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coloris est brillant & estimé, mais il n’a bien connu ni la dégradation des couleurs ni les effets de l’air ambiant. Il est admirable par l’imitation d’une nature qui n’est pas scrupuleusement choisie, par la facilité du pinceau, & par la force du clair-obscur. Sa touche est excellente, & il a de la force & de la vérité dans l’cxpression. Il est mort à Naples en 1656, âgé de soixantse & sept ans.

Il a gravé lui-même d’après ses dessins ou ses tableaux plusieurs pièces à l’eau-forte, dont un Saint Barthélemy, un Satyre lié à un arbre, un Saint Pierre pénitent, un Saint Jérôme en méditation. Vorsterman a gravé d’après le même peintre des demi-figures ; J. Daulé, Diogêne avec sa laerne ; M. Pitteri, la Magdeleine pénitente, le martyre de Saint Barthélemi.


(107) Jean Torrentius, de l’école Hollandoise, né à Amsterdam en 1589, eut des mœurs affreuses & peignit ses mœurs dans ses ouvrages. Il travailloit en petit & ne traitoit que des sujets lascifs. Cet artiste avoit de l’esprit & il en faisoit le même usage que de son pinceau. Il leva une espèce d’école non de peinture, mais de mauvaises mœurs & d’impiété. Les magistrats eurent horreur d’une secte dont les principes tendoient à briser les liens de la société, & surtout ceux de l’union conjugale. Torrentius, qui en étoit le chef, fut appliqué à la torture & eut la force de ne rien avouer. Condamné à vingt ans de prison, & délivré par la protection de l’ambassadeur d’Angleterre, il passa à Londres où il auroit tiré un parti avantageux de son talent, s’il ne s’étoit pas fait mépriser par ses mœurs. Il revint secretement à Amsterdam, & y demeura caché jusqu’à sa mort, qui arriva en 1640. Il avoit alors cinquante & un ans. Ses ouvrages sont fort rares, parce que tous ceux qu’on put découvrir furent brulés par la main du bourreau.

(108) Dominique Feti, de l’école Romaine, naquit à Rome en 1589 & fut élève de Civoli. Son maître se distinguoit par la beauté du pinceau, le jeune élève le surpassa dans cette partie, & pour lui devenir également supérieur dans les parties savantes de l’art, il alla étudier à Mantoue les ouvrages de Jules Romain, sans pouvoir s’identifier la fierté & la correction de dessin de cet habile maître. Mais il n’en mérite pas moins une place distinguée entre les excellens peintres par sa couleur vigoureuse, quoiqu’un peu noire dans les ombres, par son pinceau gras & moëlleux, par la beauté de sa touche, par le relief qu’il donnoit aux objets. On aime aussi la finesse de ses expressions, la nouveauté de ses compositions, la vérité de ses reintes. Ses tableaux sont rares, & mériteroient d’être recherchés


quand ils seroient communs. Il n’a guere fait que des tableaux de chevalet. Pendant un séjour qu’il fit à Venise, il se plongea dans la dèbauche, & mourut en cette ville en 1624, à l’âge de trente-cinq ans.

Entre sept tableaux du Féti qui sont au cabinet du roi, & qui tous ont de grandes beautés, on distingue celui qui représente Loth & ses filles, « On ne peut voir rien de plus piquant, dit Lépicié, par la composition, la belle couleur, la force des expressions & la beauté de la touche. C’est un beau diamant. »

Jac. Chéreau a gravé, d’après le Féti, David tenant la tête de Goliath, estampe charmante ; Sim. Thomassin la mélancolie, & la vie champêtre, du cabinet du roi ; N. Dupuis, l’Ange-Gardien du même cabinet.


(109) Jean François Barbieri, dit Guercino qui signifie le louche, parce qu’il l’étoit en effet. Nous l’appellons le Guerchin. Il appartient à l’école Lombarde, & naquit en 1590 près de Bologne dans le bourg de Cento dont on lui donna le surnom. Une Vierge que, dès l’âge de dix ans, il peignit à la façade de sa maison, fit connoître ses rares dispositions pour la peinture. Il eut tout au plus quelque maître inconnu qui pût lui apprendre la première manœuvre de l’art, mais il ne fréquenta aucune école célèbre : il fut l’élève de son génie & de la nature, & avoit déjà lui-même un commencement de célébrité, avant d’avoir vu les ouvrages d’aucun peintre célèbre. Il vit enfin ceux de Louis Carrache, & il reconnut toute sa vie qu’il avoit les plus grandes obligations à cet habile maître ; non qu’on puisse reconnoître dans ses ouvrages qu’il se soit rendu son imitateur, mais il en emprunta la grandiosité. On prétend qu’il choisit le Caravage pour modèle dans la manière de pousser les ombres jusqu’à un dégré de force qui approche du noir. Mais je crois que le Guerchin fut moins porté à cette manière par l’imitation, que par le desir de porter la lumière au plus grand éclat qui soit possible à l’art, & plus encore par l’habitude de peindre à fresque & de donner de la vigueur à ce genre de peinture. En effet, le peintre à fresque doit s’accoutumer à n’être pas effrayé de la force exagérée qu’ont les couleurs lorsqu’il les pose sur l’enduit, parce qu’elles ne s’affoiblissent que trop en séchant. Mais l’habitude de pousser au brun quand on peint à fresque, doit porter à exagérer aussi le brun des ombres quand on peint à l’huile, ce qui est un défaut dans ce genre, parce que les bruns, loin de s’affoiblir, ne font que pousser au noir en vieillissant. On peut observer, qu’en général & sans tenir compte des exceptions, les peintres qui se sont distingués dans la fresque par une couleur vi-