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Lorsqu'on pousse plusieurs culées à la suite les unes des autres, sans leur donner aucune communication avec les ouvrages voisins, il est assez ordinaire que l'air cesse de circuler dans toute cette partie, mais surtout dans la derniere culée. On est averti du danger qu'y courent les ouvriers par l'impossibilité qu'il y a d'y conserver de la chandelle allumée. Dans ce cas il faut ouvrir une communication entre la culée la plus proche de celle où on ne peut pas rester sans danger, & quelques anciens ouvrages, c'est le seul moyen dont on se soit servi jusqu'à présent pour entretenir la circulation de l'air dans cette carriere, parce que les ouvrages y ont marché assez également sur la largeur du banc pour qu'il ait toujours été facile d'ouvrir ces communications d'un ouvrage à l'autre. Dans une carriere où on ne pourroit pas se les procurer, il faudroit avoir recours aux moyens usités en pareil cas dans les mines & autres souterreins.

C'est beaucoup que d'avoir assuré le ciel de la carriere & d'avoir donné à l'air de la fosse une libre circulation, mais il n'est pas moins important de ne se pas laisser gagner par les eaux; leur dérivation est la partie la plus délicate de l'exploitation d'une ardoisiere, tant par rapport à la dépense immense qu'entraînent les épuisemens lorsqu'ils sont mal conduits, que parce que le peu d'intelligence de la plûpart des facteurs à cet égard, met souvent dans le cas d'abandonner les meilleures carrieres. L'essentiel est de bien choisir l'emplacement des bassins où on doit réunir les eaux & où les pompes doivent puiser. Comme on se sert communément de pompes aspirantes, ces puisarts ou réservoirs peuvent se placer à environ trente piés au-dessus les uns des autres, mais il y a des circonstances locales qui forcent à les multiplier bien davantage. C'est pour cela que dans l'ardoisiere de Rimogne dont il s'agit ici, il y a dix-sept pompes les unes sur les autres, pour le moins de trois cens piés de hauteur. Je ne parle que de trois cens piés, parce qu'il n'a pas été nécessaire d'élever les eaux jusqu'à l'entrée de la fosse; elles s'écoulent environ cent piés au-dessous de cette entrée par deux canaux souterteins qui ont leur issue sur la croupe de la montagne. Ces sortes de canaux coûtent ordinairement beaucoup de premiere construction, mais c'est une dépense qui est bientôt regagnée; aussi doit-on commencer, lorsqu'on ouvre une ardoisiere, par examiner tous les dehors, pour voir s'il n'y a pas moyen de se procurer un pareil canal de décharge, qu'il faut toujours placer le plus bas qu'il est possible. On rejette aussi quelque-fois les eaux dans d'anciennes fosses, qui servent pour-lors de réservoirs aux pompes supérieures; tel est le gouffre g, fig. 3. Pl. premiere, où se réunissent toutes les eaux inférieures aux quinziemes pompes. Il est sûr que ce seroit une grande dépense, que d'avoir une seconde suite de pompes dans ces anciennes culées abandonnées; mais il faut être bien sûr des parois d'un pareil gouffre, qui inonderoit en un instant toute la partie basse de la carriere, si jamais les eaux venoient à s'ouvrir un passage vers son fond. On voit par-là combien il est essentiel de n'en pas trop approcher les nouvelles culées qu'on fonce aux environs. Un plan exact des anciens ouvrages seroit une chose bien utile en pareille circonstance. Il est bien étonnant que les propriétaires des ardoisieres n'aient point de pareils plans, sans lesquels on court les risques de faire de grandes fautes, surtout lorsque les ouvrages dans lesquels on veut éviter de tomber sont si anciens, qu'il n'y a plus aucun des ouvriers qui y ont travaillé. Je reviens aux épuisemens.

Comme les puisarts reçoivent toujours, à mesure qu'on monte, d'autres eaux que celles des pompes inférieures, & que souvent même plusieurs suites de pompes viennent se décharger dans le même puisart, non-seulement les pompes supérieures deviennent plus fortes à tirer, mais on est même obligé de les redoubler; c'est pour cela qu'on voit, fig. 3. Pl. premiere, qu'il y a deux pompes numérotées 15, qui répondent à la quatorzieme, & trois numérotées 17, qui répondent aux deux numérotées 16. Les nouvelles eaux se conduisent dans les puisarts par des rigoles qui partent d'autres petits puisarts, où on les réunit de différentes manieres très-simples. On fait, par exemple, dans les parois des galeries, de petites rigoles a, fig. 4. Planche IV. par le moyen desquelles on ramasse toutes les eaux qui sourcillent le long de ces parois, & même du ciel de la carriere. Lorsqu'il se trouve en quelque endroit de ce ciel comme en b, une petite source qui couleroit le long du plafond vers c, & qui étant trop considérable pour être contenue dans la rigole a, tomberoit dans le fond d, d'où il faudroit ensuite la faire remonter en e; on dirige tout de suite cette source vers e, en fixant solidement & verticalement une grande perche lisse b e, le long de laquelle l'eau coule d'elle-même.

Voilà tout le travail des ouvriers d'en-bas, nous avons déjà même vû ceux d'en-haut aller chercher les faix à moitié chemin, & les rapporter dans leurs haillons, pour donner à l'ardoise sa derniere façon. On trouvera I, j, Pl. II. le plan & la coupe d'un de ces haillons; on y met les faix à mesure qu'on les sort de la fosse, il ne faut pas même les y garder trop longtems avant que de les débiter, car la pierre se durcit à l'air au point qu'il n'est quelquefois plus possible de la refendre.

Les ouvriers d'en-haut sont les refendeurs, & les hacheurs ou rebatteurs. Les resendeurs divisent les faix sur leur épaisseur en repartons, ce qui se fait à l'aide d'un gros ciseau K Pl. II. Ces repartons se divisent encore en d'autres plus minces avec un moyen ciseau, & enfin ceux-ci en pieces d'en-haut, soit avec le même moyen ciseau, soit avec le ciseau fin, qui n'est qu'un moyen ciseau devenu plus délié à force d'avoir servi. La fig. 1. Pl. V. représente l'intérieur d'un haillon. a est un refendeur qui débite en repartons un morceau de pierre qu'il place à cet effet entre ses jambes, de maniere qu'il soit serré par le bas entre ses talons, & par le haut entre ses genoux. Outre la différence des ciseaux dont se sert le refendeur à mesure qu'il doit refendre des morceaux plus minces, il y a encore un certain ménagement à avoir dans la maniere de s'en servir. Il consiste à frapper avec le maillet L Pl. II. sur la tête du ciseau qui doit refendre les morceaux les plus épais & les plus durs, à frapper plus doucement avec le même maillet quand la pierre est plus mince & plus tendre, & enfin à ne chasser le ciseau qu'avec la paume de la main, lorsqu'on en est à la derniere division. Il faut aussi, à mesure que le ciseau entre, le frapper de tems-en-tems sur la tranche, pour détacher en même tems la pierre sur toute sa largeur, sans quoi il seroit à craindre qu'- elle n'éclatât à l'endroit du ciseau. C'est toujours par l'angle du faix ou du reparton qu'il faut faire entrer le ciseau; quelque fois l'angle s'éclatte sous le ciseau, qui se rejette par ce moyen de côté sans entror dans la pierre; on l'attaque pour-lors par un autre angle. Il y a encore un tour de main essentiel au refendeur; quand son ciseau est une fois arrivé au tiers ou à moitié de sa pierre, suivant qu'elle est plus ou moins épaisse, il acheve pour-lors de l'enfoncer avec la main seulement, en l'agitant légerement de la droite à la gauche entre les deux feuilles, qu'il sépare enfin tout-à-fait en éloignant d'abord la tête du ciseau & en la remuant ensuite subitement vers lui.

Il faut aussi avoir attention, à mesure que les repartons s'amincissent, de diminuer leur largeur, si elle est trop grande, parce qu'un morceau moins grand est toujours plus facile à refendre. Ce qu'on retranche ainsi avant ne pourroit servir de rien, & si le morceau se refendoit mal faute d'avoir fait ce retranchement, il pourroit très bien se casser de façon qu'il ne seroit plus possible d en tirer une ardoise entiere.

b Même fig. 1. de la Pl. V. est un hacheur ou rebatteur; c'est lui qui prend les pieces d'en-haut des mains du refendeur, & qui les façonne en ardoise d'échantillon. Il est à califourchon sur une espece de treteau appellé cheval; la tête de ce cheval est traversée comme on le voit dans la figure, mais encore mieux M Pl. II. par une espece de petite planche qui se nomme béquillon, & dont la partie supérieure qu'on appelle la bride, excede la tête du cheval d'environ trois pouces. C'est sur