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Sur l’alphabet des lettres brisées.

Les lettres brisées ne sont point gothiques, comme beaucoup de personnes l’ont pensé. Ce sont des élémens où l’on affecte de produire des angles dans le haut & le bas, lesquels élémens forment une écriture qui tient souvent la place d’un titulaire ou d’une grosse batarde. Pour l’ordinaire, cette écriture est perpendiculaire; elle est quelquefois penchée, mais rarement. La hauteur de ce caractere est de sept becs de plume sur cinq de large & trois de pente lorsqu’elle est couchée. La plume est tenue sur la seconde situation pour favoriser les angles, & le bras éloigné du corps de même que dans la ronde. Les têtes ont un corps & un bec de plume d’élevation, & les queues un corps & demi de longueur. Ces principes généraux & plusieurs autres, seront aisés à remarquer dans l’alphabet de la planche onzieme, où il est mesuré & enfermé dans les lignes horisontales A B. On peut assurer qu’un titre ou un sous-titre de cette écriture fait un très-bel effet; c’est pourquoi je conseille à ceux qui font usage de la plume, de la mettre en pratique dans leurs ouvrages.

Sur l’ordre dans l’écriture.

Savoir écrire selon les regles; mais n’avoir point l’esprit d’ordre, c’est ne posséder qu’une partie de l’art. Pour acquerir cette qualité, il faut avoir, ainsi que je l’ai observé en plusieurs occasions, de l’invention & du goût.

L’invention embellit, augmente & donne de l’effet. Le goût examine, dispose & empêche que cet effet ne déplaise à la vue. Tout l’ordre est renfermé en ce peu de mots. Ainsi tout sujet qui possédera ces talens, sera sûr d’exécuter avec beaucoup plus de régularité qu’un autre. Son ouvrage sera suivi, soutenu dans son corps, correct dans la distance de ses mots & de ses lignes, recherché dans le choix de ses lettres, & dégagé de cette superfluité de parties qui laisse presque toujours aux yeux la représentation d’objets irréguliers ou difformes.

PLANCHE XII.
De la plume à traits.

La plume à traits est ainsi nommée parce qu’elle sert à produire les lettres capitales ou majuscules, & les traits que l’on appelle cadeaux. C’est au commencement du siécle dernier que cette plume a été employée pour les traits. Elle se taille différemment que les autres, & elle est plus convenable qu’aucune pour les grands coups de main, c’est-à-dire pour ceux que le bras exécute, parce qu’ils ont plus d’apparence & de complication. L’encre étant la nourriture de cette plume, on a coutume de l’y laisser tremper, afin qu’elle soit plus obéissante à la construction des traits, en observant pourtant qu’elle n’y trempe pas trop, parce qu’elle s’amoliroit plus qu’il ne faut. Le point juste de cette plume pour opérer consiste à n’être ni trop dure ni trop foible par le bout; l’un & l’autre étant contraires à la correction des traits. Après avoir donné une idée légere de cette plume, il faut parler des regles de sa taille & de ses positions particulieres, car sans cette connoissance il est impossible de bien exécuter & les traits & les lettres capitales.

Sur la taille de la plume à traits.

La plume à traits se partage, ainsi que les autres plumes, & comme la planche douzieme le fait voir, en trois parties égales, & entre les quatre lignes horisontales A B. La premiere depuis 1. jusqu’à 2. où sont les carnes; la seconde depuis 2. jusqu’au 3. milieu de la grande ouverture, & la troisieme depuis 3. jusqu’au 4. commencement de cette grande ouverture. Le canon de cette plume n’est point cavé; il est en fausset, & se termine en pointe, comme on peut le remarquer au chiffre 1. Les angles de l’extrémité du bec sont égaux, tant en largeur qu’en longueur. La fente si essentielle à cette plume doit être nette, & ne contenir que toute la longueur de la premiere partie. Cette plume sert aussi pour l’écriture expédiée, avec cette différence qu’elle est un peu moins fendue, & que les carnes sont un peu plus cavées.

Sur la premiere position.

La premiere position est celle que l’on appelle à face, parce que la plume est tenue presque vis-à-vis le corps, & de maniere qu’elle produit sur la ligne perpendicu-

laire ou sur l’oblique, des pleins en descendant. La démonstration expose non-seulement la position de cette plume, mais encore les effets qu’elle procure dans les lignes mixtes, courbes & spirales, où tous les pleins marqués par les lignes perpendiculaires A B, se trouvent en descendant soit sur la gauche, soit sur la droite. Dans cette position le bras est peu éloigné du corps. Si cependant on vouloit former des contours plus vastes, il faudroit l’écarter davantage.

Cette position est employée dans les traits, & surtout pour plusieurs lettres capitales.

Sur la seconde.

La deuxieme position est de côté, parce que la plume est tenue de façon que le bec est dans la direction de la ligne horisontale pour produire des pleins dans cette même ligne, ainsi qu’au-dessus & au-dessous des parties courbes. La planche douzieme exprime cette position & les effets qui en dérivent, lesquels effets font voir les pleins que les lignes horisontales A B exposent placés positivement comme je viens de le dire. Le bras dans cette position est un peu éloigné du corps; les doigts qui tiennent la plume sont dans une forme circulaire. A l’égard de la main, elle doit être plus ou moins renversée en-dehors, suivant ce qu’on veut lui faire exécuter; plus renversée pour des lignes mixtes, spirales, queues d’y grec & autres traits, & moins pour des bouts de lignes & autres effets de plume.

Cette position est la plus usitée; elle sert dans tous les traits & dans le plus grand nombre des lettres capitales.

Sur la troisieme.

La troisieme position est appellée inverse, parce que la plume, de la maniere dont elle est tenue, produit des pleins en remontant. On voit dans la planche douzieme la position de la plume avec les effets qui en résultent. Les pleins que ces effets produisent sont annoncés par les lignes obliques A B. Le bras est un peu plus éloigné du corps que dans les deux autres positions, & la main fait la forme circulaire en avançant sur le devant du papier.

Cette position est la moins usitée de toutes. Elle servoit autrefois pour exécuter l’ecriture à la duchesse qui ne se fait plus actuellement. Voyez ce qu’il est dit de cette écriture au mot Chemise, Ecriture.

Sur les traits.

Les traits ou cadeaux sont des coups de plume qui servent aux maîtres Ecrivains pour embellir leurs pieces d’écritures, & aux Commis pour donner de l’éclat à un titre & à toutes sortes d’ouvrages. L’origine des traits, à ce qu’on prétend, vient des Arabes ou des Maures. Dans les seize & dix-septieme siecles on les exécutoit avec la plume grosse ou moyenne, mais depuis on s’est toujours servi d’une plume taillée exprès pour cela, comme je l’ai déja dit.

Les traits se font du bras & à la volée; on les fait aussi quelquefois des doigts. Les traits qui représentoient des figures d’hommes, des oiseaux, ont été recherchés dans le siecle dernier, & même dans celui qui l’a précédé; mais dans celui où nous vivons on les veut plus simples & plus naturels.

La beauté des traits consiste dans une grande justesse & dans la nécessité de les approprier au caractere de chaque écriture. Il faut que dans la ronde ils soient plus riches & un peu plus composés que dans les autres écritures. Dans la batarde, au contraire, ils doivent être de la plus grande simplicité; & pour la coulée, ils doivent tenir le milieu entre les deux; elle ne veut ni du trop simple, ni du trop chargé.

Il faut pour réussir dans les traits, avoir de l’invention, du goût, de l’ordre & de l’adresse. De l’invention, pour varier & ne pas faire des répétitions; du goût, pour discerner ce qui peut être convenable; de l’ordre, pour éviter la confusion; de l’adresse enfin, pour placer toutes choses dans le tour le plus régulier & le plus agréable.

S’il est vrai que la justesse des traits annonce une main habile, il est vrai aussi qu’ils donnent beaucoup d’effet & de lustre à une piece d’écriture. Quand ils manquent tout paroît nud, & ne satisfait pas les yeux. C’est beaucoup qu’un excellent caractere, mais il faut qu’il soit décoré; c’est par les traits que l’on y parvient. Ils sont à l’écriture ce que sont les habits à une belle personne, qui ajoutent