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més ou par les écailles de couleur qui sont tombées, ou par des trous accidentels, ou par les gerçures que produisent communément ou les huiles retirées en se séchant, ou le brisement des couleurs.

On bouche ces vuides avec un mastic composé de blanc d’Espagne & de colle forte, ou encore de blanc d’Espagne ou de céruse détrempé avec un peu d’huile de lin ou de noix, la plus claire qu’on puisse trouver.

Le mastic étant bien sec, on repeint les parties détruites de l’ouvrage. Pour cette partie de la restauration, on ne peut employer une main trop habile & trop exercée, puisqu’elle doit dessiner & colorier dans la manière des différens peintres dont elle se charge de réparer les ouvrages. On sent donc qu’il est impossible de donner des leçons théoriques bien étendues sur l’art de repeindre les anciens tableaux. Nous dirons en général que les nouvelles teintes doivent être plus claires que celles dont elles sont environnées : c’est le moyen de prévenir l’effet du temps qui jaunit fortement les huiles, & communique cette couleur jaune aux teintes. On ne peut trop bien choisir les couleurs, les broyer trop subtilement, ni les unir à des huiles trop purifiées. On ne peut employer non plus trop de franchise ni de pureté.

Lorsque les couleurs dont on a repeint sont bien sèches, on passe sur le tableau une ou plusieurs couches de bon vernis bien siccatif & bien blanc, jusqu’à ce que tous les embus aient disparu. Ce vernis se nomme vernis à tableau : il faut l’appliquer avec une brosse très-propre & très-sèche, par un temps aussi bien sec, & avec beaucoup de légéreté & d’égalité, ne remettant une nouvelle couche qu’après avoir laissé durcir la première.

Le tableau n’est plus reconnoissable ; il a repris une nouvelle vie. Si, long-temps après, il est nécessaire de le nétoyer encore, comme le vernis aura empêché les taches de s’attacher sur la peinture elle-même, il ne s’agira que d’enlever le veux vernis, de laver le tableau avec de l’eau bien claire, de le laisser sécher, & d’appliquer un vernis nouveau.

En écrivant sur le nétoyage des tableaux, je ne saurois exhaler des plaintes trop amères contre les personnes ignorantes ou ennemies de l’art, qui, pour réparer des ouvrages de peinture du plus grand prix, s’en rapportent à de misérables peintureurs, vrais charlatans, qu’on rencontre courant les villes & les campagnes, & vivant de la destruction des tableaux qu’on a la légéreté de confier à leur impéritie & à leur témérité. J’ai vu des tableaux très-précieux, perdus sans ressource par la barbarie de ces malheureux, soit qu’ils y eussent laissé à découvert les dégradations produites par leur travail, qu’on peut appeller plutôt un écurage


qu’un nétoyage ; soit qu’après ce premier crime, ils eussent prétendu le réparer par leur peinture ; ce qui rendoit l’ouvrage encore plus méconnoissable, & le mal sans remède.

L’amour de l’art, l’intérêt même des propriétaires doit donc porter à publier les dangers de cette confiance fatale, & à répandre cette vérité, que le talent de bien restaurer les tableaux est donné à fort peu de gens, & qu’il ne faut employer, même pour les réparations les plus légères, que ceux qui sont connus pour en être les plus capables.

Quelques précautions peuvent prévenir la perte des ouvrages de peinture à l’huile. Elles tiennent d’abord à la nature de l’impression du fond ; ensuite à ce que le peintre n’ait pas noyé d’huile ses couleurs dans les premières couches : c’est ce qui y occasionne des gerçures, comme on le voit, en gémissant, dans les tableaux des deux Parrocel, peintres de batailles, & du charmant Watteau.

Les possesseurs de tableaux en préviennent l’écaillement, en ne les laissant pas exposés au soleil, & en les tenant dans un lieu très-sec. Il seroit encore à desirer qu’on n’allumât que très-rarement des bougies, & encore moins des chandelles de suif ou des lampes, dans l’endroit où sont des tableaux, qu’on n’y souffrît jamais de fumée, & qu’on évitât sur-tout d’y mettre des poëles. Il faut aussi garantir les peintures des brouillards, & sur-tout de ceux qui se forment sur la mer ; leur acide noircit & ronge les tableaux auxquels il s’attache. C’est à l’air marin qu’on attribue à Venise la noirceur & la perte de tant de chef-d’œuvres de l’Ecole Vénitienne, Ecole si justement célèbre.


Restauration des statues. Nous ne dirons qu’un mot à cet égard : c’est que, pour joindre le marbre nouveau à l’ancien marbre de la statue qu’on restaure, il faut n’employer que des tenons ou attaches de cuivre ; car la rouille du fer gagne le marbre dans une très-grande largeur, & y fait une tache ineffaçable. D’ailleurs, l’art de restaurer des statues n’est autre chose que l’art le plus sublime de sculpter. Ce sont presque toujours des ouvrages antiques que l’on restaure, & il faut que le sculpteur moderne soit assez habile pour associer, sans trop de témérité, ses talens, à ceux des grands maîtres de l’antiquité.

ROUGE. Voyez les articles Carmin, Cinnabre, Laque, Minium, Ochre rouge, Manganèse, Pourpre de Cassius.

Rouge d’Angleterre. C’est une espèce de colchotar, c’est-à-dire, une terre endurcie, rouge, d’une saveur stiptique, vitriolique & martials,