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dire des coins plus minces, en deux ou trois étendelles qui n’ont plus que cinq à six pouces d’épaisseur, & qu’on divise encore avec les mêmes refendrets ou avec d’autres plus déliés, chacune en deux ou trois étendelles plus minces, de sorte qu’une de ces dernieres étendelles, lorsqu’il n’y a point de délit dans la pierre, ou lorsqu’il n’arrive point d’accident, ce qui est à la vérité fort rare, est une table d’ardoise d’environ vingt piés de long, sept de large, & deux pouces d’épaisseur. On débite ensuite ces étendelles sur leur longueur en fax ou faix, ainsi nommés sans doute, parce qu’ils font communément la charge d’un homme: on donne à ces faix depuis douze jusqu’à quinze pouces de largeur, & ils ont de longueur environ sept piés, qui est la largeur de l’étendelle. Pour débiter une étendelle en faix, on met dessous cette étendelle à quelques pouces près de son devant, un coin de fer, & on frappe sur l’étendelle avec la hache d’ouvrage, précisement à plomb de l’endroit qui porte sur le coin. Après deux ou trois coups, souvent même dès le premier, l’étendelle se fend assez droit du devant à l’arriere: on pousse ensuite le coin douze ou quinze pouces plus loin, & en frappant de nouveau, on fait encore un nouveau faix, on continue de même jusqu’à ce que toute l’étendelle soit débitée. Ces faix sont enlevés à mesure pour être portés au dépôt, qui est environ à moitié chemin de l’ouverture de la fosse vers le pié de l’échelle cotée N sur les fig. 2. & 3. de la Planche premiere.

Je suis entré dans le plus grand détail sur la mamere de détacher cette premiere longuesse de devant, & de la débiter en étendelles & en faix, parce que toutes les autres longuesses s’enlevent & se débitent de même, sur quoi l’on doit seulement observer que la longuesse de devant une fois enlevée, cela donne du jeu pour battre les coins qui doivent faire lever la suivante, sans qu’il soit besoin de faire de manottes, on se contente de tenures qu’on espace de pié-en-pié. Les ouvriers qui sont pour lors moins gênés que lorsqu’il faut battre les coins dans les manottes, frappent chacun successivement sur trois coins, sans être obligés pour cela de changer de place, parce qu’ils se mettent vis-à-vis celui du milieu; quand les trois longuesses sont enlévées, on en enleve de la même maniere trois autres inmédiatement au-dessous des trois premieres; & comme le forage se trouve alors avoir plus de cinq piés de hauteur, & qu’on y est très à son aise, on peut commencer le crabotage de la partie d e D c fig. 1. Pl. III. Ce crabotage une fois achevé, toute la culée sera entamée, & il ne s’agira plus que de la foncer, en formant dans la nouvelle partie des longuesses pareilles à celles de la premiere, & en les détachant & débitant de la même maniere. Il est bon d’observer à ce sujet que pour mettre le travail tout-à fait en regle, il ne faut pas faire d’abord toutes les tailles qui séparent les longuesses aussi profondes les unes que les autres. On doit donner plus de profondeur à celles de devant qu’à celles de derriere, afin que ces longuesses forment des especes de gradins, comme on le voit dans la culée a b c d des fig. 2. & 3. de la Planche premiere, cela donne la facilité d’exploiter toutes les longuesses en même tems, ce qu’on ne pourroit pas faire si toutes avoient leur dessus dans le même plan. La fig. 1. de la Planche IV. servira à éclaircir tout ce que nous venons de voir, elle représente la vue en perspective d’une culée où plusieurs ouvriers exécutent les plus essentielles des manœuvres relatives à son exploitation.

Nous avons vû qu’à mesure que les ouvriers d’en-bas, c’est-à-dire ceux qui travaillent à foncer les culées, avoient divisé une étendelle en faix, ils portoient ces faix à un dépôt environ à moitié chemin de la culée à la sortie de la fosse, c’est à ce dépôt que les ouvriers d’en-haut viennent prendre les faix pour les porter dans leurs haillons, c’est-à-dire dans les petites huttes, où ils débitent ces faix, & où ils donnent à l’ardoise sa derniere façon; les uns & les autres portent ces faix sur leur dos presque toujours sans y mettre la main, tel est celui marqué a, fig. 2. Planche IV. Celui marqué b enfonce le bout de son faix sous un des boursons de l’échelle, & monte en même tems un bourson de plus pour se garantir de quelque chose qu’il entend tomber au-dessus de lui, & même pour le retenir. Cette précaution est presque toujours superflue, les ouvriers qui sentent leur faix glisser ayant ordinairement l’attention, lorsqu’ils ne peuvent le retenir, de le rejetter promptement de côté & en-dehors de l’échelle.

Comme les faix pesent communément plus de deux cens livres, les ouvriers quand leur tour vient de les porter, endossent une espece de sarot appellé bassat, qui n’est autre chose qu’un vieil habit dont le dos est matelassé. Tous les ouvriers soit d’en-haut, soit d’en-bas ont aussi ce qu’ils appellent waguettes: ce sont des morceaux de feutre qu’ils attachent avec une courroie sur le devant de leurs jambes. Ces waguettes servent à amortir les coups qu’ils sont sujets à se donner contre les angles de la pierre & contre les boursons des échelles.

Les ouvriers se servent de chandelle pour éclairer leur travail du dedans de la fosse, mais ils portent leurs faix sans aucune lumiere, soit dans les galeries, soit sur les échelles, à force de passer par le même endroit il se forme dans les galeries des especes d’augets dans lesquels les ouvriers sont couler leurs piés, ce qui les dirige dans leur marche.

Nous venons de conduire les faix dans les haillons, mais avant que d’expliqner la maniere dont on y façonne l’ardoise, il convîent de dire un mot de la nature de celle qu’on tire de cette carriere, & même des autres carrieres voisines. Il n’est pas moins essentiel d’indiquer les précautions qu’il faut prendre pour donner à l’air de la fosse une libre circulation, & pour se débarrasser des eaux qui filtrent à-travers les délits de la pierre.

De toutes les ardoises qui se tirent aux environs de Charleville, celle de Rimogne approche le plus de celle d’Angers, tant par sa qualité que par sa couleur, qui est d’un bleu très-soncé. Celle de Saint-Louis au contraire est verdâtre & parsemée d’une infinité de petits grains métalliques, ou au-moins pyriteux; aussi rencontre-t-on souvent dans l’ardoisiere de Saint-Louis & dans les autres ardoisieres situées sur le bord de la Meuse, de petites pyrites cubiques couleur de cuivre, qu’on ne trouve point dans celle de Rimogne; on ne trouve dans aucune de ces ardoisieres ni coquilles ni impressions de poissons, ce qui est d’autant plus extraordinaire qu’il y a dans les terres voisines & dans les carrieres de pierres à bâtir des environs beaucoup de coquilles fossiles ou pétrifiées. Le banc de Rimogne est le plus épais qu’on connoisse dans le pays, il est plein & uniforme: on y rencontre peu de craies ou cordons, c’est ainsi que les ouvriers appellent des veines de cailloux qui empêchent que la pierre ne se débite facilement & à profit. On y rencontre aussi peu de délits par comparaison aux autres ardoisieres du voisinage. Ces délits, qui ne sont autre chose que des fentes remplies d’une matiere plus tendre, prennent suivant leur position par rapport à celle du banc, différens noms, qu’il ne faut pas ignorer lorsqu’on veut converser avec les ouvriers, & en tirer quelques éclaircissemens sur leur travail. Ils appellent naye ou laye tout délit vertical qui se trouve à-peu-près dans le sens de la longueur du banc; lorsque la laye au-lieu de se soutenir dans la verticale, s’en éloigne en plongeant de l’est à l’ouest, ou de l’ouest à l’est, elle prend le nom d’avantage. Le délit qui plonge dans le banc du nord au sud s’appelle rifleau, & celui qui y plonge en sens contraire, c’est-à-dire du sud au nord s’appelle macquerie. En général on nomme délit en couteau ou en becuant, tout délit qui n’est pas à l’équerre sur la surface du banc. On a marqué tous ces différens délits sur un bloc d’ardoise représenté fig. 3. de la Pl. IV. à laquelle on peut avoir recours, ainsi qu’à son explication. Il faut avoir une grande attention aux délits qui peuvent se rencontrer dans les piliers qu’on laisse pour soutenir le ciel; car comme ces piliers sont inclinés à l’horizon, une tranche comprise entre deux délits aussi inclinés peut facilement glisser, même quand ces délits sont paralleles, & à plus forte raison lorsqu’ils forment un coin dont la tête est du côté où le banc plonge.