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bres, & une variété d’attitudes infinies, soit dans l’action, soit dans l’immobilité.

Pour le visage, voici ce que Lebrun a fort bien remarqué.

Dans la frayeur, le sourcil s’élève par le milieu ; les muscles qui occasionnent ce mouvement, sont fort apparens ; ils s’enflent, se pressent & s’abbaissent sur le nez, qui paroît retiré en haut, ainsi que les narines : les yeux sont très-ouverts ; la paupière supérieure est cachée sous le sourcil ; le blanc de l’œil est environné de rouge, la prunelle, égarée du point de vue commun, est située vers le bas de l’œil ; les muscles des joues sont extrêmement marqués, & forment une pointe de chaque côté des narines ; la bouche est ouverte ; les muscles & les veines sont en général fort sensibles ; les cheveux le hérissent ; la couleur du visage est pâle & livide, surtout celle dl, nez ; des lèvres, des oreilles & du tour des yeux.

L’opposition naturelle de ces mouvemens se trouve dans ceux qui naissent de la force de l’ame, de celle du corps, & que l’exemple, l’amour-propre & l’orgueil fortifient.

Force.
Courage.
Fermeté.
Résolution.
Hardiesse.
Intrépidité.
Audace.

Les effets intérieurs de ces mouvemens nuancés, sont la sécurité, la satisfaction, la générosité. Les effets extérieurs, quelquefois assez semblables, dans l’action, à ceux de la colère, n’en ont cependant pas les mouvemens convulsifs & désagréables, parce que l’ame conserve son assiette. Une forte tension dans les nerfs, une attitude ferme dans l’équilibre & la pondération, sans abandonnement ; une contenance impérieuse, la tête élevée, le regard ferme, la poitrine haute, le corps développé, caractérisent, dans des dégrés plus ou moins marqués, les nuances que je viens de parcourir.

Le courage embellit : il met les esprits en mouvement, il répand une satisfaction intérieure qui rend les traits imposans, & qui donne à tout le corps un caractère intéressant & animé au-dessus de l’habitude ordinaire.

On peut regarder la contradiction, la privation, la douleur occasionnée par une cause connue, la jalousie, l’envie & la cupidité, comme les sources qui produisent l’aversion depuis sa première nuance jusqu’à ses excès.

On en peut établir ainsi les passages :

Eloignement.
Dégoût.
Dédain.


Mépris.
Raillerie.
Antipathie.
Haine.
Indignation.
Menace.
Insulte.
Colère.
Emportement.
Vengeance.
Fureur.

Les effets intérieurs de ces nuances sont principalement le réfroidissement de l’ame, l’irritation de l’esprit & son aveuglement ; ensuite l’avilissement & l’oubli de soi-même ; enfin le crime que suivent le repentir, les remords & les furies vengeresses.

Les expressions extérieures de ces nuances sont très-différentes, très-variées. Cependant, jusqu’à l’indignation, les gestes sont peu caractérisés. Le corps n’éprouve que des mouvemens peu sensibles, s’ils ne sont décidés par les circonstances, & ces circonstances sont tellement indéterminées, qu’on ne peut les fixer.

Le corps entier, dans les dernières nuances, contribue à servir la passion. Ainsi, lorsque l’indignation produit les menaces, l’action est déterminée à s’approcher de celui qui en est l’objet : le corps s’avance, ainsi que la tête qui s’élève vers celle de l’ennemi à qui l’on annonce sonessentiment ; les bras se dirigent, l’un après l’autre, vers le même point ; les mains se ferment, si elles ne sont point armées ; le visage se caractérise par une contraction des traits, comme dans la colère ; le reste des nuances est tout action.

Je risquerois de passer les bornes que je me suis prescrites, & de faire un ouvrage entier, si je m’abandonnois à tout ce que présente cet objet intéressant. Ce seroit sans doute ici la place d’entreprendre pour dédommager des traits affligeans que je viens d’ébaucher, quelques esquisses d’une passion non moins violente que les autres ; mais dont les couleurs sont regardées comme plus agréables, & les excès même, comme moins effrayans.

Je pourrois parcourir la timidité, l’embarras, l’agitation, la langueur, l’admiration, le desir, l’ardeur, l’empressement, l’impatience, l’éclat du coloris, un certain frémissement, la palpitation, l’action des yeux, tantôt enflammés, tantôt humides, le trouble, les transports ; & l’on reconnoîtroit l’amour.

On reconnoîtroit aussi ces graces dont j’ai déjà parlé (voyez l’article Graces) : ces graces qui se rejoignent ici naturellement à l’expression & aux passions. Mais lorsqu’il s’agiroit de suivre plus avant cette route séduisante, la nature elle-même m’apprendroit,