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leurs sans les tourmenter & les salir : mais les Chinois ne peuvent succomber aux difficultés de l’art, puisqu’ils ne connoissent pas même l’art.

Il faut bien avouer que leurs couleurs naturelles sont plus brillantes que les nôtres : si c’est un mérite, c’est celui de leur climat & non de leur talent.

Un frère Jésuite qui, dans son enfance, avoit été broyeur de couleurs, fût élevé au rang de premier peintre de la cour : les Chinois admirerent la supériorité de son talent ; jamais Raphaël ne jouit de tant de gloire. L’éclat que ses succès donnerent à sa place la fit envier par les pères, nui depuis s’en sont toujours conservé la possession. On sait que les batailles envoyées de la Chine pour êtes gravées à Paris étoient l’ouvrage des pères Jésuites : il s’en faloit beaucoup qu’aucun Chinois fût capable de faire ces mauvais dessins, qui ont été corrigés par un artiste célébre, M. Cochin, avant que d’être distribués aux graveurs. Je me souviens que nous admirions, en examinant ces chefs-d’œuvre, qu’aucun cheval ne touchât la terre, qu’aucune figure ne portât d’ombre.

En général, les Chinois, comme tous les Orientaux, ne connoissent qu’un petit nombre de traits qu’ils répetent toujours. Ils multiplient tant qu’on veut les figures, mais toutes se ressemblent.

Dans les ouvrages de poterie, qu’on peut regarder comme des dépendances de la sculpture, on ne remarque aucune science des formes, aucun sentiment des muscles les plus sensibles, aucune idée de proportion. Enfin ils ne sont pas aux premiers élémens de l’étude de la nature ; loin de l’avoir observée, à peine semblent-ils l’avoir regardée. On peut croire que personne ne se doute, dans tout l’Orient, que l’anatomie puisse avoir quelques rapports avec les arts qui appartiennent au dessin. Quelques têtes, faites par un Chinois, ont une sorte de vérité, mais d’un choix bas & vicieux. L’ampleur des draperies cache toutes les parties ; mais on sent qu’on n’a pas même pensé qu’elles existoient sous les draperies : on ne voit que les extrémités, & elles sont mal faites. Il faut cependant avouer que si la sculpture est très mauvaise à la Chine, elle a du Moins quelque supériorité sur la peinture.

Peinture chez les Etrusques.

Les Orientaux semblent destinés par la nature à ébaucher tous les genres d’industrie, à n’en perfectionner aucun. S’ils sont entrés dans la carrière des arts avant tous les peuples de l’Europe, ils se sont arrêtés dès les premiers pas.


Ce sont les anciens habitant de la Thuscie ou Etrurie, qu’on nomme aujourd’hui la Toscane, qui les premiers ont fondé les arts sur l’étude de la nature, qui les premiers ont joint l’idéal à cette étude. Nous parlerons avec plus d’étendue des différens périodes de l’art chez ce peuple, lorsque nous traiterons l’histoire de la sculpture. Nous nous contenterons d’observer ici que, dans les monumens étrusques qui ont éte respectés par le temps, on reconnoit un premier style qui est celui de l’enfance de l’art, & un second style dans lequel on observe le même caractère qui, chez les modernes, distingue les artistes florentins ; plus de grandeur que de grace, plus de fierté que de précision & de beauté, de l’exagération dans le caractère du dessin & dans les mouvemens. C’étoit dans cette exagération qu’ils plaçoient l’idéal.

Pline dit que la peinture étoit déja portée à la perfection dans l’Italie avant la fondation de Rome : peut-être ne veut-il parler que d’une perfection relative à l’état d’enfrance où l’art se trouvoit encore dans la Grece : mais enfin il semble que, de son temps, les peintures de Cœré, ville de l’Etrurie, soutenoient encore les regards des connoisseurs.

C’étoit vraisemblablement de l’Etrurie que le Latium mandoit les artistes qui décoroient ses villes : tel dut être celui qui peignit à fresque à Lanuvium une Hélene & une Atalante dont on admiroit la beauté. Le temple étoit en ruines du temps de Vespasien, & cependant ces peintures n’etoient pas encore endommagées. C’étoit peut-être aussi de l’Etrurie qu’étoit sorti ce Ludius Helotas, qui, avant la fondation de Rome, peignit à Ardée la coupole du temple de Junon, & dont l’ouvrage conservoit encore sa fraîcheur dans le premier siécle de notre êre. Pline dit, il est vrai, que cet artiste étoit originaire de l’Etolie ; mais ses peres pouvoient s’être établis dans l’Etrurie avant sa naissance. On ne peut guéres soupçonner qu’il eût appris son art dans la Grèce, puisqu’alors cet art paroît y avoir été loin encore de l’époque où il devint florissant. Je n’écris tout cela qu’avec un esprit d’incertitude, parce que le récit de Pline, qui peut seul me conduire, est fort embarrassé.

Les seules peintures qui nous restent des Etrusques ont été trouvées dans les tombeaux de l’ancienne Tarquinie. On y voit de longues frises peintes, & des pilastres ornés de grandes figures qui occupent depuis la base jusqu’à la corniche. Ces peintures sont exécutées sur un exduit épais de mortier ; plusieurs sont d’une bonne conservation ; d’autres ont été presqu’entièrement dévorées par l’air qui a pénétré dans ces souterrains. Winkelmann