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à ses graces naturelles; ils ne font pas l’essence d’une piece d’écriture, mais ils la font paroître & lui donnent un brillant qui séduit.

En terminant, je dirai que dans l’exécution des traits, il est important pour que l’œil ne soit point offusqué, de savoir que deux pleins ainsi que deux déliés ne se coupent jamais, & que l’on doit éviter le plus qu’on peut, le mesquin & le colifichet. Il est des occasions où un trait simple frappé avec feu, vaut mieux qu’un autre où la composition se fait sentir.

PLANCHE XIII.
Des lettres capitales & des passes.

Les lettres capitales qui sont aussi nommées majuscules, se placent toujours au commencement d’un titre & de tel ouvrage que ce puisse être. On les appelle encore lettres d’apparat, parce qu’étant plus grandes que toutes les autres, elles font un bel effet, & qu’on peut les embellir de traits ou de cadeaux. Le grand exercice de ces lettres donne beaucoup de légéreté à la main, car comme elles se font du bras & à la volée, elles accoutument ce même bras à ne se soutenir que sur le bec de la plume. La grandeur de ces lettres se regle sur la grosseur du caractere que l’on trace, c’est-à-dire que si le caractere est gros, les majuscules seront grandes; si au contraire le caractere est petit, les majuscules seront aussi petites: les traits se gouvernent sur le même principe. On doit savoir que toutes les parties qui composent une piece d’écriture doivent être proportionnées & faites les unes pour les autres; sans cela point de grace & d’harmonie. Ces lettres suivent encore le caractere distinctif de chaque écriture, elles sont droites & plus ornées pour la ronde; elles sont penchées & simples pour la batarde. Enfin tout ce que l’on peut dire de plus touchant ces lettres, c’est qu’elles demandent du génie & de l’adresse. Du génie, pour les diversifier suivant les occasions; de l’adresse, pour les jetter sur le papier dans une forme gracieuse, & qui annonce un principe.

Sur les lettres capitales.

Les lettres capitales se mesurent pour l’ordinaire par les principes mêmes des lettres majeures. Elles ont trois corps de hauteur, mais le corps de hauteur n’a point de mesure fixée par un certain nombre de becs de plume; il est plus ou moins grand, suivant la grandeur de la lettre. Les largeurs se reglent de même. Ceci bien entendu, il est facile en voyant la planche treizieme, de distinguer toutes les proportions de ces lettres. Elles sont enfermées entre les quatre lignes horisontales A B; ce qui produit directement les trois corps d’élevation dont je viens de parler. Les queues n’ont point de longueur fixe; elles sont plus ou moins grandes, selon que la place ou le goût le décide. Après ces principes généraux, il faut distinguer les lettres qui se font sur la premiere, seconde & troisieme positions. On croit avoir rendu cette distinction sensible en plaçant au-dessus de chaque lettre des chiffres qui désignent ces différentes positions. Le chiffre 1. marque la premiere; le 2. la seconde, & le 3. la troisieme. Voilà tout ce qu’on peut dire en raccourci de plus important au sujet de ces lettres; il s’agit maintenant de parler sur la maniere de les exécuter. Ces lettres qui se placent toujours hors d’œuvre, c’est-à-dire dans les marges, autant qu’il est possible, se font du bras plus éloigné du corps pour les droites que pour les penchées, & avec la plume à traits. On peut cependant les jetter avec la plume grosse, mais elles n’ont pas à beaucoup près, la même beauté & le même piquant. Pour arriver à la justesse de ces lettres, & les placer dans un régulier parfait, il faut un grand exercice, & savoir se posséder, c’est-à-dire ne pas opérer avec une précipitation non réfléchie, ni avec une lenteur affectée. Il faut voir la lettre avant son exécution, & bien distinguer son effet; sans cela on risque de gâter son ouvrage, & d’y placer un disgracieux qui choquera les moins connoisseurs. Tout ce que je viens d’expliquer peut s’appliquer aux passes sur lesquelles je vais donner quelques instructions.

Des passes.

Les passes dont on voit un modele dans le bas de la planche 13. ne sont autre chose que des abbréviations

de mots, c’est-à-dire des mots où l’on a retranché plusieurs lettres pour y ajouter différens coups de plumes entrelassés les uns dans les autres. Ces sortes de mouvemens qui se font tantôt du bras plus ou moins éloigné du corps, & tantôt des doigts, sont les amusemens d’une main légere & vive qui veut s’égayer. Les passes se tirent plus de la ronde que de toute autre écriture. La batarde simple par sa nature n’en exige aucun. La coulée, comme une écriture prompte, en peut recevoir beaucoup d’ornemens. Je m’étens peu ici sur les passes, parce que dans l’observation suivante, où je parlerai des licences, j’aurai occasion d’en dire encore quelque chose. L’exercice de ces sortes de caracteres ne doit pas être négligé, parce qu’il donne de la facilité à la main pour écrire.
Des licences.

Les licences ne sont autre chose dans l’écriture que des traits de plumes composés & exécutés par un écrivain pour orner les pieces qu’il met au jour, & qui sortent de sa main. Elles sont à dire vrai, contre les principes; mais quand on les emploie avec jugement, & qu’- elles se présentent dans des proportions justes, elles peuvent servir d’exemples, & prouver en même tems qu’un artiste expérimenté peut se mettre quelquefois au-dessus des regles.

On peut distinguer trois sortes de licences: licences d’abbréviations, licences de lettres, & licences de cadeaux ou traits.

Les licences d’abbréviations sont positivement ce que M. Lesgret, habile maître en cet art, attaché à la cour à la fin du dernier siecle, appelloit hâtes, & que nous appellons maintenant passes. On entend, comme je l’ai déja dit, par abbréviations, des mots auxquels on retranche une ou plusieurs lettres, pour y suppléer par de beaux mouvemens qui sont en usage ou inventés exprès.

Les licences de lettres tant mineures que majeures & capitales, sont ce que M. Allais, savant maître écrivain, appelloit lettres sans aucune mesure, parce que l’écrivain peut les augmenter ou les diminuer, pour y ajouter tous les contours qu’il juge à propos pour leur donner de l’étendue & de l’effet.

Les licences de cadeaux sont les mouvemens que l’on ajoute ou que l’on invente pour amplifier un cadeau ou trait simple.

Toutes les licences ne sont permises qu’autant qu’elles peuvent donner de la variété & de la grace à une piece d’écriture, & faire juger de l’adresse & du goût de l’artiste, autrement elles deviennent inutiles & même dangereuses, parce qu’elles gâtent tout.

La difficulté des licences consiste à leur donner les plus exactes proportions qu’il est possible. C’est un travail qui demande avec un goût sûr & vrai, la connoissance parfaite des effets de la plume; sans cela on ne réussit point, & toutes les jettées se trouvent altérées.

PLANCHE XIV.
Des différentes écritures de rondes.

J’ai présenté d’abord les principes de l’art d’écrire réduits aux démonstrations les plus simples & les plus vraies; ils ont été suivis des alphabets mesurés que les François ont en usage; il s’agit maintenant de donner des modeles d’écritures. Comme je ne pouvois m’étendre beaucoup, j’ai partage chacune de ces écritures en cinq classes. Ce développement, quoique leger, sera plus que suffisant pour faire connoître le génie particulier de ces diverses écritures, & les distinguer partout où elles se trouveront. Cependant si l’on desiroit des pieces plus étendues, plus composées de lignes, & plus propres à copier, on pourroit s’adresser à l’auteur de ce petit ouvrage. Il est professeur en cette partie, & tient chez lui académie d’Ecriture & d’Arithmétique. Il peut même satisfaire les amateurs, en leur faisant voir non-seulement une collection de pieces à la main des plus habiles maîtres, mais encore la plus grande partie des ouvrages gravés que les artistes célebres en Ecriture ont donné au public depuis près de deux cens ans; dans l’une & l’autre de ces productions, on trouvera des beautés aussi ingénieuses que surprenantes.