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P E I Caylus d’avoir même confondu les instrumens que les Grecs employoient à ce procédé, dont le principal étoit un fer ardent qu’ils appelloient cautérion, & auquel on substitua quelquefois un feu plus actif encore, fait avec des noix de galle allumées, pour forcer la cire à pénétrer plus profondément dans le fond du tableau. L’ouvrage terminé, on le lissoit jusqu’à ce qu’il eût acquis un poli presque aussi brillant que celui d’un miroir.

Dans cette méthode, il n’étoit pas possible, suivant M. de Pauw, de rompre suffisamment les couleurs, ce qui ne semble rien moins que prouvé. En effet, si les couleurs broyées à la cire étoient aussi coulantes que les couleurs broyées à l’huile, les anciens peintres à l’encaustique pouvoient, aussi bien que les peintres modernes à l’huile, mêlanger, fondre les couleurs, & noyer les teintes ; & cette fonte n’auroit pas été détruite par le travail du lissage. Mais de ce qu’ils le pouvoient, nous ne conclurons pas qu’ils l’ont fait. Ensuite, ajoute M. de Pauw, de tels tableaux ne pouvoient être vus que d’un seul côté, suivant la chûte de la lumière, qui s’y reflétoit tellement, que les spectateurs placés dans un point opposé au jour, ne discernoient exactement aucune partie de l’ouvrage. On peut répondre que cet inconvénient est le même pour les tableaux en huile, quand ils sont vernis. Il en résulte qu’il faut les exposer convenablement, ou se mettre soi-même dans une place convenable.

(5) MICON étoit contemporain de Polygnote. Les travaux du Pœcile lui furent adjugés ; mais Polygnote en fit généreusement une partie considérable, sans demander ni recevoir aucun salaire. Les Amphictyons, qui étoient les États-Généraux de la Grece, ne furent pas insensibles au procédé du peintre de Thasos, & pour lui en témoigner leur reconnoissance, ils ordonnerent qu’il auroit partout son logement gratuit. Indépendamment de ses tableaux du Pœcile, Micon fit des ouvrages dans le temple de Thésée. Pausanias remarque que l’une de ces peintures n’étoit pas entièrement de sa main ; ainsi les peintres, dès lors, se faisoient aider dans leurs entreprises considérables, à moins que Micon ne soit mort avant d’avoir fini son tableau.

(6) C’est aussi vers le temps de Polygnote, qu’il faut placer PAUSON ou Passon. Aristote dit que Polygnote, fit les hommes meilleurs qu’ils ne sont, Pauson pires, & Dionysius tels qu’ils sont en effet ; ce qui semble signifier que Polygnote releva la nature humaine par un caractère idéal, que Pauson ne représenta qu’une nature ignoble & pauvre, & que Dionysius se contenta d’imiter la nature telle


qu’elle se présente ordinairement. On fera le cas que l’on voudra d’un vieux conte sur Pauson qui se trouve dans Elien. Ce compilateur dit qu’on chargea le peintre de représenter un cheval qui se rouloit par terre ; que Pauson fit un cheval courant, & que celui à qui étoit destiné l’ouvrage étant mécontent de ce qu’on n’avoit pas rendu sa pensée ; « il n’y a qu’à renverser le tableau, lui répondit le peintre, & ce sera un cheval qui se roule. » Si l’on admettoit ce conte, il faudroit supposer qu’alors les peintres ne représentoient pas encore les ombres portées, & qu’ils ne faisoient voir aucune différence entre le ciel & le terrein. Cette supposition seroit absurde, puisque les tableaux de Polygnote estimés d’Aristote, l’étoient encore dans le cinquième siècle de notre ere. Mais, pourroit-on dire, les tableaux de Pauson étoient inférieurs à ceux de Polygnote. J’en conviens : mais s’ils eussent été absolument mauvais pour leur temps, Aristote n’avoit pas daigné le nommer, & son nom n’auroit pas encore vécu du temps d’Elien. On ne fait des contes que sur des hommes célèbres.

(7) DIONYSIUS de Colophon, imitoit la perfection de Polygnote ; il représentoit les objets moins grands ; mais on voyoit d’ailleurs dans ses ouvrages, dit Elien, la même expression, la même observation des convenances, le même choix des attitudes, le même éclat dans les draperies. Ce passage d’Elien pourroit servir de commentaire à celui d’Aristote ; & alors le philosophe auroit dit seulement que Polygnote faisoit ses figures plus grandes que nature, Pauson plus petites, & Dionysius égales ; ce qui est en effet la traduction littérale de la phrase d’Aristote. Si l’on en croit Plutarque, on sentoit la peine & le travail dans les tableaux de Dionysius.

(8) APOLLODORE, Athénien, que Pline fait plus jeune que Polygnote. Il dit de ce peintre qu’il sut bien rendre le premier l’apparence des objets, que le premier il contribua à la gloire du pinceau, & qu’on ne voit aucun tableau fait avant lui qui arrête les regards. Cela semble contredire ce qu’il avoit établi lui-même sur le talent de Polygnote, & ne le contredit pas en effet. Polygnote s’écarta de la roideur des anciens peintres, il vêtit, il coëffa les femmes mieux que ses prédécesseurs, il donna un grand caractère à ses figures, il se distingua par l’expression : voilà le mérite de Polygnote, que l’on pourroit comparer à celui de Raphaël. Mais Apollodore montra plus d’art dans le maniement du pinceau, comme Pline nous l’apprend ; mais, comme le dit Plutarque, il inventa la fonte