés, on y reconnoît déjà les matieres étrangeres.

Au dessous de cette premiere cosse est une seconde plus solide de la nature & de la forme de la pierre qui fournit l’ardoise, ayant à-peu-près même épaisseur que la précédente, mais qui varie néanmoins suivant la qualité du terrein, & sur laquelle sont les couches de la bonne pierre que l’on nomme le franc-quartier, dans lequel se rencontre accidentellement les feuillets, les chats, les toreines & autres matieres étrangeres, dont nous parlerons ci-après, mais dont la qualité n’est pas constamment bonne à la même hauteur dans toutes les carrieres.

Troisieme Question.

Ce que l’on appelle vulgairement lit de carrieres en fait de pierre à bâtir, est la disposition parallele de ces lits disposés les uns sur les autres horizontalement; l’ardoise estelle ainsi placée dans les ardoisieres, & le sens dans lequel on en fend les blocs, est-il perpendiculaire ou parallele à l’horizon?

Réponse.

On distingue dans toutes les ardoisieres de grands délits ou fils séparant les couches ou bancs d’ardoise, lesquels étant tous paralleles sont inclinés à l’horizon. En se plongeant vers le nord, c’est-à-dire que le sommet de la couche se retirant du côté du midi d’environ trois piés d’après une ligne verticale de neuf piés de hauteur, l’angle opposé à l’angle droit formé par la perpendiculaire & l’horizontale, est d’environ soixante-dix degrés.

Ces délits montans sont constans & suivis dans les carrieres, ils indiquent surement la séparation des couches, mais ils ne sont pas les seuls, on en remarque d’autres accidentels remplis de matieres étrangeres, qui coupent, pour ainsi dire, les premieres à angles droits, sauf la direction qu’ils ont du midi au nord, & l’inclinaison du levant au couchant par un angle à-peu-près semblable à ceux inclinés au nord. Les grands délits ayant leur direction du levant au couchant, se rencontrent dans toutes les carrieres, & sont les seuls qui se suivent constamment dans leurs directions & inclinaisons; les uns & les autres sont néanmoins traversés par une infinité de fils accidentels, n’ayant aucune direction suivie, dus en entier au hazard.

La matiere qui compose ces bancs, ou l’ardoise en général, est poreuse, & n’est qu’un assemblage de couches les unes sur les autres, dont le tissu est si fin, qu’il peut être considéré comme divisible à l’infini.

Indépendamment des différentes positions de l’ardoise dont on vient de parler, on rencontre souvent dans le même banc des couches paralleles, quelquefois perpendiculaires, d’autres fois inclinées à l’horizon même en deux sens opposés, de maniere qu’elles représentent un compas à demi-ouvert, ou se terminent en forme de pyramide, ou forment des losanges de toutes grandeurs enclavées les unes dans les autres. Il se rencontre aussi de l’ardoise dont les couches sont na-turellement courbes, de maniere que dans l’exploitation elles occasionnent une perte considérable aux entrepreneurs qui sont obligés de la rebuter par la difficulté de la mettre en œuvre dans les bâtimens, à moins qu’elle ne soit tellement courbée, qu’on puisse l’employer à des domes & autres bâtimens de cette nature, ce qui est fort rare, dans ce cas elle augmente de prix, on lui donne le nom de cofine.

Il paroît que l’on peut conclure de tout ce qui vient d’être dit, que les délits montans peuvent être considérés comme le lit des bancs d’ardoise, quoiqu’ils semblent en former les joints par leur position qui approche de la perpendiculaire, & que dans la construction ordinaire des bâtimens où l’on en fait usage de la sorte, la pierre se trouve posée comme elle doit l’être, & suivant l’art de bâtir. Le même effet a lieu dans les voussoirs des arcs bandés avec cette pierre, puisque les délits montans qui paroissent les joints dans les carrieres, étant considérés ainsi que nous le desirons, comme les lits de l’ardoise, elle se trouve alors dans sa position naturelle de carriere. Cette façon de bâtir assurée par l’expérience, paroît d’autant plus convenable, que, suivant la disposition des couches de l’ardoise, on l’emploie dans toute sa force possible, en pressant ces mêmes couches les unes sur les autres, au lieu de les charger sur les tranches.

Quatrieme Question.

Les ardoiseries s’exploitent-elles en ouvrant de larges puits très-profonds, ou bien pratique-t-on des