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Hollandoise. Voyez ce qui a été dit de ce peintre à l’article. Ecole.


(21) Polidoro Caldara dit de Caravage, apparurent à l’école Lombarde par sa naissance, & à l école Romaine par son éducation. Il naquit au bourg de Caravage dans le Milanez en 1495. Sorti de la lie du peuple, forcé par la misère de quitter son pays à l’âge de dix-huit ans, il vint à Rome & se mit au service des peintres qui travailloient aux loges du Vatican, & qui l’occuperent à porter le mortier dont on fait l’enduit des fresques. Les noms de la plupart des grands qui vivoient en même temps que lui sont oubliés ; le sien est bien plus noble, puisqu’il est encore prononcé avec respect par les amateurs des arts.

Le jeune Polidore devint peintre en voyant travailler Jean da Udine ; il attira l’attention de Raphaël qui s’empressa de lui donner des leçons, il devint l’un des plus habiles disciples de ce grand maître. Son application à copier les statues antiques le rendit, en quelque sorte, pour la science du dessin & la pureté des formes, l’émule des anciens statuaires de la Grece. Moins touché des charmes de la couleur, il prit le parti de la négliger entièrement, & de ne peindre que des ouvrages de clair-obscur, à l’imitation des bas-reliefs. C’est dans ce genre qu’il associa ses travaux à ceux de Raphaël, & qu’il peignit, dans les chambres du Vatican, des frises au dessous des tableaux de ce maître. Il décora l’extérieur d’un grand nombre d’édifices de Rome, de la sorte de peinture, ou si l’on veut de gravure que l’on nommoit sgrafitto, & qui consistoit à dessiner par hachures, avec un poinçon sur un enduit blanc appliqué sur un fond noir. Il quitta Rome lorsqu’elle fut assiégée par les Espagnols en 1427, & ne trouvant point d’occupation à Naples, il s’embarqua pour Messine, où ses talens pour l’architecture lui procurerent des travaux. Il peignit aussi dans cette ville un portement de croix, & prouva par la couleur vigoureuse de ce tableau, que c’étoit par choix, & non par impuissance, qu’il s’étoit généralement borné à la peinture monochrome. Il se disposoit à retourner à Rome, & il avoit déjà retiré ses fonds de la banque, lorsque son valet, tenté par cet argent, l’astassina dans son lit en 1543.

Polidore observoit séverement le costume : les vases, les trophées dont il ornoit ses compositions, étoient dans les formes antiques. On admiroit dans ses ouvrages la variété des attitudes, l’expression & le caractère des têtes, la noblesse de la disposition, l’élevation des pensees, le beau jet des draperies. Ce qui peut étonner, c’est que, ne peignant guere que des espèces de camayeux, il fut le premier


des Romains qui connut cette magie de clair-obscur qui consiste à ménager de grandes masses d’ombres & de lumières. Cette industrie répandoit un grand effet sur ses ouvrages privés de couleurs. De Piles remarque avec raison que son génie étoit plus naturel, plus pur & mieux réglé que celui de Jules Romain.

Le Roi ne possede de ce maître qu’une esquisse sur bois peinte en détrempe, « Cependant elle est assez arrêtée, dit Lépicié, pour donner une idée de l’élégance du génie de Polidore, & faire sentir quel étoit le beau choix de ses attitudes & de ses dispositions, l’excellente manière dont il savoit jetter les draperies, & surtout ses excellens principes sur le clair-obscur. »

Corneille Cort a gravé une grande composition de ce peintre représentant l’adoration des bergers. Le Mantouan a gravé Marius qui en impose aux soldats qui viennent pour le tuer ; Golzius a gravé deux sybilles, un Neptune, un Saturne, &c. Mais traducteur infidèle, il a rendu le Polidore maniéré comme lui.


(22) Maestro Rosso ou Maître Roux, de l’école de Florentine, naquit à Florence en 1496 ; on croit qu’il n’eut d’autres maîtres que les ouvrages de Michel-Ange & du Parmesan. Il peignit à Florence, à Rome, à Venise, & partout mécontent de la fortune, il vint chercher en France à se la rendre plus favorable. François I. lui donna la surintendance de tous ses ouvrages de Fontainebleau, & dans la suite un canonicat de la Sainte Chapelle.

Maître Roux avoit de la littérature, de l’esprit, une conversation agréable, des manières distinguées, des talens pour la poësie, une grande connoissance de la musique : avec tant de moyens de plaire, il fut comblé des bienfaits du Roi qui se plaisoit à rècompensor les talens. Architecte, il bâtit la grande galerie de Fontainebleau ; peintre, il la décora de ses ouvrages. Le feu de son genie lui faisoit négliger la perfection de l’art. Trop impatient pour consulter la nature, il faisoit tout de pratique ; on pourroit dire de caprice. Son dessin étoit fier ; mais bizarre, lourd, & maniéré : ses compositions étoient riches, ses figures avoient du mouvement, ce qui est un des caractéres des artistes Toscans : il avoit de la légereté dans les draperies.

Il soupçonna Pelegrino, son ami, de lui avoir fait un vol considerable, & se rendit son accusateur Pelegrino fut appliqué à la question, & ne put faire connoître son innocence qu’après avoir souffert les plus affreux tourmens. Maître Roux ne pouvant survivre à la honte de son accusation téméraire, prit un poison vio-


Beaux-Arts. Tome II. C