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de-ville qui représente les magistrats en charge en 1636, « Ravestein avoit, dit M. Descamps, toutes les parties d’un grand maître : ses compositions sont pleines de feu & de jugement ; il savoit trouver des positions agréables & variées. Tout paroît en mouvement. Il entendoit bien la perspective aërienne & le mêlange harmonieux des couleurs. Ses lumières & ses ombres sont répandues avec art. Cette dernière intelligence se fait remarquer dans ses ouvrages d’une manière à surprendre. Sa couleur est bonne, & sa touche large. »

On ignore l’année de sa mort : quelques uns la placent vers 1656.

W. Delfft a gravé d’après lui le portrait de Jean Buyesius Monickendam.


(97) Dominique Zampieri, dit le Dominiquin, de l’école Lombarde, né à Bologne en 1581, est encore un des grands peintres qui reçurent les premières leçons dans l’école de Calvart. Maltraité par ce maître qui le surprit copiant un dessin d’Annibal, il le quitta pour se mettre sous la discipline des Carraches. Il n’y étoit que depuis peu de temps, lorsqu’ils proposerent à leurs élèves un prix de dessin. Le Dominiquin sans ambition, sans espérance de le remporter, travailla comme les autres, & lorsque les émules présenterent leurs ouvrages avec confiance, le regardant lui-même avec le dédain de la supériorité, il s’avança timidement, ôsant à peine présenter le dessin qu’il auroit voulu cacher. Louis le prit, l’examina, & déclara le Dominiquin vainqueur. Ce premier succès, sans donner au jeune élève une présomption funeste, ne fit que l’exciter à de nouveaux efforts.

Il contracta dans l’école une liaison intime avec l’Albane, & fit avec lui le voyage de Parme, de Plaisance & de Regio pour y contempler les ouvrages du Corrége : mais il ne le suivit point à Rome où son ami l’appella bientôt. Des dessins d’après Raphaël que Louis reçut alors, déterminerent le Dominiquin à ne pas différer son départ. Il suivit à Rome l’école d’Annibal qui peignoit la galerie Farnese. Annibal lui confia la peinture de quelques parties de cette galerie dont lui-même avoit fait les cartons, & lui permit de faire entièrement de lui-même, dans la loge du jardin du côté du Tibre, la mort d’Adonis au moment où Vénus s’élance de son char pour secourir son malheureux amant. Le Dominiquin, dans l’invention & l’exécution de ce morceau, se montra digne de la confiance d’Annibal qui ne se lassoit pas de le célébrer.

Les applaudissemens du maître souleverent contre l’élève, qui étoit déjà un habile maître lui-même, la jalousie de l’école. Le Domini-


quin ne commençoit point un tableau qu’il ne l’eût longtemps médité ; il n’en abandonnoit aucune partie qu’il ne l’eût parfaitement terminée. Le génie qui l’animoit ne faisoit point d’explosion au dehors, & lui laissoit un extérieur tranquille, & même froid & pesant. Ses rivaux affectoient de né voir en lui qu’un esprit lent, capable à peine de produire avec les plus laborieux efforts : ils l’appelloient, le bœuf. « Ce bœuf, leur dit Annibal, rendra son champ si fertile, qu’un jour il noutrira la peinture. »

Lorsqu’Annibal dont la santé s’affoiblissoit chaque jour, fut obligé de renoncer aux ouvrages qui lui étoient offerts, il obtint du moins qu’ils fussent confiés à ses élèves. Ce fut à sa recommandation que les ouvrages de l’église de Saint Grégoire sur le mont Célius, demandés par le cardinal Borghese, furent partagés entre le Guide & le Dominiquin. Celui-ci fit le fameux tableau de Saint André fouetté par des bourreaux, & le Carrache déclara qu’il l’avoit emporté sur son émule : jugement glorieux pour le Dominiquin, mais qui ne peut dégrader le Guide dont on sait qu’Annibal étoit jaloux.

Le suffrage du grand maître de l’école Lombarde, loin d’être utile au Dominiquin, ne fit que lui susciter une foule d’ennemis. Il avoit des défauts ; on s’appliquoit à les faire remarquer, à les exagérer, & l’on gardoit un silence malicieux sur ses beautés. Entre ceux-mêmes qui ne se laissoient pas conduire par la passion, le plus grand nombre étoit entraîné par les graces du Guide, & ne rendoit pas assez de justice aux beautés plus sévères de son rival.

Annibal mourut, & le Dominiquin perdant l’espérance d’être employé dans une ville où ses talens sembloient mal appréciés, se préparoit à partir pour Bologne, lorsju’on lui proposa de faire le tableau de Saint Jérôme de la Charité qui représente la dernière communion de ce Saint mourant. Le Dominiquin resta & fit un chef-d’œuvre. Le Poussin mettoit ce tableau au nombre des trois plus beaux de Rome ; les deux autres étoient la Transfiguration de Raphaël & la descente de croix de Daniel de Volterre. Mais le Dominiquin n’étoit plus quand ce jugement fut porté, quand il fut ratifié par tout les connoisseurs. Lui-même ne reçut que cinquante écus pour salaire de cet admirable ouvrage, tands qu’il voyoit le Guide recevoir un prix considérable de ses moindres productions. Ceux qui l’employoient, le récompensoient mal par ignorance ; ses rivaux le déprécioient par malignité, & le prix qu’il reçut de son chef-d’œuvre fut l’accusation d’un honteux plagiat. Augustin Carrache avoit traité le même sujet ; Lanfranc soutint