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Par ce moyen, on oblige à s’échapper l’air qui pourroit rester entre les deux toiles, & y causer ce qu’on appelle des cloches.

Le tableau étant ainsi rentoilé, on le pose sur une table bien unie, du côté de la peinture, & on frotte très-rudement le derriere de la toile neuve avec un lissoir. C’est un instrument de verre, ou même de fer bien poli, avec lequel on lisse le linge, la papier, les étoffes, les bas de soie, &c. Quelques personnes ajoutent à ces procédés celui de passer un fer chaud sur le tableau, en opposant, par derriere, une planche pour faire résistance à cette pression. Par ce moyen, la colle échauffée devient plus liquide, pénétre, du côté du tableau, la vieille toile, & fixe d’autant plus la peinture, tandis que, du côté de la toile neuve, la colle excédente sort à travers le tissu, ensorte qu’il n’en reste partout qu’une épaisseur égale. Il faut faire attention de ne pas employer le fer trop chaud, & de ne frotter le tableau, qu’en interposant, entre lui & le fer, quelques feuilles de papier, car celle qui est sur la peinture ne seroit pas suffisante.

Quand on juge que le tableau rentoilé est bien sec, on humecte avec une éponge abbreuvée d’un peu d’eau tiede, le papier blanc collé sur la peinture. Il s’enleve aisément, ainsi que l’empois qui l’attachoit sur le tableau. Il reste à le nétoyer, & souvent à le restaurer. Voyez les articles Restauration & Tableau.

Si le tableau n’en pas bien vieux, qu’il n’ait pas besoin d’être remis sur toile, & qu’il ait cependant un trou à réparer, on peut y appliquer une piece que l’on colle derriere le trou de la maniere que nous venons d’indiquer & avec la même colle. On observe d’effiler les bords de la piece, afin qu’étant fortement pressée, elle ne marque pas sa forme sur le tableau.

Lorsqu’un ouvrage est peint sur bois, ou même sur une toile mal imprimée, ou devenue tellement mauvaise, que la couleur s’écaille absolument, on court risque de perdre l’ouvrage, à moins d’enlever entierement toute la peinture pour l’appliquer sur une toile neuve.

Ce moyen de conserver les chefs-d’œuvre de la peinture à l’huile, n’est connu qu’en France : C’est une invention du milieu de notre siecle ; invention si belle & si étonnante, que j’ai vu les Italiens eux-mêmes, les plus adroits des hommes, douter de la vérité de ce que je leur en racontois.

Le sieur Picaud est le premier inventeur de la maniere d’enlever la peinture à l’huile de dessus un mauvais fond. C’est ainsi qu’il a transporté sur toile le Saint Michel, sublime ouvrage de Raphael, & la Charité d’Andrea del Sarto, deux tableaux de la collection du roi. Ils avoient été peints sur bois, & ils périssoient de toutes parts, lorsque M Picaud entreprit de les enlever de leurs fonds. Il a fait voir aussi sur toile, des ouvrages qui avoient été peints à l’huile sur plâtre. Son procédé est resté secret ; il en a laissé seul dépositaire son fils, qui en use encore avec un grand succès.

Le sieur Hacquin n’ayant pu découvrir cette méthode, s’est occupé d’en chercher une qui produisît le même effet. Il a été assez heureux pour réussir, par un procédé qu’on croit être tout différent, & qui a les mêmes avantages. M. Hacquin, second fils de l’inventeur, est chargé de l’entretien des tableaux du roi, & remplit avec honneur l’emploi qui lui est confié.

Quelques personnes présument que son procédé consiste à amincir & à finir par user entierement le fond soit de bois, soit de toile, sur lequel le tableau a été peint. Les résultats du sieur Picaud prouvent au contraire qu’il a obtenu le moyen de détacher l’ouvrage de peinture sans en altérer le fond, puisque les planches des tableaux dont j’ai parlé ont été exposées à côté des ouvrages portés sur toile, & l’on a remarqué qu’elles étoient dans une parfaite intégrité. (Article de M. Robin.)


Toile. Maniere d’ôter les tableaux de dessus leur vieille toile. Il faut commencer par ôter le tableau de son chassis, & l’attacher ensuite sur une table extrêmement unie, le côté de la peinture en dessus, en prenant bien garde qu’il soit bien tendu, & ne fasse aucuns plis. Après cette préparation, vous donnerez sur tout votre tableau une couche de colle forte ([1]), sur laquelle vous appliquerez à mesure des feuilles de grand papier blanc, le plus fort que vous pourrez trouver ; & vous aurez soin, avec une molette à broyer les couleurs, de bien presser & étendre votre papier, afin qu’il ne fasse aucun pli, & que partout il s’attache bien également à la peinture. Laissez sécher le tout : après quoi vous déclouerez le tableau, & le retournerez, la peinture en dessous & la toile en dessus, sans l’attacher ; pour lors vous aurez une éponge, que vous mouillerez dans de l’eau tiede, avec laquelle vous imbiberez petit à petit toute la toile, essayant de temps en temps sur les bords, si elle ne commence pas à s’enlever & à quitter la peinture. Alors vous détacherez avec soin & tout doucement un coin de la toile que vous roulerez, & continuant ainsi de la pousser avec les deux mains & de la rouler, vous la détacherez successivement toute entiere. Cela fait, avec votre éponge & de l’eau, vous laverez bien le derriere de la peinture, jusqu’à ce que toute l’ancienne colle, nu à-peu-près, en soit enlevée ; vous observerez dans cette opération, que cette éponge ne soit jamais trop remplie d’eau, parce qu’il pourroit en couler par

  1. (1) Il ne s’agit pas ici de la colle forte des menuisiers, mais d’une forte colle de farine.

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