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ïOmprc, avec cette facilité dont Te piquent les maîtres d’écriture, quand ils font ce qu’ils appellent des traits de plume , ou qu’ils jettent les grandes lettres initiales.

- Le deffinateur la Fage , dont les deiïîns ne font foutenus que de quelques hachures faites à la plume ou d’un peu de )avis, avoit une prodigieufe pratique du delTin. Sans voir la nature, & n’ayant d’autre attelier qu’un cabaret, ij .multipIioi£ fur le papier àes figures d’un grand carailère , & l’œil avoit en quelque Ibrte de la peine à fuivre fa main. Toujours dans la misère avec un talent rare , c’étoit fourent avec un deÇJn fait fur le comptoir du cabaret ! er , qu’il payoit fon écot. On s’exprimeroit d’une manière bien peu convenable, fi l’on difoit que Raphaël, que le Pouflîn avoient une heUepratique de cornpofition. Ces grands artiftes ne corapofoient point par-habitude ; mais par la plus forte contention de leur efprit. Tout ce qu’ils portoient fur l’enduit, fur le paneau , fur la toile, étoit .profondément réfléchi. Mais quand on parle tl)i ces peintres d’apparat, de ces peintres de grandes machines qui fe propofoient furtout de couvrir un vafte champ de figures difpofées Je manière à plaire aux yeux, on peut, fans lesoiîenfer, dire qu’ils avoient une grande praùque de compofition. L’habitude de difpofer <^es figures pargrouppes, d’en varier les attitudes, fans chercher fi ces attitudes étoient bien celles qu’exigeoit l’aélion, de les faire çontrafter entr’elles , de les ordonner de façon qu’elles puffent recevoir avantageufement la lumière , ou en être privées ; cette habitude étoit, dis- je , ce qui les conduifoit dans leurs çotnpofitions trop admirées : & leurs magnifiques ouvrages, étoient plutôt le fruit d’une grande pratique que ^e la conception. Luc Giordano, Solimène, Sébaftien Conca , pourroient être nommés des compoûteiirs de pratique.

Le mot pratique fe prend en bonne part, quand on dit qu’un artifte a une belle & une ^vanàe pratique du dellin, du pinceau, de la couleur. Il fe prend en mauvaife part quand on dit qu’il defline, qu’il colore àe pratique : on entend alors que, fans confulter la nature , il fe livre à une pratiquera, une habitude qu’il a contraélée & qui ne s’acci)rde jamais parfaitement arec la nature ; parce qu’on ne fauroit parvenir à la favoir par cœur. Les artiftes font fujets à tomber dans ce défaut, -quand ils ont beaucoup opéré, parce qu’ils ne croyent plus avoir befoin de confulter encore la nature qu’ils ont çonfultée tant de fois. Un grand nombre de peintres de portraits ont fini par draper de pratique. Boucher faifoit tout de pratique. ; il difoit qu’il avoit autrefois coniulté la nafure, niais qu’elle ne faifoU plus I

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’ que le gêner. De grands maîtres font tombé ? dans la pratique., parce qu’ils n’avoîent pas le tems d’étudier le grand nombre d’ouvrages qu’on leur demandoit. Quand les atttateurs & les prétendus connoiffeurs ne voyent rien de plus beau dans l’art que la facilité de 1» manœuvre, iesartifres netardentpas à tomber dans la pratique : pour opérer plus facilement, ils fecouent les gènes les plus néceffaires. C’eil confondre l’infradion desloix avec laliberté.(L) PRECIEUX (adj. ) précieux exprime dan» le langage ordinaire, au lens propre , quelqu’objet rare & recherché ; au figuré ce qa’oa appelle recherché conduit à l’idée d’affeélation : c’ell de-là que vient la fignification qu’on donne au mot précieux, lorfqu’on l’applique au ftyle, à la manière d’écrire & d’exprimer iss penfées.

Dans le langage de la peinture, il n’a paï ce fens défapprobateur. Un tableau précieux eft un tableau très-eftimable : un pinceau précieux fignifie une manière de peindre qui a un degré de perfeâion rare.

Un tableau précieux eft donc un ouvrags qu’on recherche & qu’on conferye avec foin au rang des chofes précieufes , & ce mot fe rapporte à rare.

il faut obferver à cette oceafion , que dans les arts dans lefquels le mécanifme eft liifceptible d’une grande pcrfeflion & dont, par cette raifon , il fait une partie importante, le mot ^/-eViezia : eft toujours pris comme, éloge^ aii contraire dans ; les arts dont les produèïions font-toutes fpirituelles, & dans lefquels le pur méchanifme eft compté pour peu de chofe , le mot précieux fe prend le plus ordinairement en mauvaife part : il eft aifé de fentir que le matériel d’un art n’eft fufceptible, par la recherche qu’on V met, que d’une perfection plus grande, & non d’une intention de vanité & d’une afFedatlon qui bleffent ; au lieu que les produftions purement fpirituelles montrent, dans la trop grande recherche qu’y mettent leurs auteurs,une prétention à l’emporter fur leurs femblablesqui devient fouvent ridicule. La perfection dans la. forme , qu’on peut regarder comme la partie méchanique des arts dont je parle , tels que font l’éloquence & la poëfie, eft lafimplicité : au contraire la perfeélion du méchanifme de la peinture, de la fculpture, de la gravure, & encore plus celle des ouvrages purement méchaniques, confifte dans la recherche des moyens les plus parfaits & des foins les plus grand".

Je ne penfe pas cependant qu’on infère de cette explication qu’un tableau précieux , foit par cela feul , l’ouvrage le plus parfait de cet art. Tout ce que j’ai dit n’a d’application qu’au méchanifme , & il eil certain dans ce fens , D d i j