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MARIAGE

MARIAGE.

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tant la matière du sacrement, il en résulte qu’elles en sont les ministres et que le curé n’en est que le témoin nécessaire ; mais d’après l’opinion la plus commune, la plus généralement reçue, la tradition que les parties se font de leur corps est la matière du sacrement ; les paroles employées par le prêtre pour bénir le mariage en sont la forme, et le prêtre cu est le ministre. Cette opinion est plus en harmonie avec la doctrine des pères que la précédente. Ils pensent que sans la bénédiction du prêtre le mariage ne serait pas légitime. Saint Ignace, dans sa lettre à saint Polycarpe, dit que les mariages doivent se faire suivant l’avis de l’évéque, atin qu’ils soient selon le Seigneur, pour sa gloire, et non l’effet des passions. Tertullien nous apprend que le mariage est consacre par la bénédiction du prêtre. C’est ce que nous voyons encore dans les ouvrages de saint Ambroise, de saint Isidore de Séville, dans le concile de Cartbage de l’année 390, dans la lettre du pape Innocent 1 à Victria, évèque de Rouen. Or jamais l’Eglise n’a considéré cette bénédiction comme une simple cérémonie, ne produisant aucun effet. Donc le prêtre qui donne cette bénédiction et qui en prononce les paroles, est le véritable ministre du sacrement du mariage. S’il ne l’était pas, il serait difficile de vérifier la vérité de cet axiome Accedit verbum ad elcmentum et fit sucramentum puisque les parties peuvent exprimer leur consentement par signes, aussi bien que par parole. H y a plus, ces expressions Ego vos in matrimonium conjungo, que le prêtre prononce en unissant les époux, ne seraient pas véritables ; elles n’opéreraient pas ce qu’elles signillent. Vainement l’on dit que dans les Eglises d’Orient on ne se sert pas des mêmes paroles que dans l’Eglise latine. Qu’importe, puisqu’elles sont équivalentes. Les formules de l’ordination et de l’absolution ne sont pas non plus les mêmes dans les deux églises ; mais ayant le même sens, cette différence n’altère en rien la validité des sacrements de l’ordre et de la pénitence. Nous ajoutons que l’évéque étant le ministre de tous les sacrements, il ne le serait pas pourtant de celui du mariage, si les époux étaient les ministres de leur union. Remarquons encore que dans l’opinion qui fait des parties qui s’unissent en mariage les ministres du sacrement, on semble perdre de vue l’institution primitive du mariage. Le consentement y est bien, sans doute, mais ce n’est pas lui qui créa le lien indissoluble ; mais Dieu qui, présentant au premier homme la première femme, assista comme témoin et comme ministre à cette union sacrée qu’il bénit et sanctifia, laissant ainsi à toutes les générations des hommes la plus haute idée qu’elles pussent concevoir de la dignité du lien conjugal et l’immuable règle d’après laquelle il devait être à jamais contracté. Toutefois avant le concile de Trente, il y avait des mariages à la fois valides et illicites, nommés clandestins parce qu’ils n’avaient pas reçu la bénédiction du prètre. Les empereurs et les rois carlovingiens, frappés des graves inconvénients qui résultaient des mariages clandestins, déclarèrent que la bénédiction nuptiale était essentielle au mariage. Ces lois, en se prononçant dans ce sens, reproduisaient la doctrine de l’Ecriture et des pères qui, en nous apprenant que Jésus-Christ a élevé le mariage a la dignité de sacrement, nous indiquent par là même qu’il ne peut ètre célébré qu’à l’Eglise par le ministère des prêtres. C’est d’ailleurs ce que nous disent les pères. Saint Ignace dit expressément que Dieu a ordonné aux chrétiens de se marier avec la bénédiction de l’Eglise (/ ep. 8 ad Polycarp.) . Tertùllien nomme concubinages les mariages non contractés en face de l’Eglise (lib. 2, de pudic., cap. 4). Saint Grégoire de Nazianze nous dit que c’est l’évéque qui bénit les mariages des chrétiens. Saint Jérôme traite d’adultères les mariages clandestins (cap. 5, in Epiph.). Saint Ambroise ne veut pas de mariage sans la bénédiction du prêtre. Conformément à cet enseignement des pères, les grecs n’ont cessé de regarder les mariages clandestins comme nuls et invalides. Dans l’Eglise latine on les considéra aussi comme frappés de nullité jusqu’au mc siècle ; mais depuis cette époque jusqu’au concile de Trente, on les considéra seulement comme illicites et défendus. Le concile de Latran, célébré sous le pape Innocent III, les avait défendus et avait soumis ceux qui les contracteraient nonobstant cette défense, à une pénitence. Toutefois il ne prononça pas leur nullité. Le concile de Trente reconnut la validité de ceux qui’avaient été contractés dans les temps antérieurs à la célébration mais il décida que ceux qui auraient lieu à l’avenir seraient nuls, et qu’il n’y aurait de valides que ceux qui seraient précédés de la publication des bans, et célébrés en face des autels avec toutes les cérémonies religieuses par le propre curé des parties. Le mariage clandestin se faisant sans bénédiction nuptiale, n’était pas réellement un sacrement, mais un contrat purement humain. Or le concile qui, d’après la tradition, avait reconnu le mariage pour un d :s sept sacrements de la loi évangélique, ne pouvait maintenir les mariages clandestins. Il résulte d’ailleurs évidemment de la doctrine du concile, que les personnes qui se bornent à contracter leur union devant l’officier de l’état civil, no sont pas réellement mariées. Les plus simples éléments de la fui nous font connaitre cette vérité. Tous les catéchismes partent, d’après la décision formelle du dernier concile œcuménique, non que l’Eglise se borne à bénir le mariage déjà existant mais que le mariage sous la loi nouvelle a été élevé à la dignité de sacrement ; en sorte que le sacrement constitue, à proprement parler, pour les catholiques, le mariage même. Si l’Eglise reconnait la validité des mariages des infidèles et ne les réhabilite pas après leur conversion, c’est qu’elle n’a d’autorité que sur ceux qui sont devenus ses enfants par le baptême. Ses lois ne sauraient obliger les infidèles qui, pour le mariage, demeurent sous l’empire de la loi naturelle et des lois positives des états dont ils sont membres. Si elle ne réhabilite pas non plus les mariages-des hérétiques, c’est par indulgence. Comme il est de foi, ainsi que nous le verrons plus bas, qu’elle a le droit d’établir des empêchements aux mariages, rien ne s’oppose à ce qu’elle accorde des dispenses aux hérétiques ; elle en accorde mime aux catholiques. Mais la dispense n’est pas un abandon du droit ; elle l’établit au contraire avec une nouvelle force, puisque la dispense seule rend valides les mariages ainsi contractés. Cela est tellement vrai, que treize ans après le concile de Trente, où il avait assisté, l’évr.pue d’Evreux fit un règlement par lequel il exigea que, pour purger le vice de clandestinité, l’on joignit ou l’on fit succéder à t’abjuration des protestants une sorte de réhabilitation.

Cependant l’usago contraire a prévalu, du

moins en France, et y est devenu une règle du consentement exprès de toute l’Eglise. Il n’est pas vrai non plus que les décrets de la vingt-quatrième

session du concile

de Trente n’aient pas la même autorité que les autres, parce que le concile n’aurait pas, dit-on

joui alors de

sa liberté. Mais le concile ne s’est jamais plaint de ce prétendu défaut de liberté. Aucune église ne s’en est jamais fait un titre pour rejeter ces décrets. Unaniment adoptés dès qu’ils ont paru ils sont reçus depuis trois siècles par l’église universelle comme une règle invariable de foi. L’espérance de ramener dans le sein ’de l’unité l’Allemagne luthérienne ne put jamais porter Bossuet à consentir que l’on tint un instant leur autorité cn suspens. Tous les catholiques reconnaissent également l’œcuménicité du Concile de Trente non moins sacré pour eux que les autres conciles généraux. On ne peut donc méconnaitre les règles qu’il a portées sur les mariages. Leur désobéir c’est cesser d’ètre catholique. De tous les temps les hommes ont reconnu que le mariage était un acte essentiellement religieux. Sous la loi naturelle, les patriarches disposaient des mariages de leurs enfants, mais ils n’oubliaient pas que Dieu en est le souverain arbitre. Abraham en envoyant son serviteur chercher une épouse pour Isaac son fils, lui dit le Seigneur enverra son ange devant vous et vous fera trouver dans ma famille une épouse pour mon fils. Ce serviteur dit, en voyant Rebecca voilà l’épouse que Dieu a préparée au fils de mon maître. Laban et Bathuel disent aussi : c’est Dieu qui a conduit cette affaire. (Genèse, ch. 44.) Les Israélites appelaient aussi la bénediction de Dieu sur les mariages de leurs enfans. Raguel bénit sa fille Sara et le jeune Tobie, lors de leur mariage, en leur disant : que le Dieu d’Abraham que le Dieu d’Isaac que le Dieu de Jacob soit avec vous que lui-mème vous unisse et qu’il accomplisse sa bénédiction en vous. (Ch. 7, v. 15.) Les païens eux-mêmes, malgré leur dégradation profonde, avaient le sentiment que la divinité devait présider aux mariages. Aussi avaient-ils des dieux pour les noces qui étaient accompagnées de sacrifices, de pompes et de solennités. Les premiers chrétiens se crurent encore plus obligés que les infidèles à recommander leur mariage au Seigneur qui en avait fait un sacrement. Aussi se mariaient-ils,

comme nous l’avons dit

un peu plus haut, à l’église en présence des autels, par le ministère des prêtres. Mais les hommes de nos jours ne sont-ils pas plus éclairés que ceux des siècles passés. Ils savent mieux ce qui convient à l’humanité. Aussi les législateurs de 1792 et les auteurs ou Code civil ont-ils sécularisé le mariage et en ont fait un acte purement civil. Pour nos sophistes, le mariage n’est plus l’union ineffable des âmes qui représente