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MATÉRIALISME.

MATÉRIALISME.

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<hi principe intellectuel et la distinction essentielle de l’organisme. Nous devons nous borner à rappeler les plus importantes. La première est fondée sur l’unité et l’identité du moi. Le moi, tel qu’il est donné par la conscience, est simple et indivisible ; ce fait est indémontrable, puisqu’il est attesté immédiatement par le sens intime. Le moi est une unité réelle et vivante sujet des pensées les plus diverses, des sensations les plus opposées, centre unique de tous les phénomènes de la vie intellectuelle. Que l’on essaie de concevoirle moi étendu et divisible, de le partager en parties égales. L’unité de la conscience est un fait que les matérialistessont dans l’impuissance de révoquer en doute. Ce qu’ils attaquent, c’est la conclusion du moi psycologiqueou moi ontologique, du moi donné par le sens intime au moi substantiel. Le moi ne serait donc qu’un mode, un résultat voyons si cette notion peut se concilier avec celle que nous donne la conscience. Je suis une force, une activité libre, je suisle principe de mes actes et j’en suis responsable voilà ce que le sens intérieur me révèle de moi-même. Or, si le moi n’est qu’un mode, un résultat, il est évident qu’il n’est plus une cause libre. 11faut donc, ou rejeter l’autorité de la conscience, ou admettre que le moi de la conscience est une force, une cause, il n’y a point de milieu. Or, je ne puis concevoir une force, une cause libre, autrement que comme une réalité substantielle. 11 est donc rigoureusement démontré que le moi est une substance simple et indivisible. Supposonsd’ailleurs que le principe réel du moi est un organe quelconque, un composé ; il n’y a que quatre hypothèses possibles Ou le moi est tout entier dans chaque partie, ou il est divisé entre toutes les parties, ou il est tout entier dans l’une seulement, ou il est le résultat unique du concours de toutes les parties. Examinons chacune de ces suppositions en particulier. Si le moi est tout entier dans chaque partie, il y a autant de moi que de parties, et il faut nier l’unité de la conscience. On ne peut admettre que le moi soit divisé entre toutes les parties ; je sens que je suis un et tout entier dans chacune de mes opérations. S’il est dans une partie seulement, on pourrait d’aborddemander à quoi serviraient toutes les autres. D’ailleurs cette partie est simple ou composée ; si elle est simple, la question est résolue ; si elle est composée, il faut choisir entre les deux hypothèses précédentes et la quatrième qu’il nous reste à examiner. Si le moi était le produit unique du concours de toutes les parties, ou la résultante de toutes les forces particulières, la réflexion devrait le ramener aux principes dont il est un effet, une propriété il devrait se connaître étendu, divisible. Or, plus il réfléchit sur lui-même, plus il voit clairement qu’il est un, simple, indivisible. On objectera peut-être que la conscience, qui l’avertit des phénomènes intérieurs, n’atteint pas jusqu’à leur racine, à leur principe ontologique, mais qu’elle tombe uniquement sur le moi phénoménique. Dans cette supposition, le moi devrait se connaître au moins comme un produit, un résultat, et c’est en vain qu’il soutiendrait qu’il n’a de lui-mème qu’une connaissance incomplète. Non sans doute, le moi psycologique n’est pas adéquat au moi ontologique ; mais l’un ne peut-être opposé à l’autre. La conscience ne contient pas l’âjne toute entière, mais ce qu’elle nous en fait connaître est conforme à la réalité. Le nier, c’est renverser la base de toute certitude. Or la conscience m’atteste clairement que je suis une cause libre. Si donc je ne suis qu’une résultante, un produit fatal de principes que j’ignore, la conscience me trompe, le sentiment de ma personnalité n’est qu’une chimère. Voyons si l’unité réelle de la personne peut appartenir à l’organisme. Les matérialistes ont prétendu localiser le moi dans le cerveau. Admettons provisoirement la convergence de tous les nerfs vers un centre commun, les difficultésprécédemment énoncées se reproduisent avec la même force. Cet organe central, ce point de réunion et de départ de tous les nerfs n’est pas une unité réelle, indivisible, mais purement nominale ; il faut y reconnaître autant de parties distinctes qu’il y a de nerfs qui en partent ou y aboutissent. Ajoutons que ce centre commun n’existe pas. Ce n’est pas la masse encéphalique que l’on peut considérer comme la substance du moi. a Le cerveau pris en masse, dit M. Flourens, l’encéphale est un organe multiple, et cet organe se composede quatre organes particuliers le cervelet, siégedu principe qui règle les mouvements de locomotion les tubercules quadrijumcaux, siège du principe qui anime le sens de la vue ; la moelle allongée, siège du principe qui détermine les mouvements de respiration le cerveau proprement dit, siége, et siège exclusifde l’intelligence. » Remarquonsencore que le cerveau proprement dit est double et se composede deux lobes semblables, dont chacun est en relation avec le côté du corps qui lui est opposé. On a vainement cherché dans l’encéphale le point unique où tous les nerfs viennent se réunir, il n’existe point un sensorium ccmmttne.« Vos preuves et vos réflexions, dit Ch. Bonnet dans une lettre au professeur Malacarne, confirment ce que mon illustre ami Haller m’avait écrit à ce sujet ; loin de converger vers un centre commun ou vers une partie unique, vous m’apprenez que les nerfs des sens divergent au contraire à mesure qu’ils s’enfoncent dans le cerveau, et qu’ils tendent conséquemment à y occuper plus d’espace. » Pour expliquer comment il se fait que le même moi perçoive, se souvienne, juçe, raisonne, etc., dans un système qui confond les facultés intellectuelles avec les organes cérébraux Gall admet que toutes les facultés sont douées de la faculté perceptive d’attention, de souvenir, de mémoire, de jugement, d’imagination. Il reconnaît dans l’homme autant d’intelligences individuelles que de facultés ou d’organes. Selon Broussais, il n’est pas nécessaire d’avoir le sentiment personnel pour exister. « Les instincts suffisent, et comme ils ne sont mis en jeu que par des perceptions, il en résulte que la perception n’implique pas non plus l’existence du sentiment personnel. Cependant la notion du moi se forme peu à peu, et l’homme, après s’être comparé à la nature et s’être comparé avec lui-même après avoir comparé entre elles ses perceptions, ses sentiments et ses instincts entre eux ; après avoir analysé leurs nuances et constaté leurs éléments, fait une distinction définitive qui consiste à le séparer de ces phénomènes par une distinction toute de sentiment, et à le désigner par le signe moi. » Nous ne rapportons ces citations que pour montrer au prix de quelles absurdités et de quelles contradictions les matérialistes s’efforcent d’éluder l’autorité de la conscience qui nous atteste l’unité et la personnalité du moi. La distinction du principe intellectuel et de l’organisme ne résulte pas avec moins d’évidence du fait de l’identité personelle. Ce fait est attesté par la conscience et le souvenir dont il est la condition nécessaire, la certitude dont il est l’objet est irrésistible, et nulle objection ne peut l’ébranler ; le révoquer en doute serait ruiner la base même de toute certitude. Je sais que je suis le même aujourd’hui qu’il y a vingt ans. La perception de mon identité est aussi distincte, aussi claire que la perception de mon existence et de ma pensée actuelles ma conviction est pleine et entière dans un cas comme dans l’autre. Or, il faut nier l’identité personnelle, si le moi n’est pas substantiellement distinct des organes ; puisque le corps vivant, dans le renouvellementcontinuel de ses parties, n’est jamais identique à lui-même, ni quant à la substance, ni même quant à la forme. Cependant, au milieu des révolutions successivesque subit son enveloppe matérielle, le moi demeure identique. A l’aide du souvenir, il a le pouvoir de se reporter aux diverses époques de son existence, et quelque reculée que soit la période à laquelle sa pensée le ramène, il se retrouve le même. 11contemple les phénomènes variés qui se succèdent sur le théâtre de la conscience, et au milieu de ces variations, il se connaît toujours un, toujours identique à lui-même.

Considérons maintenant quelques-unes des facultés intellectuelles et actives du moi. Nous commencerons par la perception intérieure, celle des opérations de l’intelligence qui semble offrir au matérialiste le moinsde difficultés.En tant qu’elle appartient au sujet qui perçoit, et qu’elle est un acte du moi, la perception est une, indivisible comme le moi. Si le sujet de la perception était multiple, il y aurait autant de perceptions que de parties ; la perception serait étendue, divisible, etc. De cette hypothèse découlent les mêmes absurdités que nous avons déjà signalées en établissant l’unité du moi. La simple analyse de la perception extérieure fournit une preuve suffisante de l’immatérialité de son principe ; elle montre, dans un fait unique en apparence, trois faits distincts et irréductibles l’impression organique ou le phénomène phvsiologique, la sensation, qui est d’une nature tout à fait différente, et la perception proprement dite, qui comprend le concept d’un objet, l’affirmation de son existence, et cet autre jugement par lequel le sujet se distingue de l’objet et le pose hors de lui. Si le matérialiste est dans l’impossibilité d’expliquer le fait de la sensation, cette impuissance éclate encore plus à l’égard de la perception même, ou, pour parler plus exactement, jamaisl’organeseul, à quelquesmodifications qu’on le soumette, ne concevra l’idée et n’affirmera l’exis-