Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/737

Cette page n’a pas encore été corrigée

ëo 4.

PAS extrême, elle devient sureté ; mais au contraire, l’extrême crainte devient désespoir.

Le désespoir est l’opinion de ne pouvoir obtenir ce que nous desirons, & fait que nous perdons même ce que mous possédons.

La hardiesse est un mouvement de l’appétit, par lequel l’ame s’élève contre le mal, afin de le combattre.

La colère est une agitation turbulente que la douleur & la hardiesse excitent dans l’appétit, par laquelle l’ame se retire en elle-même pour s’éloigner de l’injure reçue, & s’élève en même-temps contre la cause qui lui fait injure afin de s’en venger.

Il y a plusieurs, autres passions que je ne nommerai pas ici, me contentant seulement de vous en faire voir quelques figures : mais auparavant nous dirons quels sont les mouvemens du sang & des esprits qui causent les passions simples.

On remarque que l’admiration ne cause aucun changement dans le cœur ni dans le sang, ainsi que les autres passions. La raison en est, que n’ayant pas le bien ou le mal pour objet, mais seulement de connoître la chose qu’on admire, elle n’a point de rapport avec le cœur ni le sang desquels dépendent tous les biens du corps.

Dans l’amour, quand il est seul c’est-à-dire quand il n’est accompagné d’aucune forte joie, ni desir, ni tristesse, le battement du pouls est égal, & beaucoup plus fort & plus grand que de coutume. On sent une douce chaleur dans la poitrine, & la digestion se fait doucement dans l’estomac, ensorte que cette passion est utile pour la santé.

Ont remarque au contraire dans la haine que le pouls est inégal, plus netit, & souvent plus vif qu’à l’ordinaire. On sent des chaleurs entremêlées de je ne sais quelles ardeurs âpres & piquantes dans la poitrine, & l’estomac celle de faire ses fonctions.

Dans la joie, le pouls est égal & plus vif qu’a l’ordinaire ; mais il n’est pas si fort ni si grand qu’en l’amour, & l’on sent une chaleur agréable qui n’est pas seulement en la poitrine, mais qui se répand aussi dans toutes les parties intérieures du corps.

Dans la tristesse, le pouls est foible & lent, & l’on sent comme des liens autour du cœur qui le serrent, & des glaçons qui le grêlent & communiquent leur froideur au reste du corps.

Mais le desit cela de particulier, qu’il agite le cœur plus violemment qu’aucune autre passion, & fournit au cerveau plus d’esprits, lesquels passent de là dans les muscles, & rendent tous les sens plus aigus & toutes les parties du corps plus mobiles.

J’ai parlé de ces mouvemens intérieurs, pour


mieux faire comprendre ensuite le rapport qu’ils ont avec les extérieurs. Je dirai maintenant quelles sont les parties du corps qui servent à exprimer les passions au-dehors.

Comme nous avons dit que l’ame est jointe à toutes les parties du corps, on peut dire aussi que toutes les parties du corps peuvent servir à exprimer les passions de l’ame : car la peur peut s’exprimer par un homme qui court & qui s’enfuit ; la colère, par un homme qui ferme les poings & qui semble frapper quelqu’un.

Mais s’il est vrai qu’il y ait une partie où l’ame exerce plus immédiatement ses fonctions, & que cette partie soit celle du cerveau, nous pouvons dire aussi que le visage est la partie du corps où elle fait voir plus particulièrement ce qu’elle ressent. Nous ajouterons encore que le sourcil est la partie de tout le visage où les passions se font mieux reconnoître, quoique plusieurs ayent pensé qu’elles se peignoient surtout dans les yeux. Il est vrai que la prunelle, par son feu & son mouvement, fait bien voir l’agitation de l’ame ; mais elle ne fait pas connoître de quelle nature est cette agitation. La bouche & le nez ont beaucoup de part à l’expression ; mais pour l’ordinaire ces parties ne servent qu’a suivre les mouvemens du cœur, comme nous le marquerons dans la suite de cet entretien.

Et comme il a été dit que l’ame a deux appétits dans la partie sensitive, & que, de ces deux appetits, naissent toutes les passions, il y a aussi deux mouvemens dans les sourcils qui expriment tous les mouvemens des passions. Ces deux mouvemens que j’ai remarques ont un parfait rapport à ces deux appetits ; car celui par lequel les sourcils s’elevent exprime toutes les passions les plus farouches & les plus cruelles. Mais je vous dirai encore qu’il y a quelque chose de plus particulier dans ces mouvement, & qu’à proportion que les passions changent de nature, le mouvement du sourcil change de forme. Pour exprimer une passion simple, le mouvement est simple, & si elle est composée, le mouvement est composé. Si la passion est douce, le mouvement est doux, & si elle est aigre, le mouvement est violent.

Mais il faut remarquer qu’il y a deux sortes d’élevation du sourcil. Il y en a une où le sourcil s’éleve par son milieu, & cette élévation exprime des mouvemens agréables. On doit observer que lorsque le sourcil s’éleve par son milieu, la bouche s’éleve par les cotés, au lieu que dans la tristesse, elle s’éleve par le milieu.

Mais lorsque le sourcil s’abbaisse par le milieu, ce mouvement marque une douleur corporelle, & alors la bouche fait une effet contraire, car elle s’abaisse par les cotés.

Dans le ris, toutes les parties se suivent ;