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accîdens ou effets obfervés , îl appuyé le crayon davantage dans certains endroits , en rompant par-là l’uniformité du trait ; fi enfin ce trait alors le trouve plus marqué, par-tout oii le deffinateur a voulu exprimer les eft’ets de l’omble, alors il a employé ce qu’on appelle généralement la touche qui commence à donner du caraflère à ion dellin.

Paflbns plus avant : fi une figure, que je fuppole dans une pofirion parfaitement tranquille & n’éprouvant aucune imprelTion marquée, donne cependant lieu à fa’.re fentir par la touche, les courbures des contours & les accidens habituels que produifent les articulations, à combien plus forte railbn le deflinateur ou le peintre ne fera-t-il pas invité à marquer plus fenfiblement cette touche^ lorfque des mouvemens plus caraftérifés rendront les accidens des contours plus, lenfibles ? Alors, t, plus excitée , fa main docile & prompte fuit avec juftefle l’impreflion qu’il reçoit & qu’il veut tranfmettre dans fon ouvrage ; s’il appuie la main pour rendre la trace du craypn plus fignificative ; s’il en obtient cet effet ians maigreur & : fans féchereffe , il fait de la touche un des ufages les plus importans & qui appartiennent de plus près à la partie fpirituelle de l’art.

On voit par ces détails , que la touche n’eft en aucune manière arbitraire , qu’elle n’efl pas du reflbrt de ce qu’on appelle improprement le goût , comme fe le perfuadent trop fouvent les jeunes artifbes, qui imitent fans réflexion les modèles qu’on leur donne, ou ceux qui , fous le nom de connoijfeurs , n’ont que de très fuperficielles lumières. Il relie à parler à ceuic qui veulent être inftruits plus profondément de la mefure qu’on doit garder dans l’ufage de .touche. Il faut fe reprélénter ici que la touche , telle que nous venons de la défigner , eft à la fois un figne imitatif , tiré de la nature , & un figne communicatif de la manière dont l’artifle a vu & fenti , en. faifant fon in^tation.

La touche , pour peu qu’elle pafle la jufta mefure , penche à être un figne , plutôt qu’une imitation précife ; & l’on eft d’autant plus autoriÊ à faire cette obfervation , qu’à la rigueur, cette mefure jufle n’èxifte peut-être dans aucune repréfentation.

Premièrement, parce que la îOMcAe étant un effet inftantané de l’impreQîon que reffent le peintre, ou le deffinateur, elle eft fufceptible des variétés de l’imagination. Secondement , parce que , pour que la mefure exafte dans laquelle doit fe renfermer , la touche , pût être énoncée précifément , il faudroit avoir égard à la diftance précife où étoit l’objet qu’on a imité , pour fe placer à Beaux-Ans, Jomé IL

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une diftance exaâement proportionnelle re l’imitation ; ce qui ne peut avoir l.ieu par rap port à la première condition & moins encond à la féconde , puifque chacun approche d’ue deffin à fa fantaifie feule, pour le confidérer, & qu’il eft bien rare qu’on fe fixe, pour le regarder, ainfi qu’un tableau, à la diftance qui doit faire paroître la touche dans la jufte mefure qu’elle devroit avoir. Aulfi le plus fouvent , par toutes ces raifons , la touche des deffins iurtour, eft-elle exagérée , foit par l’effet du fentlment qui l’a infpirée, foit par 1 effet de l’habitude qu’on a contraSée ou du peu d’importance qu’on met dans cette mefure.

Au refte ce défaut , fou vent inappréciable, produit fréquemment un effet qui plaît , lorfqu’on fe prête aux conventions établies , par rapport à certaines parties de l’art ; car la touche , regardée comme figne de l’expreffion, frappe plutôt & plus fortement, lorfqu’elle eft exagérée avec art, que lorfqu’elle eft plus timide & plus foiblement écrite. Il eSi vrai que , dans l’imitation peinte, îa touche eft plus affujettie à la mefure qu’elle doit avoir , parce que fon exagération nuiroic trop fenfiblement à la vérité de la couleur Se quelquefois à l’accord ; auffi cette exagération n’eft-elle admife que dans le petit, ou dans le» peintures qui ne vifent pas à un fini précieux. Ce que j’ai dit jufqu’ici de la touche a rapport à celle qui caradérife principalement les apparences du corps humain.

Il eft une autre acception de ce terme quî deviendra plus fenfible , en l’obfervant dans le verbe qui en dérive. Ceft le verbe toucher^ qui , en peinture , a unefignification qui diffère de celle du mot touche.

Lorfqu’en effet on dit : Ce peintre touche parfaitement bien les chairs , les étoffes , le payfage , les arbres , les terreins , les plantes, les eaux, les acceffbires, on entend parler de fa manière phyfique d’appliquer la couleur qui doit reprélénter ces objets.

Toucher, dans cette acception , embraffe , îl eft vrai , le fens qui appartient plus particulièrement au mot touche ; mais il y joint la pratique particulière à l’artifle & furtout le maniement de la broffe & du pinceau. Le maniement de la broffe ou du pinceau fert non-feulement à appliquer , à étendre , à mêler les couleurs , mais beaucoup plus encore à défigner aux yeux la nature des objets, leur fubftance & leurs accidens. La manière d’appliquer la couleur fur la toile , de l’étendre dans un fens ou dans un autre , laiffe des impreffions qui , ayant certains rapports avec l’apparence de l’objet qu’on peint , contribuent à rappeller plus fenfiblçment fon idée.

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