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couleur bleue: d'où il suit que les bons praticiens qui yeulent les connoître en font diverses épreuves.

De même que l'on a besoin de durcir l'acier, il faut aussi quelquefois le rendre mou pour le travailler avec facilité, & cette opération consiste à le faire rougir lentement jusqu'à ce qu'il atteigne la couleur du charbon allumé; alors il faut le laisser refroidir & le feu s'éteindre, en se consumant le plus lentement aussi qu'il sera possible, & couvrant le tout de cendres.

L'acier ayant donc la qualité de se durcir plus que les autres métaux, est celui par cette raison, qui acquiert le plus la qualité d'élastique: c'est pourquoi l'on en fait usage pour les ressorts de montres & de pendules; & cette qualité leur tient lieu de poids pour les animer & les faire marcher. Voyez Ressort moteur.

Quand on sait ainsi forger ou écrouir toutes sortes de matieres, il faut prendre une piece préparée par le marteau pour la limer & lui donner la figure dont on a besoin: cette opération a deux parties.

La premiere, on met la piece à l'étau, & l'on prend une lime convenable, la tenant par les deux extrémités, la pointe de la main gauche & le manche de la main droite. On la pousse en l'appuyant sur l'ouvrage pour la faire mordre de la main droite sur la gauche, & on la retire sans appuyer. L'on continue alternativement jusqu'à ce qu'on ait ôté toute la matiere excédente à la figure que l'on veut donner.

Pour bien limer il faut savoir faire prendre à la lime un mouvement rectiligne, sans lequel il est impossible de bien dresser un ouvrage. Ce mouvement rectiligne est si difficile, qu'il n'y a que la grande pratique qui le donne aux uns, tandis que d'autres le prennent presque naturellement.

La seconde partie de l'opération requise pour bien limer est de prendre à la main la piece dégrossie, ou avec la tenaille. Alors la main droite tient la lime, & fait elle seule, toujours par un mouvement rectiligne, la fonction que les deux mains faisoient.

Avoir le tact & le sentiment délicat pour produire ces mouvemens avec facilité sur de grandes comme sur de petites surfaces, c'est ce qu'on entend par bien manier la lime, & avoir une bonne main.

A l'usage de la lime succede celui du tour. La piece qu'il faut tourner étant préparée pour être mise sur le tour, & l'archet étant ajusté pour faire tourner la piece, l'on présente l'instrument tranchant, en faisant ensorte que le point d'attouchement fasse à-peu-près un angle de quarante-cinq degrés sur le prolongement ou rayon sur lequel il agit.

La délicatesse de la main pour bien tourner, consiste à savoir présenter son burin en faisant l'angle indiqué, de ne l'appuyer ni trop ni trop peu, lorsqu'il commence à couper, ce que l'expérience apprendra mieux que ce que l'on diroit ici.

Enfin étant parvenu à savoir forger, limer, & tourner toutes sortes de matieres, l'on est en état de commencer une piece d'horlogerie.

Pour-lors il en faut prendre une pour modele, la copier, en commençant par les pieces les plus aisées, & successivement finir par les plus difficiles. Voyez le développement d'une montre, Pl. X. & suivantes.

On verra facilement que les pieces les plus aisées sont celles qui contiennent le moteur, & qui successivement communiquent jusqu'au régulateur, qui se trouve être la derniere & la plus difficile.

Si après une suite de pratique & d'expériences l'on est enfin capable d'une exécution précise & délicate, alors seulement l'on peut commencer à raisonner avec son ouvrage & se faire une théorie.

La théorie dont il est question est infiniment subtile, car elle tient à ce que les mathématiques ont de plus profond sur la science des mouvemens; & ce qui la rend encore plus difficile, c'est qu'elle est dépendante d'une parfaite exécution, & qu'il n'y a rien de si difficile que de les réunir l'une & l'autre pour en faire une bonne application: par conséquent il est impossible de dire tout ce qu'il faudroit sur ce sujet. Nous nous bornerons donc à exposer les principes essentiels dont il est à propos de faire usage dans la mesure du tems.

On distingue dans la nature deux sortes de quantité; l'une qu'on nomme quantité continue, & qui n'est autre chose que l'espace ou l'étendue; l'autre quantité successive, qui n'est autre chose que la durée ou le tems. Mais ces deux quantités très-distinctes en elles-mêmes, ont cependant une telle connexion entre elles, qu'on ne peut mesurer l'une que par le moyen de l'autre, leurs propriétés étant absolument les mêmes. En effet, on ne peut mesurer le tems qu en parcourant de l'espace; & au contraire on ne peut mesurer de l'espace qu'en employant du tems à le parcourir. La comparaison de ces deux quantités fournit l'idée du mouvement: celui-ci renferme nécessairement celle d'une force ou cause du mouvement, par conséquent de l'espace parcouru, & d'un tems employé à le parcourir. Cest de ces deux dernieres idées qu'on tire celle de la vîtesse. L'on sait que la vîtesse est égale à l'espace divisé par le tems, ou le tems est le quotient de l'espace divisé par la vîtesse; d'où il suit que le rapport inverse de l'espace à la vîtesse est la véritable mesure du tems. Si l'on conçoit un corps en mouvement, de telle sorte qu'il parcoure en tems égaux des espaces égaux sur une ligne droite, & qu'on divise cette ligne en parties égales, l'on aura bien des parties égales de tems; mais pour peu que la vîtesse du corps fût sensible & que le tems à mesurer fût grand, il parcourroit bientôt une si grande étendue qu'elle seroit inapplicable à aucune machine; de sorte qu'il faut substituer au mouvement rectiligne un mouvement circulaire, ou bien des portions circulaires répétées, tel qu'un poids suspendu qui décrit des arcs de cercle: & en rendant ces mouvemens alternatifs ou réciproques sur eux-mêmes, ils acquierent le nom de vibrations ou d'oscillations: de sorte qu'un corps qui parcourt le même espace en suivant ces mouvemens, n'a pas moins la propriété de mesurer le tems. Alors le tems sera égal à l'espace multiplié par le nombre des vibrations, ce qui est évidemment l'espace répété divisé par la vîtesse; d'où il suit qu'on peut à la formule ordinaire du [omission: formula; to see, consult fac-similé version] substituer celle-ci [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; & par-conséquent on pourra tirer des vibrations toutes les analogies qu'on tire ordinairement de l'espace & du tems.

Mais puisqu'il est question de mesurer le tems par le moyen des vibrations ou oscillations, il faut voir si dans la nature il n'y auroit point quelque moyen qui pût remplir cet objet, afin de le mettre en pratique: car l'on peut bien croire que les moyens qu'elle nous fournira seront infiniment plus parfaits, plus constans qu'aucuns de ceux qu'on pourroit retirer de l'art: il s'en présente de deux sortes, la pesanteur & l'élasticité.

La pesanteur détermine les oscillations toutes les fois qu'on suspendra un corps à l'extrémité d'un fil, & que l'autre extrémité sera attachée à une voute ou à une hauteur quelconque. Le poids étant en repos tiendra le fil dans sa verticale, par-conséquent dans la direction de sa pesanteur; & si par quelque moyen l'on retire le poids de la verticale & qu'on l'abandonne à la seule pesanteur, non-seulement elle le ramenera dans la verticale ou ligne de repos, elle le fera encore passer de l'autre côté & remonter à la même hauteur d'où il étoit descendu. Comme la pesanteur agira également dans la seconde oscillation comme dans la premiere, il suit qu'il continuera sans fin ses oscillations si rien ne s'oppose à son mouvement. Mais comme l'on ne peut faire faire ces oscillations que dans un milieu résistant, & que le point de suspension éprouve un frottement, il suit que les oscillations diminueront sensiblement d'étendue, & qu'enfin ce corps s'arrêtera: c'est pourquoi il faut avoir recours à une méchanique capable de lui renouveller le mouvement: c'est l'objet de l'échappement dans les pendules.

Mais si la pesanteur nous fournit des oscillations pour les pendules, l'élasticité les fournira pour les montres. Car que l'on se représente une corde tendue, & qu'on vienne par quelque moyen à tirer cette corde de son repos, l'élasticité non-seulement la ramenera dans cette ligne, elle la fera encore passer de l'autre côté, & elle continuera ses allées & venues alternativement, en perdant sensiblement de l'étendue de ses vibrations,