Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée

la fosse; mais il n'en paie plus que la moitié, quand une fois le travail de la fosse est ouvert; il faut savoir, pour entendre ceci, que ce travail ne va pas toujours. On le suspend ordinairement depuis la fauchaison jusqu'à-près les moissons, tant parce que les ouvriers trouvent dans cette saison à gagner de plus fortes journées, en travaillant à la campagne, que parce que s'ils travailloient toute l'année, ils feroient plus d'ardoise qu'on ne trouve à en vendre. C'est pour intéresser les maîtres ouvriers à diminuer autant qu'il est possible, la dépense des épuisemens, qu'on leur fait payer entre eux tous la moitié de cette dépense pendant qu'ils travaillent. C'est aussi pour la même raison qu'ils sont chargés, chacun en ce qui les concerne, de faire & entretenir les rigoles & les conduits pour diriger les eaux au pié des pompes. La dépense des épuisemens n'est pas considérable à l'ardoisiere de Rimogne. On n'y fait communément aller les pompes que depuis quatre heures du matin jusqu'à neuf, au plus tard jusqu'à midi, & cela suffit ordinairement jusqu'au lendemâin.

Je n'ai point cru devoir me borner au détail de l'art; je suis aussi entré dans celui de la police du travail, parce que le but du Dictionnaire encyclopédique est d'étendre non-seulement les arts, mais encore le commerce, & que c'est de l'ordre & de l'économie que dépend ordinairement le succès des grandes entreprises. Pour ne rien laisser à desirer de ce qui peut contribuer à en faire d'avantageuses en ce genre, je vais expliquer de quelle maniere on doit s'y prendre pour exploiter un banc qui auroit beaucoup moins d'épaisseur que celui de Rimogne.

A B C D, fig. 2. Pl. V. le profil de la partie de devant d'un banc d'ardoise de 12 ou 15 piés seulement d'épaisseur enfermé entre deux lits de cailloux. Celui de dessous est indifférent, mais il faut absolument qu'il y ait en-dessous un banc de cailloux, d'autre ardoise, ou de pierre; car si c'étoit de la terre ordinaire & sans consistance, la dépense qu'il faudroit faire pour soutenir le ciel, couteroit plus qu'un banc aussi peu épais ne pourroit rapporter. Si le banc avoit plus de 12 ou 15 piés d'épaisseur, & qu'il fût recouvert de mauvaise terre, on pourroit sacrifier une partie de ce banc pour former un ciel: supposant donc qu'on puisse s'en procurer un solide le long de B C, il faut commencer par ouvrir vers le flanc de la montagne une galerie dont l'entrée est marquée E F au plan de la même fig. 2. & a b c au profil. Comme ces galeries coutent beaucoup à faire, elles sont ordinairement fort étroites & fort basses; il suffit que deux hommes puissent y passer à côté l'un de l'autre en se baissant par rapport à la grande inclinaison des parois de la galerie dont la coupe, comme on le voit par la figure, est un triangle.

Cette premiere galerie doit être prolongée indéfiniment vers le cœur de la montagne comme en K, afin de savoir si le banc a assez de largeur pour qu'on puisse espérer quelque profit à le travailler. On a aussi attention de conduire cette galerie un peu en montant, afin de diriger vers le dehors les eaux qui viennent d'en-haut, & qu'il est essentiel de ne pas laisser tomber dans la partie inférieure. Lorsqu'on s'est une fois assuré que le banc mérite la peine d'être exploité, ou ouvre à un point tel que H, une nouvelle galerie à l'équerre sur la premiere. On lui donne six piés de largeur & autant de hauteur que le banc, ciel réservé comme de raison, lorsqu'on a trouvé nécessaire d'en laisser un. Quand la pierre qui sort d'une galerie, est de bonne qualité, on ne la pioche pas toute en décombres, & on tâche d'en sauver quelques morceaux propres à faire de l'ardoise ou au-moins des faisceaux, comme nous avons vû que le font les craboteurs de Rimogne. Cette seconde galerie doit être inclinée suivant le banc, on la prolonge jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la bonne pierre dans laquelle on entre même de 26 piés. Supposant donc que la pierre soit déja de bonne qualité au point H, il faudra donner à la galerie 26 piés de G en I. On exploite ensuite les masses d'ardoise H I P K & L M N O de droite & de gauche de cette galerie. Cette exploitation se fait par parties successives de 20 piés de largeur en commençant toujours vers le haut par un crabotage de deux piés & en formant ensuite des longuesses qui se débitent par pieces & par étendelles comme à Rimogne. On pousse ce travail aussi loin qu'il est possible, c'est-à-dire autant que la pierre se trouve bonne, ou qu'il ne se rencontre pas des obstacles qui forcent de s'arrêter. Il y a, par exemple, le long de la Meuse des ardoisieres dont le banc s'étend sous cette riviere. On voit aisément qu'il faut être arrivé à une certaine profondeur avant que de pouvoir y pousser des galeries, & que si on en établissoit trop peu au-dessous du fond de la riviere, on courroit risque d'y être submergé en un instant, mais à une certaine profondeur il n'y a plus aucun danger: aussi tient-on qu'il y a dans l'ardoisiere de Saint-Louis beaucoup de ces galeries qui passent sous la Meuse.

Quand on a une fois poussé le travail aussi loin qu'il a été possible de droite & de gaucbe de la galerie H I M L, on en ouvre une nouvelle I Q R M suivant l'inclinaison du banc comme la premiere, mais on lui donne 36 piés de longueur, afin qu'en exploitant encore de droite & de gauche sur 26 piés de Q en S, & de R en T, il puisse rester des piliers ou plutôt des étais P I S V & N M T X de dix pies d'épaisseur. Tout le banc s'exploite ainsi successivement par chambrée de 26 piés de largeur entre lesquelles il y a des murs de 10 piés d'épaisseur. Cette largeur de 26 piés doit cependant varier suivant que le ciel est plus ou moins solide; mais les accidens ne sont jamais bien fréquens dans un banc de peu d'épaisseur par la facilité avec laquelle on peut les prévenir & à peu de frais. Indépendamment des piliers qu'on réserve quelquefois à cet effet dans le sens de la longueur du banc, on en fait encore dans le même sens avec les décombres. J'ai déja observé, en parlant de l'ardoisiere de Rimogne, qu'une infinité de circonstances obligeoient à s'écarter dans la position & les dimensions des galeries & des piliers, de l'ordre qu'on s'étoit d'abord proposé: on fait souvent, par exemple, surtout lorsque le banc est large, plusieurs galeries paralleles à H Q R L, & on n'attend pas toujours que les chambrées à droite & à gauche d'une galerie soient entierement foncées, pour la prolonger & pour attaquer le banc à droite & à gauche de ce prolongement; tout cela dépend de l'intelligence & de la prudence de celui qui est à la tête de l'exploitation.

Ce que nous avons vû de la maniere de ranger les échelles & d'épuiser les eaux de l'ardoisiere de Rimogne peut s'appliquer à toutes les autres ardoisieres, avec certaines modifications relatives aux circonstances. Lorsque les eaux, par exemple, sont trop abondantes, on peut au-lieu de simples pompes à bras, se servir de machines plus compliquées, auxquelles on applique des chevaux; le vent, l'eau même, sont encore des agens qu'on peut employer quelquefois avec succès. Ceci doit seulement s'entendre de la machine supérieure qui est toujours la plus chargée d'eau, & au pié de laquelle on conduit & amene les eaux de toutes les galeries par les moyens ordinaires. Je répete ici comme une chose très-essentielle, que le premier soin lorsqu'on veut ouvrir une ardoisiere, doit être de chercher si on ne pourra pas se débarrasser des eaux par quelque conduit souterrein qui ait son débouché dans le vallon voisin le plus profond. La seule attention qu'on doive avoir, est de bien s'informer jusqu'où monte le débordement de la riviere, qui passe quelque-fois dans ce vallon, afin de tenir le conduit assez élevé pour que l'eau de cette riviere ne puisse jamais s'introduire dans la fosse.

Je souhaiterois, après avoir donné la maniere d'exploiter les ardoisieres, pouvoir y joindre quelques indices certains pour n'en jamais ouvrir à faux, mais quelques recherches que j'aie faites, je n'ai jamais rien pû recueillir de satisfaisant à cet égard, tel banc qui promet beaucoup vers le haut, ne valant quelquefois rien plus bas. Communément cependant, plus le banc est couvert de terre, plus il est sain, de sorte que la pierre devient meilleure à mesure qu'on s'enfonce, jusqu'à ce qu'elle soit en quelque façon trop bonne, c'est-à-dire si dure qu'il n'est plus possible de la débiter on ardoises. C'est par rapport à cette propriété qu'a ordinairement le banc d'ardoise de devenir meilleur à me-