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dre. Calvart plus connu par ses illustres élèves que par lui-même, étoit cependant un peintre très estimable. Son pinceau étoit suave & moëlleux, sa couleur agréable & harmonieuse, ses figures avoient de la grace. On ne voit guere de ses ouvrages qu’à Bologne, & ils sont encore admirés des connoisseurs. Peut-être Calvart ne fit-il pas un émule inutile pour Louis Carrache. Il mourut à Bologne en 1619.

Wierx a gravé d’après ce peintre, le mariage de Sainte Catherine.


(65) Les Carraches. Voyez ce qui a été dit de ces célèbres maîtres à l’article Ecole, sous l’école de Lombardie.

Le Tintoret vouloit détourner Louis Carrache de suivre la carrière de la peinture ; il ne le croyoit pas propre à cet art. On sait que Corneille voulut détourner Racine de la carrière du théatre. Les grands maîtres sont portés à croire que leur caractère particulier est le caractère essentiel de l’art : ils ne reconnoissent pas de dispositions dans ceux qui ne promettent pas de les imiter. Sans doute le Tintoret auroit eu raison de ne pas reconnoître dans Louis Carrache des dispositions pour la peinture, si, pour être peintre, il falloit ressembler au Tintoret.

Le Roi posséde trois tableaux attribués à Louis Carrache. Celui qui représente l’Annonciation ne semble pas digne de ce maître. Mais dans celui de la Nativité, on reconnoît la grâce & l’onction qui faisoient partie de son caractère. La composition est savante ; la couleur vigoureuse & suave, les figures sont dessinées d’un grand goût. Dans le tableau de l’adoration des Rois, on reconnoît combien Louis avoit étudié le Corrége par l’expression gracieuse qu’il a donnée à la Vierge & à l’enfant Jesus. Les figures sont élégantes & bien drapées ; la composition est riche & d’une belle ordonnance. Nous n’avons fait que transcrire ici les jugemens de Lépicié.

C’est sur tout à Bologne qu’il faut voir ce maître ; c’est là que se trouve le plus grand nombre de ses tableaux. Nous allons tâcher d’établir son caractère d’après les jugemens que M. Cochin a portés dans cette ville d’un grand nombre de ses ouvrages. Ses figures sont ordinairement du meilleur goût & très ingénieusement tournées : son dessin est d’une grande manière, quelquefois cependant chargé & incorrect, principalement dans les extrêmités & surtout dans les pieds. Ses compositions sons très bien entendues, ses grouppes bien liés, bien dilposés, ses têtes bien coeffées & d’un grand caractère ; celles de femmes sont quelquefois belles & majestueuses, quelquefois seulement jolies, toujours dumoins agréables. Ses draperies, savantes & à grands plis, en-


veloppent bien les figures. Sa touche large a une sorte d’incertitude qui plaît. Il est de la plus grande hardiesse dans les raccourcis. Le caractère le plus général de sa couleur est d’être triste & morne ; mais on voit de lui des tableaux où elle est en même temps sourde & vigoureuse ; on en voit où elle est fraîche & vive. Dans ses fresques, elle est souvent d’un gris qui tire sur la couleur de brique.

Le Pesaresse a gravé d’après Louis Carrache plusieurs miracles de Saint Benoit. La Visitation a été gravée par Michel Lasne.

Augustin, quoique distrait par son goût pour la poësie, pour la musique, pour la gravure, & pour les charmes de la société, a fait cependant un grand nombre d’ouvrages de peinture. Nous ne croyons pas qu’il y ait de lui à Paris d’autres tableaux que celui du duc d’Orléans ; mais il peut donner une idée favorable de son auteur. Il représente le martyre de Saint Barthélemi. Le fond est un paysage. Augustin composoit bien, drapoit savamment, dessinoit avec pureté, & donnoit aux têtes un grand & beau caractère. Sa manière étoit ferm ; sa couleur, en général triste & monotone, étoit quelquefois d’un très bon ton. Homme d’esprit, il mettoit des pensées heureuses dans ses tableaux, & fut souvent utile à son frère pour l’invention.

Il n’avoit jamais pu vivre cordialement avec Annibal, & ne put soutenir d’en vivre séparé. S’étant brouillé avec lui à Rome, il se rendit chez le duc de Parme où il tomba dans la plus profonde mélancolie qui le dévora lentement. Cet artiste de mœurs assez libres, & qui toujours s’étoit plu à traiter des sujets libres, fut touché de la plus vive dévotion en contemplant les figures de Jesus-Christ & de la Vierge qu’il venoit de peindre. Il se retira chez les Capucins, leur consacra ses travaux, & mourut dans cette retraite.

Entre les estampes qu’il a gravées d’après ses propres compositions, nous citerons seulement sa Galatée sur les eaux, Vénus châtiant les amours, & l’amour vainqueur de Pan. François Perier a gravé d’après lui la fameuse communion de Saint Jérôme ; Ravenet, le jeune Tobie ; Guillaume Château, l’adoration des Rois.

Annibal avoit reçu de la nature les qualités qui forment le grand peintre ; il les auroit développées avec encore plus de grandeur & d’éclat, s’il y avoit joint la culture de l’esprit. Ennemi de a lecture, il ignoroit même la fable & l’histoire, & étoit obligé de recourir aux lumières de son frère Augustin ou de quelques gens ettrés. Il devoit résulter de cette ignorance qu’il ne pouvoit être animé de la poësie de son sujet comme s’il l’eût bien possédé lui-même. C’est surtout dans les ouvrages


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