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sage ; il vouloit qu’on fondât sa gloire sur ses tableaux historiques. Ses ouvrages en ce genre ont un merite qui lui est propre & qu’ils doivent à la force de ses conceptions bizarres & capricieuses. C’est un barbare, mais qui étonne, qui effraye par sa fierté sublime. Quelque chose d’agreste domine dans toutes les parties de ses ouvrages ; ses rochers, ses arbres, ses ciels, ses figures & même son exécution, ont quelque chose de rude & de sauvage. Il ne s’étoit pas donné la peine d’étudier l’antique ni les grands maîtres qui n’étoient pas assez grands à ses yeux pour mériter de lui servir d’exemples. Il daignoit même peu consulter la nature : il avoit seulement un grand miroir devant lequel il se plaçoit dans l’attitude qu’il vouloit représenter, & ne prenoit pas d’autres modèles. Pour donner de la seltesse à ses figures, il les faisoit gigantesques, & il y mettoit plus d’esprit que de correction. Il se piquoit d’une extrême prestesse, & quand il avoit commencé & fini en un jour un tableau d’une moyenne grandeur, il étoit plus content de lui-même que s’il eût fait un ouvrage bien réfléchi & bien étudié. Sa conduite n’étoit pas moins capricieuse que ses ouvrages de peinture.

Salvator Rosa est de tous les artistes Italiens celui qui s’est le plus distingué par ses poësies. Il est surtout connu par ses satyres. Son esprit caustique le rendoit propre à ce genre, mais lui attira aussi quelques chagrins, & le fit exclure de l’académie de Rome : injustice qui n’auroit été humiliante que pour ses auteurs, s’il n’avoit pas eu la foiblesse d’y être sensible.

Le roi a deux tableaux de ce maître ; l’un représente une bataille & l’autre la Pythonisse. Il a beaucoup gravé à l’eau forte. Strange a gravé d’après lui une très belle estampe représentant Bélisaire.


(167) Gabriel Metzu, de l’école Hollandoise, né à Leyde en 1615, eut surtout pour maîtres les ouvrages de Terburg & de Gérard Douw. Il avoit de la noblesse dans le choix de ses figures & un assez bon goût de dessin ; ses attitudes ne sont ni froides ni gênées, ses physionomies sont gracieuses : il semble avoir cherché Van-Dyck dans la couleur, ainsi que dans le dessin des têtes & des mains. Quoique ses tableaux soient précieux comme ceux de Gérard Douw, sa touche est plus libre & plus large, sa couleur n’est jamais tourmentée. Il n’avoit pas besoin d’opposer les couleurs entre elles, pour détacher les objets, la différence des nuances, celle des substances, celle de leurs plans lui suffisoit pour détacher un objet d’une certaine couleur sur un autre d’une couleur semblable ; pratique


remplie d’art, dont le succès résulte de la justesse des dégradations, & de l’étude des différentes épaisseurs de l’air suivant les distances differentes. Ses tableaux sont rares en France, & ils y sont justement recherchés : on n’en trouve qu’un seul dans la collection du roi ; il représente une femme qui tient un verre, & un homme qui la salue. Tout ce qu’on sait de ce peintre, c’est qu’il fixa de bonne-heure sa résidence à Amsterdam, & qu’il s’y fit aimer par ses qualités sociales. Il souffrit l’opération de la pierre en 1658 à l’âge de quarante-trois ans ; on ignore s’il y survécut.

J. G. Wille a gravé, d’après ce maître, la tricoteuse Hollandoise, & l’observateur distrait,


(168) David Ryckaert, de l’école Flamande, né à Anvers en 1615, eut pour maître son père qui étoit un habile peintre de paysages. Ce fut aussi par le paysage que David commença sa réputation, mais il se proposa dans la suite pour modèles les ouvrages de Brauwer & de Van Ostade ; ce qui ne l’empêcha pas de traiter quelquefois des sujets plus élevés que ceux qui étoient familiers à ces peintres. Il n’a pas voyagé, mais pour s’animer par de beaux exemples, il employa une partie de sa fortune à rassembler autour de lui des tableaux d’habiles maîtres. Il est ordinaire que la couleur des peintres s’affoiblisse à mesure qu’ils avancent en âge : on observe le contraire en David Rickaert : ses premiers tableaux sont un peu gris ; ceux d’un temps postérieur sont d’une couleur très chaude. Il donnoit à ses peintures peu d’épaisseur de couleur, & laissoit paroître presque par tout le panneau ou la toile. On remarque beaucoup d’art & de précision dans ses têtes, beaucoup de soin dans ses draperies qui sont toujours faites d’après nature, & une grande négligence dans ses mains, qui sont toujours faites de pratique. Il terminoit son travail par des touches de la plus grande légereté, & caractérisoit par ces touches, frappées à propos & avec la plus grande intelligence, des accessoires qu’il ne faisoit presque qu’indiquer. Après n’avoir traité que des sujets rians, il se mit, dans un âge assez avancé, à ne peindre que des scènes de diableries, de sorciléges : la singularité de ces derniers tableaux ne les fait pas moins rechercher que ses premières productions. On ignore l’année de sa mort. Ses bons tableaux sont rares.


(169) Benedetto Castiglione, dit le Benedette, de l’école Génoise, né à Gênes en 1616, s’appliqua d’abord aux belles-lettres, & se livra ensuite, à la peinture. Après avoir reçu les premières leçons de l’art d’un peintre obscur, il fut élève de Jean André de Ferrari, Génois qui joignait à l’esprit de la composition