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tienne. Le Tintoret disoit qu’on devoit toujours avoir devant les yeux un tableau du Schiavone, pour remarquer ce qu’il falloit suivre & ce qu’il falloit éviter. La beauté de sa couleur lui a obtenu, l’indulgence même des Romains. Il est mort dans la pauvreté, comme il avoit vécu, à l’âge de soixante ans, en 1582.

On a de lui au cabinet du roi un St. Jérome : la figure du saint est incorrecte, la tête est bien touchée, & l’ouvrage entier est d’une belle couleur & d’une grande facilité de faire.

G. Boel a gravé, d’après ce peintre, Adonis s’arrachant des bras de Vénus, & une adoration des bergers. Aveline a gravé Jupiter & Io.


(36) Pelegrino Tibaldi, de l’école Lombarde, né à Milan en 1522, se forma sur les ouvrages de Michel-Ange, & fut comme lui, peintre, sculpteur & architecte. Il enrichissoit ses fonds de beaux paysages, & assuroit l’effet de ses tableaux par de grandes masses d’ombre & de lumière. Louis Carrache l’avoit pris pour modèle, & l’appelloit le Michel-Ange réformé. On voit de lui à Bologne, dans le palais de l’Institut des sciences, des plafonds qui représentent divers sujets de l’Odyssée. « Les Carraches, dit M. Cochin, ne sont pas les inventeurs de ce grand caractère de dessin qu’ils ont amené dans la peinture, & les morceaux de Tibaldi sont d’un caractère de dessin aussi grand qu’aucune chose de ces maîtres. La manière en est grande & terrible. On y voit les raccourcis les plus hardis & les plus admirables, dessinés très-savamment, & de très-grandes figures dans de petits espaces. »

Il réussissoit très-bien dans les figures de Stuc, & il a été imité par Annibal Carrache dans la galerie du Palais Farnese. Il mourut à Milan en 1592, âgé de soixante-dix ans.


(37) Luc Cameiasi, dit le Cangiage, né à Moneglia, dans les États de Gênes en 1527, eut pour maître son père. Il alla à Florence & à Rome étudier Michel-Ange & Raphaël, & passa en Espagne, où il exécuta plusieurs plafonds dans le palais de l’Escurial. Il se distingua par une extrême facilité & par un coloris vague qui ne manque pas d’agrément. Malgré ses défauts, on le met à la tête de l’école Génoise. Il faisoit souvent les plus grands morceaux sans aucune étude, sans aucune préparation : on eût dit que le pinceau marchoit aussi vite que sa pensée. Il étoit correct dans le dessin, habile dans les raccourcis, assez agréable dans la couleur. Sa première manière étoit gigantesque, & s’éloignoit trop de la nature :


la seconde étoit plus étudiée, il faisoit alors des dessins & des cartons avant d’arrêter sa pensée : la dernière n’est qu’une pratique expéditive & maniérée. Il a aussi travaillé en sculpture. Le chagrin de ne pouvoir obtenir une dispense pour épouser sa belle-sœur, le conduisit, dit-on, au tombeau, à l’Escurial en 1589, à l’âge de cinquante-huit ans. L’âge auquel il a fini rend peu vraisemblable cette cause de sa fin.


(38) Frédéric Barochio, le Baroche, de l’école Romaine, né à Urbin en 1528, vint à Rome à l’âge de vingt ans, & vit ses premiers essais encouragés par Michel-Ange. Il s’appliqua surtout à l’imitation du Correge, noyant comme lui ses contours, mais leur donnant plus de correction. C’est un peintre harmonieux, & qui a bien entendu la partie du clair-obscur, & la fonte des couleurs. Ses ouvrages, malgré leurs défauts, peignent la douceur de son caractère & la bonté de ses mœurs. Il avoit coutume de ne peindre aucune figure sans en avoir fait un modele en cire : si la figure devoit être vêtue, il la drapoit sur ce modèle. Jamais il ne posoit le modèle vivant, sans lui demander s’il se trouvoit bien à son aise dans la pose qu’il lui donnoit. C’est un usage que doivent suivre tous les artistes qui ne veulent introduire dans leurs ouvrages que des attitudes naturelles. Le Baroche est un des peintres les plus gracieux de l’école Romaine ; ses attitudes sont agréables, ses figures bien drapées & bien dessinées, ses plis bien formés & nettement touchés. Ses têtes de vierge ont ordinairement la douceur la plus aimable : il avoit coutume de les peindre d’après sa sœur. Son dessin est d’une grande finesse. C’est enfin, comme le dit M. Cochin, un peintre charmant & infiniment seducteur ; « mais dont l’imitation, ajoute cet artiste, expose à des dangers. Son coloris est agréable & facile à imiter ; mais il est fardé : ce sont des violâtres, des bleuâtres, des aurores, tous de la plus grande fraîcheur ; mais fort au-delà de ce que la nature présente à cet égard. Ils tiennent en quelque manière de ce que la peinture en émail a ordinairement de défectueux. »

« Plusieurs compositions du Baroche sont singulières ; ce sont des dispositions de figures & de grouppes si simples, si naturelles, & qui paroissent si dénuées d’art, qu’on en trouveroit de pareilles dans quelque lieu où le hazard fit entrer. Souvent les principales figures sont au fond du tableau, & le devant est vuide ; d’autres fois elles sont dispersées au hazard & sans beaucoup de liaison : néanmoins cette manière a des beautés,