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enfin c’est un chef d’œuvre, & le tableau le plus parfait, par la réunion de toutes les parties de la peinture, qui soit en Italie. Il est bien censervé. » Quand il y auroit dans l’éloge de M. Cochin un peu de cette exagération qu’inspire l’enthousiasme, on conviendra qu’un trés-beau tableau peut seul inspirer cet enthousiasme à un artiste tel que lui.

La beauté du pinceau, la facilité de l’exécution, l’esprit & la justesse de la touche, l’accord général, la plus douce harmonie, entrent dans les caractères distinctifs du Guide. Son dessin est généralement correct, & quand on y peut desirer l’exactitude de la grande correction, on est dédommagé par une admirable finesse. Il manque souvent de caractère & de fermeté dans les figures d’hommes ; il est toujours plein de charmes dans celles des femmes. Ses têtes de femmes sont aimables & belles, surtout celles qui sont levées : on voit que pour leur donner cette beauté, il avoit beaucoup étudié le grouppe antique de Niobé & de ses filles. Ses têtes de Vierge sont d’une noblesse simple ; celles des enfans d’une aimable naïveté. Il tenoit ordinairement très-claires les chairs des enfans, & leur donnoit une couleur charmante. Il coëffoit bien les femmes, & leur donnoit des attitudes agréables. Ses anges plaisent par un caractère qui semble vraiment angélique ; leurs draperies paroissent tout a ? riennes. Quoiqu’on lui reproche d’avoir négligé l’expression, il n’a pas toujours mérité ce blâme ; quelquefois même il a des expressions admirables. Il n’a pas absolument la grace de l’antique, mais cependant il a de la grace, & elle est d’un genre qui se fait peut-être d’autant mieux sentir, qu’elle ne nous est pas trop étrangère. S’il ne passe pas pour avoir merveilleusement composé, on a cependant de lui des compositions fort bien entendues. Ses draperies sont traitées d’une touche plate, & les plis en sont bien formés. Il a quelquefois affecté des plis cassés, & semble, dans cette partie, s’être proposé pour modèle Albert Durer ; mais ce défaut n’est pas général dans ses ouvrages, & toujours ses draperies sont nettement accusées & d’une exécution détaillée. Ses mains sont bien dessinées, ses pieds sont délicats il pousse peut-être cette délicatesse au point de les tenir un peu courts.

Son caractère étoit plutôt une douce mollesse & une aimable langueur, que la vigueur & la fermeté. Son ame paisible n’étoit pas faite pour être agitée par les passions fortes, les affections violentes : il a peint comme il sentoit, & c’est pour cela qu’il a un caractère qui lui est particulier, & qui l’élève fort au-dessus de tous ceux qui ont eu un talent d’imitation,


qui ont peint d’après des principes reçus, & non d’après leur sentiment intérieur.

Quelquefois il est tombé dans le pauvre, en cherchant trop à donner dans le naturel & à traiter des vérités de détail.

Sa première couleur étoit celle des Carraches. Quand il eut adopté en partie celle du Caravage, ses lumieres furent grises, & ses ombres noires : il faisoit un grand effet.

Sa dernière couleur étoit claire & vague, ses ombres tendres & grisàtres, mais tirant généralement sur le verd : quelquefois cependant elles étoient d’un gris argenté qui a beaucoup d’agrément. On peut dire que sa couleur étoit belle & fraîche, & que ses demiteintes étoient admirables. Son coloris accompagnoit bien la douceur de ses compositions, & laissoit lire toute la finesse de son dessin & de son faire. « Le Guide, peintre d’un talent heureux & facile, dit le sévère, Mengs, se créa un style tout-à-la-fois beau, gracieux, facile & riche. Son pinceau, élégant & facile, dit-il ailleurs, l’auroit placé à côté de Raphaël, s’il avoit eu de meilleurs principes. »

Le roi possède vingt-trois tableaux du Guide. Les quatte travaux d’Hercule sont du meilleur temps de ce peintre. Dans le tableau qui réprésente l’union du dessin & de la couleur, l’auteur a voulu joindre l’exemple au précepte ; le dessin est élégant & pur ; la couleur vigoureuse & agréable. La charité romaine suffiroit pour prouver que le Guide a connu l’expression. La tête de la fille qui allaite son vieux père, condamné à mourir de faim dans la prison, ne mérite pas moins que celle de Marie de Médicis par Rubens, d’être citée comme un bel exemple d’une expression composée de deux affections différentes : ce tableau est du temps où le Guide imitoit encote la couleur du Caravage, mais où il l’imitoit en maître supérieur à l’objet de son imitation. Les ombres sont moins dures, & elles sont savamment reflétées. Le Saint-François en méditation ne laisse rien à desirer pour la disposition de la scène, la beauté de la couleur & la correction du dessin. La grande & la petite Magdelaine ont le mérite qu’on doit attendre d’un sujet qui convenoit si bien au Guide. La tête du Christ couronné d’épines est du meilleur temps & de la plus grande force de ce peintre : on en admire la couleur, le dessin & l’expression. La fuite en Égypte est bien dessinée, bien drapée, mais la couleur a poussé au noir en plusieurs endroits, ce qui détruit l’harmonie du tableau. Les deux couseuses sont de la plus grande finesse de dessin, de la plus grande douceur d’expression : on éprouve, en les admirant, un calme intérieur.

Le Guide a fait plusieurs eaux-fortes d’après