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Maïs demandera t-on, qii’eft-ce donc que îa peinture^ fi elle n’eft vraiment excellente, diltinguée, fublime, que lorlqu’elle ne trompe pas les yeux dans l’imscation des objets que nous offre cette rivale de la nature ? Hâron :nousde répondre que la peinture ed un art, qu’elle n’égale pas la nature dont elle ne peut ’j ni atteindre l’éclat, ni prélenter la mobilité, & que fon véritable but eft d’en réunir les produisons, & d’en offrir la repréfentaticn immobile par tous les moyens dont les procèdes ds cet art font capables ; difons encore qu’on ne doit pas plus attendre de la peinture que les objets qu’elle nous préfente foient pris pour les véritables objets ,, que l’on n’exige de i exécution dramatique , que le théâtre, les aéleurs ^ & : les vers qu’ils débitent (oient pris pour les mêmes lieux , les mêmes héros & les mêmes difcours dont on nous donne la rcppéfentation. Et comme cette pofTie efl une imitation de ce qui peut s’entendre, à laquelle ou réunit quelques adions , de même la peinture efb une image de tout ce qui tombe fous le fens de la vue , dans tous les mouvemens & : fous tous les points de vue pofTibles.

On verra qu’en réduifant notre art à ce qu’il peut entreprendre, nous en étendons & l’ufage & l’empire. Il femble au contraire, que les perfonnes qui lui fupfofent la faculté d’égaler la nature, dont il n’eff qu’une agréable image, ayent voulu, par le projet le plus barbare , l’exclure de tous les lieux qu’il efl fait pour embellir : voyons leurs moyens. Lorfqu’on propofe , par exemple , ds placer dans les vuides que doit laiffer une fage architefture , quelques peintures des aÛions les plus intéreffantes , ils difent : « la de- ■ « meure des hommes doit conferver le ca-J 5 raâère d’un lieu fermé & entouré ds maconerie ; les tableaux ofFren : ou des percés qui » détruifent cette idée , ou un fond d’architeffure qui n’a nulle analogie avec celle X) du lieu où elle efl peinte , ou enfin des » figures dont les aélions & les coffumes font 3î étrangers aux habitans des endroits -que la » peinture décore ; elle doit donc en être 35 exclue ». On fent le vuide de ces arguments ; je crois y avoir répondu en démontrant que la plus intérelTante peintuie ne pouvoir jamais aller en comparaison ni avec l’architeâure réelle, ni avec les figiires animées, & encore moins avec les perce’s réels, donc l’ouverture des croifées offre le parallèle accablant pour l’ar : de peindre des ciels & de vaftes lointains ; j’y ai , di< ;-je , répondu en établiffant que tous les efforts de l’art dont nous parlons ne peuvent atteindre à faire prendre les objets qu’il imite pour les objets eux-mêmes, & : qu’il n’a pour but que d’en rappeller la viye Se brillante image.

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Comme certains philolbphes de nos jours déprimoient l’art des vers, ce langage iMii élève l’homme audeffus de lui-même, les détrafleurs de l’art de peindre le bannlfient de la décoration des^ plafonds & des coupoles , où fe peuvent^ développer ce qu’il a de plus étonnant, & de plus enchanteur. Leurs raifonnemens, auxquels nous oppofons la réponfe que nous venons de faire, font pourtant encore plus fpécieux far le fujet des plafonds que fur celui des peintures verticalement placées-, mais nous ne croyons. pas devoir quitter les ■v’ues générales que nous nous femmes engagés à oarcourir iôus le mot peinture , & nous renvoyons les détaiis dont il cft queflion ici à l’article plafond.

nous refle encore à défendre la peinture 

contre des gens qui, à force de vouloir metïre de^l’efprit i !^- du railbnnement dans des matières qu’ils n’ont pas approfondies, altèrent par des lophifmes les moyc-i :s de nous procur-r les plus doux piaifirs. Ceux ci admettent la peinture par tout où on peut la placer ; ils conviennent de fos charme ; ; ils ne prétendent pas non plus la reflreindre aux fimples imitations dans lefquelles elle peut-être pdfe pour la nature même : mais ils exigent un tel degré de vraifemblance que les peintres manquent, fuivant eux , d’efprit & de raiibn , lorfqu’ils choifificnt des aftions dans lefquelles les êtres animés ne peuvent pas refter pendant im certain temps. Nous pat-Ions ici du célèbre abbé de St ilcal, fort habile littérateur, mais également détracteur des peintres & de la peinture qu’il ne connoifToit pas. Cet auteur pronofe un tableau où’ Diogène demande la charité à une ffatue do Minerve : il fait l’éloge du peintre qui a choifi une acfion dans laquelle un homme peut reffer quelque temps immobile , & blâme vivement ceux qui, au contraire, peignent des batailles ,- des tempêtes , ik autres adions de mouvement. Mais, ou ce légoc obfervateur a paffé bien rapidement auprès de fon tableau, ou il a dû être bien contrarié de ce que la figure de Ton Diogène refloit abfolumont immobile, fans remuer les jambes, les bras, les doigts, ni même les lèvres, les prunelles, la poitrine, cnforte qu’il ne refpiroic même pas. Cependant l’attitude la plus tranquille exige, dans la nature , des mouvemens de cette forte, même involontaires : or, fi la peinture n’a pas la factihé de les exprimer , il faut que les gens au’Ii fubtils que l’abbé de St. Real renoncent à tout ce que cet art peut leur préfenter d’êtres animés , ou qu’ils s’accoutument à cette idée très-fimpie , Ik que l’on ne fauroit aifez leur répéter , que l’art de peindre n’offre pas la nature en adion , mais des tableaux de toutes les aftions. Alors ils parca- , geront toutes nos jouiiTaiices , & par cette