Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PEI PEI 25


fois le voyage d’Italie, pour se perfectionner dans la peinture, & s’appliqua surtout aux ouvrages de Perin del Vaga. De retour dans sa partie, il fut chargé de toutes les entreprises considérables, & traita également l’histoire & le portrait. Il mourut à Séville en 1590, âgé de soixante & deux ans. On dit que les austérités avancèrent sa fin.

Le Duc d’Orléans posséde de ce maître un Saint-Jean couvert d’une peau de chameau dans une proportion plus grande que nature.

Pierre Balliu a gravé, d’après ce peintre, la donation de Constantin.


(41) Taddée Zucchero, de l’école Romaine, né dans le Duché d’Urbin en 1529, fut élève de son père, qui ne pouvoit guère lui enseigner que les premiers élémens & la manœuvre de l’art. Taddée vint, à quatorze ans, chercher à Rome de plus habiles maîtres : il fut obligé, pour subsister, de broyer des couleurs, & n’avoit pas la nuit d’autre asyle que les loges du palais Chigi. Dans cet état misérable, il copioit l’antique, il étudioit Raphaël. Ses progrès répondirent à son application, & de grandes entreprises furent la récompense de ses progrès. Le Duc d’Urbin le manda pour peindre le principal dôme de sa capitale ; les Papes Jules III & Paul IV l’employèrent dans plusieurs endroits du Vatican, particulièrement dans le Torrione, où il peignit plusieurs fresques avec beaucoup d’intelligence ; le Cardinal Farnese lui assigna une riche pension, & le chargea de la conduite entière des travaux de son château de Caprarola.

Il étoit grand dans la composition, moëlleux dans l’exécution, vague dans la couleur, assez correct dans le dessin, mais tombant dans la manière à force d’affecter la grandiosité. Doublement fatigué par les travaux & par la débauche, il mourut en 1566, âgé de trente-sept ans.

Il laissoit un grand nombre de travaux commencés, ou seulement entrepris. Ils furent donnes à Frédéric, son frère, moins habile que lui, mais plus facile ; coloriste assez agréable, fin, dans ses têtes, dessinateur savant, mais très-manièré. Frédéric a travaillé à Florence, en France, en Flandre, en Hollande, en Angleterre, en Espagne, à Venise, où il s’attira la jalousie des peintres Vénitiens, & mérita l’estime & les récompenses du Sénat, qui le créa Chevalier. Il mourut à Ancone en 1609, âgé de soixante-six ans.

Les deux Zuccheri furent, sans doute, des artistes très-estimables ; mais leurs succès gâtèrent les peintres d’Italie qui se les proposèrent pour modèles, jusqu’à ce que les Carraches, par une étude plus profonde & plus vraie, celevèrent la dignité de la peinture.


Corn. Cort a gravé, d’après Taddée Zucchero, la descente du Saint-Esprit, l’Ecce homo, la Pâques, l’Adoration des bergers ; & d’après Frédéric, le couronnement de la Vierge, le martyre de Sainte-Catherine, le mystère de l’Annonciation. F. Bartolozzi a gravé d’après le même peintre Marie, Reine d’Ecosse.


(42) Paul Caliari, dit Véronese, de l’école de Venise, né à Vérone en 1532, n’eut pour maître que son oncle, peintre inconnu, & dès sa première jeunesse étonna sa patrie par ses talens. Mais, ni Vérone, ni Mantoue, où il fut conduit par le Cardinal de Gonzague, n’étoient des théatres suffisans à sa gloire : il vint à Venise, concourut pour un prix que proposoit le Sénat, & fut vainqueur : il eut le Titien pour juge, & ses rivaux eux-mêmes ratifièrent le jugement.

Le génie du Véronèse le portoit surtout aux grandes compositions ; on a célébré la noblesse de ses conceptions ; on a eu raison, si l’on a supposé que la noblesse devoit être accompagnée de la grande richesse ; on ne trouve pas dans ses ouvrages la noblesse qui est compagne de la grande simplicité.

Le Véronese fit un voyage à Rome ; il y vit l’antique & Raphaël, & l’on assure qu’il retira un grand fruit de ce voyage. On ne voit pas cependant qu’il ait cherché les beautés simples de Raphaël & des anciens statuaires : & sans doute il fit bien de suivre l’impulsion de son caractère. Les beautés qu’il négligeoit étoient d’un ordre supérieur ; mais il le seroit fatigué vainement à les poursuivre, & il se fit un grand nom en s’attachant seulement à celles dont il avoit le sentiment. Destiné par la nature à être le premier des peintres d’apparat, il avoit un asses beau partage, & il dut s’en contenter.

C’est dans ce genre qu’il fit, à des époques différentes, les quatre tableaux qui ont peut-être contribué le plus à sa gloire. Ils représentent tous des banquets, & il y a étalé la plus grande magnificence.

Le premier, placé au réfectoire de Saint-Georges, a plus de trente pieds de long, & renferme plus de cent-vingt figures : il représente les noces de Cana. C’est son chef-d’œuvre.

Le second, fait en 1570, pour l’église de St. Sébastien, représente le banquet de Simon le lépreux : on y voit la Magdelaine essuyer de ses cheveux les pieds du Sauveur.

Dans le troisiéme, peint en 1573, on vois Jésus-Christ à table avec ses apôtres dans la maison de Lévi.

Le quatriéme, qui étoit dans le réfectoire des Pères Servites, représente le même sujet


Tome II. Beaux-Arts. D