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HISTOIRE NATURELLE, MÉTALLURGIE.

Travail du Fer-blanc, contenant 3 Planches. Premieres Instructions.

POur une Manufacture de fer-blanc il faut un martinet à queue, un à drosme, le premier pour monter un marteau de trois à quatre cens, le second pour un marteau de sept à huit cens, le tout de fer sur des enclumes de fonte, plates & d'environ un pié & demi en quarré; le marteau du martinet de quatre pouces dérive sur un pié, & le gros marteau de quinze pouces dérive sur quatre pouces, arrondi d'environ un pouce de retraite sur les bords, les aires bien aciérées, le manche du marteau monté presque tout droit.

On prend du fer en barres qu'on chauffe dans une chaufferie haute, à un soufflet de cuir, pour être battu d'abord sur le martinet à queue & élargi d'un pouce; on replie & laisse une bavûre; cette premiere préparation s'appelle languette, & doit faire deux feuilles. Les languettes préparées, on en porte deux à un second feu aussi à vent & charbon, & quand elles ont le degré de chaleur pour être battues, on prend deux languettes à-la-fois pour être battues sous le gros marteau, ce qui les élargit d'environ un demi pié, & leur donne le nom de semelle; l'ouvrier pour empêcher qu'- elles ne fondent, les trempe dans les cendres du foyer.

Quand on a cinquante semelles, ce qu'on appelle une trousse, pour le petit modele, & vingt-cinq ou trente pour le grand, un goujard les trempe dans une eau d'argile, & on les porte dans un four de reverbere sur deux chenets de fonte; on y met jusqu'à cinq trousses à-la-fois. Les trousses sont tenues par les bouts par des liens de fer, & se chauffent sur le côté; quand elles sont au degré de chaleur convenable, on en saisit une avec une grosse tenaille pour être portée sous le gros marteau où les feuilles sont amincies, & de-là portées au four; la seconde fois qu'elle sort du marteau, l'ouvrier examine les feuilles, & les arrange suivant qu'elles le demandent, mettant à l'extérieur celles qui étoient au milieu, de-là les porte au four pour la troisieme fois & acheve de les battre.

Les feuilles battues se coupent chaudes à la cisaille, elles sont de-là portées à la blancherie où il y a d'autres cisailleurs qui choisissent ce qui est bon à être blanchi, & lui donnent les proportions convenables.

Cela fait, on porte les feuilles dans une cave voûtée où il n'y entre point d'air, on laisse seulement la porte ouverte pour travailler; il y a toujours un brasier allumé & des tonneaux tout-autour de la cave remplis d'eau chaude & de seigle concassé auquel on donne un levain avec du verjus pour aigrir; on met de cet aigre dans chaque tonneau, & dans chaque tonneau une quantité de feuilles qu'on place debout; cet aigre doit durer quinze jours, en rafraîchissant néanmoins.

Chaque ouvrier a cinq tonneaux à gouverner. Dans le premier il met la tôle le matin, & le soir il retourne les feuilles de haut en bas; au bout de vingt-quatre heures les feuilles du premier tonneau se mettent dans le second, du second dans le troisieme, & on remet de nouvelles feuilles dans le premier, & ainsi tous les jours jusqu'au cinquieme tonneau. Au bout de vingt-quatre heures de séjour dans le cinquieme tonneau, on porte les feuilles au récurage, d'abord on les place dans des tonneaux remplis d'eau fraîche à portée des ouvriers.

L'attelier du récurage est une chambre bien fermée garnie d'auges de bois; sur le rebord des auges on rince les feuilles avec sable & guenilles; on prend soin, crainte de la rouille, de laisser le fer toujours dans des tonneaux pleins d'eau; quand elles sont récurées on les met dans des tonneaux remplis d'eau fraîche; tant que le fer est dans l'eau il ne se rouille point: une bonne ouvriere peut récurer cinq ou six cens feuilles par jour.

Du récurage on porte le fer à l'étamage. Le creuset est de fonte, & garni avec des rebords, monté sur un fourneau. Il peut contenir mille à douze cens livres d'étain avec une partie de cuivre rouge. Quand le mélange a le degré de chaleur convenable, on y jette du suif noir qui reste & bouillonne dessus, à travers lequel passent les feuilles toutes mouillées, & on trempe à-la fois trente feuilles tenues par une tenaille; au sortir du creuset on pose les feuilles dans des casses séparées pour égoutter; on les remet toutes chaudes à des frotteuses au son. Elles sont examinées par un ouvrier; celles qu'on trouve bien se trempent par bord dans un creuset rond où il y a de l'étamage en bain & sans suif, pour leur faire la lisiere; on comprime & enleve l'excédent de l'étamage en frottant la lisiere avec de la mousse. De-là on passe les feuilles dans une chambre garnie d'un poële chauffé avec du bois; il y a des frotteuses qui dégraissent les feuilles avec du son qui a déjà servi, ce qui se fait deux fois, la troisieme fois on employe du son neuf; on ôte le son avec un morceau d'étoffe de laine; on met ensemble plusieurs feuilles & on les bat sur un bloc de bois bien uni avec un marteau de fer bien poli, ce qu'on appelle parer; ensuite on fait le triage, & on range les feuilles en quatre classes; les plus minces se nomment fleurs, celles qui suivent la simple croix; ensuite la double croix, finalement la triple croix. Le petit modele a un pié sur neuf pouces, le grand modele quinze sur douze. Les barils en France sont de trois cens feuilles, en Allemagne de quatre cens cinquante. Une feuille de grand modele pese environ une livre; le baril du petit modele pese de cent cinquante à cent quatre-vingt livres.

Secondes instructions.

Maniere de monter un creuset propre à étamer dix-huit cens feuilles de tôle petit modele, tous les jours de travail sans interruption, & des ustensiles & ingrédiens nécessaires.

Le creuset est de fonte & a quatre faces, quinze pouces de profondeur sur quinze pouces de la face du devant à celle de derriere, & treize pouces de la face droite à la face gauche; dans cette forme, enchâssé dans un fourneau de briques pour être chauffé, au-dessus est un mur vis-à-vis l'étameur, il est élevé de cinq piés & demi en maçonnerie, il est garni de planches pour recevoir les parcelles d'étain qui peuvent sortir lors du travail.

Autour du creuset il y a quatre platines de fonte posées en pente douce pour laisser couler l'étain quand on le décrasse; les joints de ces platines & du creuset sont bien mastiquées pour que les gouttes d'étain ne puissent passer.

Chacune de ces platines porte dix-sept pouces de large, & les deux bouts sont taillés en losange, celle de devant & de derriere de quatre piés de long, celles des côtés de quatre piés deux pouces. A droite de ces deux platines il y a une grande table de fonte de quatre piés deux pouces de long sur un pié huit pouces de large, avec un reverbere de la hauteur d'un pouce & demi.

Une grande tenaille de fer pour mettre les paquets de tôle dans le creuset; quatre autres tenailles tant grandes que petites; une grande écuelle de fer pour décrasser & purifier l'étain; une écumoire de fer pour écumer le suif noir, & beaucoup d'autres petits outils.

Deux grillages de fer en forme de herse, l'un d'un pié & demi de long, & l'autre de trois sur dix pouces