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vements. C’est leur recommander d’imiter la nature ; elle est si variée que, dans un grand nombre de personnes, elle en montrera rarement deux qui, dans un même instant, soient dans une position semblable d’aucune de leurs parties. Elle porte à cet égard, comme à tous les autres, la diversité au point de faire le désespoir de l’art.

« Il est cependant quelquefois, dit Dandré Bardon, d’élégantes répétitions de gestes, de mouvemens, de regards, qui produisent des effets merveilleux, quand elles sont adapetées à des personnages qui ont une même intention, un même intérêt, & qui sont agités de la même passion. C’est ainsi que Raphaël a représenté, dans son Héliodore, un grouppe de plusieurs femmes qui, par des démonstrations uniformes, tendent à l’expression d’un même sentiment. C’est dans la même vue que le Poussin a retracé deux Israëlites dans une même attitude, cueillant l’un & l’autre la manne avec la même avidité. »

REPOS. (subst. masc.) Repos, lorsqu’on parle de peinture, désigne certaines parties de la composition d’un tableau qui semblent tranquilliser la vue.

Cette expression figurée, est tirée de l’opposition du repos physique avec le mouvement.

Le bruit de plusieurs objets fatigue l’oreille ; quelques momens de silence la reposent. Il en est de même de la vue, & dans les tableaux qui offrent l’image du mouvement, & rapellent quelquefois l’idée même du bruit, il est nécessaire de rappeler aussi ou de procurer effectivement du repos à la vue & à l’esprit.

Il faut donc que le peintre dispose dans ses compositions des repos, c’est-à-dire, des parties sur lesquelles les regards & l’attention se trouvent moins occupés Un appelle cela ménager des repos.

Ce principe, tiré de la nature, & qui appartient à son systême comme besoin, est par là, tout aussi nécessaire dans les arts qui ont pour but de l’imiter.

On peut dire figurément que i’esprit & les sens, tantôt te fatiguent & tantôt se reposent. Le succès des arts qui se chargent, en captivant l’esprit & les sens, les conduire à leur gré, veut donc que l’exercice qu’ils leurs donnent, leur soit agréable & que, s’ils les fatiguent quelques momens, ils les reposent ensuite autant qu’il est nécessaire pour qu’ils ne soient ni excédés ni rebutés.

De là naît, par développement, la nécessité d’une proportion entre les repos & les occupations.

Un poëme qui seroit continuellement animé, pathétique, touchant, fatigueroit le lecteur ; une composition théatrale, ou les personnages deroit le spectateur. Une musique sans cesse travaillée ou bruyante, charge & penible à l’oreille ; fin tableau qu’une action compliquée occuperoit tout entier & où les acteurs seroient accumulés, ne seroit pas du goût de ceux qui auroient compté sur un plaisir moins fatiguant, en venant le considérer. La raison établit donc la loi des repos dans les arts, & la raison occupée de leurs succés, veut que les repos soient ménagés & gradués, s’il est possible.

Aussi, dans les poëmes & les drames qui représentent une succession d’instans, les repos doivent être moins prolongés en approchant du terme, surtout lorsqu’on a fait naître un désir vif d’y arriver,

Dans la peinture où il ne peut être question que d’un instant & où l’unité doit être rendue physiquement visible, le repos doivent être ménages de manière à designer aux regards leur route & à les arrêter ; car les regards ont la mobilité dont manque la peinture. Dans les tableaux, l’intérêt ne peut qu’attendre & appeller ; dans les ouvrages de quelque autres arts, il marche & entraine avec lui.

Je ne suivrai pas plus loin ces rapprochemens qui m’entraîneroient à mon tour plus loin peut-être que je ne dois aller. Je me contenterai d’ajouter que dans la peinture, les repos ont lieu par les masses ou par les fonds. J’entends par masses, principalement celles de clair-obscur, c’est-à-dire, des lumières harmonieuses étendues ou des ombres élargies. Par fonds, j’entends une union ou assemblage de couleurs douces, aëriennes, si bien mariées & si bien fondues que le regard s’y complaît, s’y repose, & que les objets qui doivent leur faire opposition, en deviennent plus brillans.

C’est donc par le raisonnement qu’on apperçoit la nécessité des repos. C’est du raisonnement qu’on apprend à les placer, & c’est l’étude du clair-obscur & de l’harmonie qui en fournit les moyens. Le repos est une partie de l’art qui appartient à l’effet. On donne du repos à un ouvrage en étendant les masses, en eteignant des lumières trop pétillantes, en salissant des couleurs qui ont trop d’éclat. Quand un tableau est bien d’accord, quand il est harmonieux, il a le repos nécessaire.

(Article de M. Watelet.)

Repos. Deux principes rendent le repos nécessaire dans les ouvrages de l’art : l’un est l’unité d’intérêt, l’autre est l’harmonie.

Pour que la vue & l’attention du specta-