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licatesse des teintes, par la belle fonte des couleurs, & qu’à tout prendre, il l’a quelquefois égalé. S’il n’avoit pas la même fougue, la même abondance de génie, il avoit des expressions plus sines, un meilleur caractère de dessin, plus de vérité dans la couleur. Par la réunion des belles parties qu’il possédoit, il auroit peut-être surpassé son maître, s’il n’avoit pas été trop souvent distrait du genre de l’histoire qu’il peignoit d’un très grand goût.

Considéré comme peintre de portraits, on ne peut lui refuser le premier rang après le Titien : encore le Titien ne conservera-t-il cette supériorité que pour les têtes ; car Van-Dyck l’emporte par l’élégance des accessoires. Il les exprimoit avec la plus grande vérité, mais en conservant toujours la plus grande manière : il accusoit le caractére de tout ce qu’il vouloit représenter, sans tomber dans cette manœuvre froide qu’on a cru quelquefois appartenir au genre du portrait, comme si tous les genres ne se proposoient pas également l’expression des apparences de la nature. Ses attitudes sont toujours simples, &, elles plaisent toujours, parce qu’elles sont naturelles. On sent qu’il y a dans ses têtes autant de vérité que d’art : elles vivent, elles expriment. On ne peut se lasser d’admirer la collection des artistes de son temps dont il s’est plu à faire gratuitement les portraits ; hommage qu’il rendoit à l’art en perpétuant les traits de ceux qui l’honoroient. Quelques uns ont été gravés à l’eau-forte par lui-même ; les autres, par les plus habiles graveurs du temps.

Le cabinet du roi renferme huit tableaux d’histoire de Van-Dyck & un grand nombre de portraits. Le Saint Sébastien, finement peint & dessiné, suffit pour rendre témoignage aux talens de l’auteur.

Le tableau de Saint Augustin en exstase a été gravé par P. de Jode : le couronnement d’épines, admirable composition, par Bolswert ; Jésus élevé en croix, par le même. On connoît le pinceau de Van-Dyck, & ces compositions suffisent pour prouver qu’il a plus d’une fois, égalé Rubens.

M. Descamps, dans la vie de Van-Dyck, indique les sujets de soixante & dix-sept tableaux d’histoire de ce peintre qui en a fait bien davantage. On sait que tous les tableaux de son bon temps sont bien terminés, & le grand nombre de ses ouvrages prouve qu’un fini convenable’exclut pas une manœuvre facile, & est bien différent du léché.


(125) Jean Méel, qu’on prononce & que même on écrit souvent Miel, appartient à l’école Flamande, puisqu’il est né en Flandre, en 1599, & qu’il eut pour premier maître Gerard Seghers, peintre Flamand. Il avoit déjà fait,


assez de progrès dans cette école, lorsqu’il partit pour Rome, où André Sacchi le reçut au nombre de ses élèves, & l’employa bientôt à ses propres ouvrages. Il ne tarda pas à s’en repentir. Le jeune Méel avoit un penchant naturel pour le gente qu’on a bientôt après appellé bambochade, & qu’on pourroit appeller burlesque, parce qu’il est à la peinture ce que le burlesque est à la po ? sie. Sacchi faisoit un tableau pour le palais Barberin ; il voulut y employer son élève qui convertit le tableau d’histoire en bambochade. Cet événement opéra la séparation du maître & de l’élève.

On peut croire que celui-ci avoit voulu faire une espieglerie ; car la fléxibilité de son esprit se plioit sans peine aux différens genres, & dès qu’il travailla pour lui-même, il se distingua par des tableaux d’histoire. Il mérita d’être chargé, dans ce genre, de grands ouvrages, dont plusieurs même étoient à fresque.

Les Romains estimerent assez les talens de cet étranger pour lui donner une place dans leur académie, & bientôt après il fut appellé à Turin par le duc de Savoie, qui lui donna la qualité de son premier peintre & le décora de l’ordre de Saint Maurice.

On loue, dans ses tableaux d’histoire la couleur & l’expression ; mais on n’y trouve ni un dessin assez correct, ni assez de grace & d’élévation. Ce fut peut-être à cause de ces défauts que, par une exagération assez ordinaire dans le discours familier, Sacchi traita ce qu’il avoit fait de bambochade ; car il est difficile de croire que le jeune Méel eût réellement introduit dans un sujet d’histoire des figures qui appartinssent proprement au genre burlesque.

Il est certain qu’il excella principalement dans les tableaux de chevaler où il traitoit des sujets appartenant à la vie commune. Il y est fin, piquant & spirituel, & il appelle, il attache par une couleur vigoureuse. Quelquefois il tenoit trés clairs les fonds de ses tableaux, & quand il approchoit des premiers plans, il forçoit ses ombres toujours larges, comme s’il eût fait ses études en plein soleil.

Il desiroit toujours de retourner à Rome, & retenu à Turin par les bienfaits du prince, on croit que ce fut le chagrin qui lui donna la mort en 1664, à l’âge de soixante & cinq ans.

On voit au cabinet du roi deux tableaux de ce peintre ; l’un représente une halte de camp, l’autre des buveurs.

Il a grave lui-même à l’eau-forte un pâtre jouant de la cornemuse. Daullé a gravé d’après lui une chasse à l’oiseau, & G. Vallet une Assomption.


(126) Alexandre Turchi, dit Aléxandre


Véronese,