Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

droite il tient la brosse avec laquelle il balaye la table; alors le bras c ou d dont il tient la poignée, le force à marcher aussi vîte que lui, & par conséquent le tient toujours également éloigné de la meule roulante qui le suit.

3. La petite volée ou charrue vue en perspective & dessinée sur une échelle double. H partie de la charrue qui commence à rassembler les matieres. G partie de la charrue qui acheve de la rejetter sous la voie des meules.

4. La grande charrue aussi dessinée sur une échelle double. F partie de la charrue qui commence à rassembler les matieres vers les bords de la meule gissante. E partie de la charrue qui acheve de ramener la matiere sous la voie des meules.

Ce moulin qui existe à Essonne, est le seul de ce méchanisme en France. La poudre qui s'y fabrique mise en parallele avec toutes les poudres étrangeres, ne le cede en rien aux plus parfaites; aussi est-ce la poudre dont les Roi & les princes du Sang font usage. Ce moulin a été construit en 1754, par les soins de M. Micault, alors commissaire-général des poudres & salpêtres de France, sur les plans & sous la direction du pere Fery.

Les meules dont il est composé sont d'une pierre bleue grainée, qui se tire d'une carriere dite Ecossine, qui est à deux lieues de Braine-le-Comte, bourg situé entre Mons & Bruxelles.

Cette pierre est calcaire, noirâtre, avec des écailles spatheuses & brillantes qui sont de la même couleur; elle se dissout entierement & avec effervescence dans l'acide nitreux.

La meule gissante, sur laquelle les deux autres font leurs révolutions, a huit piés de diametre sur vingt-un pouces d'épaisseur; nous ne lui avons donné que sept piés.

Le diametre des roulantes est de sept piés cinq pouces, l'épaisseur de celle qui est le plus près du centre est de dix-huit pouces six lignes, l'épaisseur de l'autre n'est que de dix-sept pouces & demi; nous ne leur avons donné que sept piés dans nos figures, & seulement seize pouces d'épaisseur. Le pié cube de cette pierre pese cent quatre-vingt-sept livres onze onces cinq gros, d'où il suit que chacune de ces meules pese neuf mille six cens soixante-sept livres onze onces cinq gros cinq sixiemes. Au centre de la meule gissante est percé un trou de dix pouces en quarré, pour recevoir la boîte ou le socle de bois qui contient le palier du tourillon de l'arbre vecteur des meules roulantes.

Au centre des meules roulantes est également percée une lumiere de dix pouces & demi en quarré pour recevoir les moyeux de bois qui contiennent des boîtes en métal d'alliage, où est reçu l'essieu commun des deux meules; cet essieu est de fer de onze piés de longueur, sur quatre pouces six lignes de grosseur; il est exactement arrondi d'un bout à l'autre, pour être tiré de place quand il est besoin, sans que l'on soit obligé de toucher aux meules.

On ne fabrique en une fois sous ces meules que soixante & dix livres de poudre; la quantité de matiere destinée à cette composition se place d'abord de part & d'autre entre les deux meules. L'ouvrier leve la vanne, non à l'aide d'une vis & d'un écrou, comme aux autres moulins, mais au moyen d'une bascule qui le met à portée de son ouvrage. La machine se met en action, & lorsque les meules sont parvenues sur la ma-tiere, aussi tôt le Poudrier baisse la vanne & vient étendre la matiere uniformément sur toute la route circulaire des meules. Il les remet en mouvement en levant la vanne, & appuyant sa main gauche sur l'appui qui déborde la volée & qui lui sert de guide, ainsi qu'il a été dit, il balaye la matiere sous les meules, à mesure qu'il avance en les suivant. Après qu'il a fait ainsi quelques tours & que la matiere commence d'être broyée, il fixe la vîtesle du moulin en lâchant la quantité d'eau nécessaire, il descend l'une & l'autre volée, nommées ci devant charrues, dont la destination est de diriger constamment la matiere sous la circonférence des meules roulantes. Cette quantité de soixante & dix livres de poudre est fabriquée dans l'espace de six heures; l'arrosage total est de deux pintes trois huitiemes, au commencement de l'opération, on répand uniformément une pinte trois huitiemes d'eau sur la totalité de la matiere, ensuite d'heure en heure on distribue l'autre pinte à proportion du besoin.

Au bout de six heures les matieres se trouvant parfaitement incorporées ensemble, l'ouvrier baisse la vanne pour arrêter la machine, & au moyen d'une main ou ratissoire de cuivre qui lui a souvent servi à remuer la matiere, il la détache des meules & la rassemble pour la recevoir dans un baquet; après qu'il a recueilli la quantité qui se trouve de part & d'autre entre les meules, il place en ces endroits bien balayés de fortes pieces de cuir de bœuf, afin que les meules roulantes y étant reçues ne touchent jamais immédiatement la meule gissante, ce qui seroit fort dangereux si elles venoient à faire feu; il lâche l'eau avec douceur, & les meules reçues sur les pieces de cuir, lui laissent la liberté de recueillir la poudre qui se trouvoit dans la place qu'elles occupoient ci-devant. Il emporte cette matiere au grainoir où elle est grainée sur-le-champ. On ne tire ordinairement de ces soixante & dix livres que trente livres de grains, le reste passe à-travers le grainoir en forme de poussier, qui a besoin d'une nouvelle préparation pour être remis en grains.

Cette poudre se fabrique en moins de tems que dans les moulins à pilons; elle se fait par compression & non pas par percussion. Il y a donc moins d'évaporations, il y entre moins d'eau dans l'arrosage, vû que les meules roulantes changeant de place à chaque instant relativement aux parties de leur circonférence & à celles de la surface de la meule gissante sur laquelle elles roulent, il n'est point à craindre que la matiere s'échauffe & s'enflamme, ce qui arriveroit dans les batteries à pilons, si on n'y obvioit pas par des arrosages fréquens. Cette poudre est donc moins chargée de parties aqueuses, ce qui la rend moins graisseuse & plus active, mais l'inconvénient de ces sortes de moulins est de fabriquer très-peu de poudre à-la-fois.

C'est pour cette raison que le P. Fery, souvent occupé sur cette partie, avoit proposé autrefois des moulins où la poudre se fît également par compression & sans percussion, & où l'on pût en fabriquer en huit heures autant qu'il s'en fabrique en vingt-quatre dans les barteries ordinaires. Chacun de ces moulins devoit être composé de quatre cylindres de fer de fonte pesant six milliers, qui attachés deux à deux à un brancard commun, devoient rouler en ligne droite sur deux tables horizontales qui auroient eu chacune douze piés de longueur sur quatre piés de largeur, ce qui donnoit pour la matiere à fabriquer une surface totale de 96 piés quarrés. L'essai de ce moulin a été fait à Essonne en 1756. On y a fabriqué de la poudre en huit heures, & sa qualité surpassoit de beaucoup celle de la poudre des batteries ordinaires; mais jusqu'à ce jour on s'est borné à cet essai.


PLANCHE XI.

La vignette représente l'intérieur de l'attelier du grainoir, & plusieurs ouvriers occupés à grainer la poudre.

La matiere ou composition préparée par l'un ou l'autre moulin que l'on vient de décrire est mise dans de grandes mayes qui entourent cet attelier, on en forme un tas comme celui de la fig. 1. Alors un ouvrier fig. 1. prend un grainoir percé à gros grains, le charge de matiere avec une pelle de bois, puis il y place le rouleau ou disque de bois, qui en glissant sur la matiere, la force à se diviser & à passer par les trous du grainoir ou crible fait d'une peau de cochon tendue sur un cercle de bois comme les cribles ordinaires, dont il ne differe que parce que les trous sont ronds & d'environ une demi-ligne de diametre.

Cependant on emploie dans la plupart des fabriques de la peau de veau pour les grainoirs de la poudre de guerre, comme pour ceux de la poudre à giboyer.

La matiere qui a passé à-travers ce grainoir est reprise par les autres ouvriers fig. 2, 3, 4, &c. dans un grainoir différent, en ce qu'il est percé de trous plus petits, de la grosseur du grain de la poudre à giboyer.