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le coiip-d’œil jufle , ils pourroîent iev&mt des eonnoiffeurs irréfragables en prenant un compas. Quoiqu’une ftatue puiffe être correfpofidante â-vec une autre, on ne peut pas dire qu’elle en fait le pendant , parcequ’on ne pend pas une ftatue comme des tableaux ou des eflampes ; mais on pourroitle dire de certains bas-reliefs qu’on orne d’une bordure coBime les tableaux, & qu’on attache de même (L).

PENSÉ ( part. paff. ) raifonné , réfléchi. On dit, dans la langue de l’art, qu’un tableau eft bien penfé , qu’une figure eft bien penfe’e, PENSÉE ( fubft. féminin.) C’eft ainfi qu’on nomme une idée grande , profonde , expreflive, jngénieufe qui le trouve dans un tableau. Deux amans Arcadiens qui , pleins d’amour & : de joie , entrent dans v.n boccage , & trouvent un tombeau avec cette inlcription : J’ai aujji vécu dans l’Aicadie , eft une penféi qui fait profondément réfléchir le Ipeflateur. Dans le tableau du déluge , un ferpent qui feul refte encore hors de l’eau & rampe le long d’un rocher , efl une penfée fublimo qui marque bien l’incammenCurable l’olitude qui couvre la terre inondée. Une mère qui fe noyé , & qui , par un dernier efi’ort, tient encore fon enfant au-deffus de i’eau , cft une penfée expreffive & touchante. Vénus donnant le fouet à l’on fils avec des rofes , n’cft qu’une penfée riante & badins.

Un effet d’ombre ou de lumière répandu fur le tableau , peut être une belle penfée. Ç’étoit une fublime /7^n/i^e’da Corrége de faire émaner la lumière de la figure du ChrifV nouveau-né, dans fon tableau de l’adoration des bergers , qu’on appelle la nuit du Corrége. Philieurs peintres ont , dans la fuite, adopté cette idée ; mais comme elle ne leur appartenoit pas, ils n’ont eu que le mérite de l’exécution. C’efl : une belle penfée d’effet que cette ombre qui , dans le tableau de M. David , enveloppe la figure de Brutus au moment où l’on apporte les corps de fes deux fils décapités par fon ordre. Brutus, en condamnant (es fils , n’a dû fentir que l’amour de Rome : l’arrêt prononcé, ii ns lent plus que la nature : il fuit la lumière , il le cache dans l’ombre , il y eft affis dans un état de ftuoeur : le déchirement de fon anie ne le manitefte que par les convulfions des extrémités, & l’ombre qui le couvre ajoute à l’horreur que le Ipeéiateur doit éprouver. Cens penfée déjà grande par elle-même devient d’une poèfie fublime , parce que cette ombre qui enveloppe Brutus, eft ceile que porte la ftatue de Rome. Ainfi c’eft à l’ombre de Rome que s’eft réfugié le conful après avoir, par amour pour elle , outragé la nature, f eft une belle penfîe d’expreiîi.on que celle ’ "P EN

de Mi Reynolds dans fon tableau du coftîté Ugolino. Ses cnfans meurent autour de lur, fur fes genoux ; il ne les regarde pas : Ton corps eit droit, fa tèie eft roide , fon œil eft’ fixe : il ne fent plus, il eft pétrifi*. Dans les ouvrages de l’art, comme dans ceuîC d’efpiit, une peiijl’e qui femble d’abord ingé* nieufë ne fe foutient pas toujours à l’examen. If femble même qu’un artifte doit être encore plus févère qu’un écrivaitl , parce que les opérations de fon art étant bien plus lentes que celles de l’écriture, lailTent plus de temps à la réflexion : il ne peut pas s’excufer fur une illufion d’un moment. Le fculpteur , dont les opérations font encore plus longues que celles du peintre, doit être encore moins indulgent pour lui-même , &attendre moins d’indulgence de la part de fes juges.

La penfée de l’amour qui fe fait un arc de la mafl’ue d’Hercule eft riante 8c femble ingénieufe. On pourroit l’applaudir dans un poè’fe qui l’auroit traitée en quelques vers, fur-touc s’il les eût écrits d’an ftyle léger & badin : mais la fculpture eft férieufe & réfléchie, & je doute qu’un fculpteur ait bien fait de s’arrêter à cette penfée. Tailler un arc dans le bois d’une maffue , eft le travail d’un ouvrier vigoureux ; il ne convient point à l’amour. Les anciens poètes ne lui auroient pas impqfé de rudes travaux -. ils lui donnent une foibleffs apparente. 11 a de petites mains, dit Mofchus , & cependant il lance fes traits jufques dans l’Achéron , jufques dans le cœur du Diett des morts : il n’a qu’un petit carquois, que de petites flèches , mais il les lance jufques au ciel. Mofchus n’auroit pas employé les petites mains de l’amour à faire un travail de charron. D’ailleurs le bois noueux d’une maffue ne femble pas bien propre à faire un arc.

Les allégories peuvent-être "mifes au nombre ’ àcs penjées : mais on a déjà dit que les artiftes en dévoient faire très-fobrement ufag.e. Il ne faut pas qu’un ouvrage de l’art foit une énigme. Les ^«n/i-Vj dans l’art témoignentque l’artifte eft homme d’eiprit ,• mais elles font perdues, fi lui-même ne témoigne pas en même-temps qu’il eft bon artifte. l’n tableau mal fait, & rempli de plus belles penfées, ne fera toujoars qu’un mauvais tableau.

Des gens d’efprit ont fouvent communiqué des penfées fort heureafes à des artiftes médiocres ; m.ais comme ils n’ont p-j leur communiquer en même temps le talent de Jes bien rendre fuivant l’art , ils ne leur ont en effet rien donné. ( L, )

PERCÉ. {Ad.) On employé ce mot en parlant du payfage. On dit qu’un payfage eft bien percé (u2.nà.’û. laille découvrir des objets éloignés. C’eft un mérite dans ce genre de lailTer