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Portugal, ne crurent pas dégrader la noblesse de leur race en secondant les dispositions du jeune Vélasquez pour la peinture. Il suivit la meilleure route pour parvenir à l’imitation précise de la nature ; ce fut de copier tout ce qui frappe le sens de la vue, figure humaine, animaux des divers élémens, arbres, fruits, légumes, ustensiles. En s’habituant ainsi à tracer les lignes qui dessinent les formes de tant d’objets divers, on ne trouve plus de formes qu’on soit embarrassé d’imiter. Si Vélasquez ne parvint qu’à imiter le vrai sans rendre sensible, par les moyens de son art, l’idée du beau, ce n’est pas sa méthode qu’il en faut accuser ; mais il vit trop tard les modèles qui auroient pu l’élever jusqu’à l’imitation de la beauté.

Il s’appliqua d’abord à représenter des scènes de la vie commune, aimant mieux, disoit-il, être le premier dans cet humble genre, que le second dans un genre supérieur. Mais quand il eut vu des tableaux italiens, piqué d’une noble émulation, il se livra au portrait & à l’histoire. On dit que la manière du Caravage le frappa, & que ce fut elle qu’il se proposa d’imiter ; mais s’il est vrai qu’il ait emprunté quelque chose de ce peintre, ce fut en maître qui conserve son caractère propre.

Son talent étoit formé quand il vint à Madrid. Philippe IV le nomma son premier peintre, & le décora de la clef d’or. L’artiste obtint du prince la permission de voir l’Italie : il étoit trop tard ; il est un âge où l’on n’a plus assez de flexibilité pour s’identifier les qualités des autres. Le goût qu’il s’étoit fait ne lui permit pas de rendre justice à Raphaël ; mais il admira le Titien. Il mourut à Madrid en 1660, à son retour d’un second voyage d’Italie.

C’est un peintre de la plus grande vigueur de couleur, mais qui n’a pas eu, dans cette partie, toute la finesse du Titien. Il l’a surpassé pour le clair-obscur & la perspective a ? rienne, & a eu peu d’égaux dans l’art de rendre la nature sans choix, mais dans toute sa vérité.

« Quelle vérité, dit Mengs, & quelle intelligence du clair-obscur dans les ouvrages de Vélasquez ! Qu’il a supérieurement bien entendu l’effet de l’air ambiant interposé entre les objets, pour en faire connoître les distances ! Quelle école pour tout artiste qui veut étudier, dans les tableaux des trois temps de ce maître, la méthode qu’il a suivie pour arriver à une aussi excellente imitation de la nature ! Le porteur d’eau de Séville nous prouve clairement combien ce peintre s’est d’abord restreint à imiter la nature, en finissant toutes les parties, en leur donnant la vigueur qu’il a cru appercevoir dans ses modèles, en faisant connoître la différence essentielle qui se trouve


entre les objets éclairés & ceux qui sont plongés dans l’ombre ; mais comme aussi cette sévere imitation de la nature l’a fait tomber dans un style qui n’est point exempt de sécheresse & de dûreté. »

« Dans le tableau du feint Bacchus qui couronne des buveurs, on remarque une touche plus facile & plus spirituelle, par laquelle il a imité la nature, non précisément telle qu’elle est, mais telle qu’elle nous paroît être. Ce pinceau libre & facile se remarque encore plus dans son tableau de la forge de Vulcain ; quelques-uns des forgerons offrent une parfaite imitation de la nature. »

« Cependant Vélasquez donna une idée plus juste encore de la nature dans son tableau des fileuses, qui est de son dernier style : La main de l’artiste ne paroît avoir eu aucune part à l’exécution de cet ouvrage ; il semble créé par un acte pur de la volonté, & l’on peut dire que c’est une production unique en ce genre. Il y a aussi quelques portraits de Vélasquez qui sont dans le même style. »

« On voit de ce peintre, au Louvre, dans la salle des bains, les portraits des Princes de la maison d’Autriche, depuis Philippe I jusqu’à Philippe IV. »


(117) Lucas Von Uden, de l’école Flamande, né à Anvers en 1595, étoit fils d’un peintre qui fut son maître & qu’il surpassa bientôt : ne pouvant plus trouver de leçons dans la maison paternelle, il alla dans la campagne en demander à la nature, & prit soin de l’étudier depuis le moment où le soleil l’éclaire de ses premiers rayons & dissipe les vapeurs de la nuit, jusqu’à celui où il se plonge sous l’horizon. Il obtint l’estime de Rubens, qui prit plaisir à enrichir les paysages de ce peintre de figures de sa main, quoique Van-Uden lui même fut un des paysagistes qui ait le mieux fait la figure. Van-Uden de son côté peignit plusieurs fois le paysage & les ciels dans les tableaux de Rubens.

La touche de ce peintre est légère, son feuillé a beaucoup de mouvement, ses compositions montroient une grande étendue de pays, ses lointains sont clairs ainsi que ses ciels ; sa couleur, toujours vraie, est quelquefois tendre, & quelquefois vigoureuse. Il est large & décidé dans les grands tableaux, fin & piquant dans les petits. On ignore l’année de sa mort.


(118) Léonard Bramer, de l’école Flamande, né à Delft en 1596, reçut dans son pays les principes de son art, & passa de bonne heure en Italie, après avoir fait quelque