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PAN lorsque l’objet ne petit être saisi par le sens qui lui est propre, ce sont les mains qu’on avance. Elles ne sont même jamais parfaitement oisives dans l’expression d’un desir animé.

A ces changemens qui sont du nombre de ceux que j’ai déjà appelle motivés, se joignent des changemens physiologiques. Suivant la vivacité du desir, les yeux sont plus ou moins brillans, les muscles ont plus ou moins d’activités, les joues sont plus ou moins colorées, la marche plus ou moins accélérée, le corps s’écarte plus ou moins de son à-plomb : car le desir violent le précipite en avant comme s’il alloit tomber sur l’objet de son affection, au lieu que, dans un desir foible, il s’incline seulement vers cet objet d’une manière douce & presqu’insensible.

Dans le desir ardent, toutes les forces de l’ame sont éveillées ; il semble qu’elle les appelle toutes pour l’aider à la satisfaire. Dans la contemplation sans desir, elle employe une seule de ses forces, & pour jouir avec moins de distraction & plus de volupté, elle semble assoupir toutes les autres. L’homme dévoré d’une soif brulante & le gourmet voluptueux nous fourniront les exemples de ces deux expressions.

Le gourmet est recueilli en lui-même. La main qu’il conserve libre le porte sous celle qui soutient le verre ; elle n’a qu’un mouvement fort doux, & les muscles n’en sont pas tendus. Ses yeux immobiles deviennent plus petits, & s’il est subtil connoisseur, ils prennent du brillant & de la finesse : quelquefois ils sont entièrement fermés & même avec force. Sa tête est enfoncée dans les épaules : enfin l’homme tout entier semble être absorbé dans la seule sensation qui chatouille agréablement son palais.

Quelle différence dans l’homme altéré, dans l’homme qui éprouve cette soif dévorante, anhela sitis, dont parle Lucrece ! Tous les sens à la fois prennent part au desir qui le presse ; ses yeux hagards sortent de sa tête, son corps avec le col allongé panche en avant, les pas sont grands & écartés, ses mains serrent le vase avec force ou elles se portent en avant avec vivacité pour le saisir ; sa respiration est rapide & haletante. Au moment où il se précipite sur le vase, sans le tenir encore, sa bouche est ouverte, & sa langue desséchée paroît sur ses lévres & savoure d’avance la boisson.

Prenons un autre exemple ; celui d’une tendre amante qui attend son amant avec impatience. Elle entend quelque bruit ; c’est lui peut-être. Immobile pour mieux distinguer le bruit qui l’a frappée, son oreille, tout son corps, sont penchés du côté d’où il est venu. C’est de ce côté seulement que son pied posé


avec fermeté ; l’autre, appuyé sur la pointe, semble être suspendu. Tout le reste de son corps est dans un état d’activité. L’œil est très ouvert, comme pour rassembler un plus grand nombre de rayons de l’objet qui ne paroît pas encore : une main se porte à l’oreille, comme si elle pouvoit réellement saisir le son ; & l’autre, pour tenir l’équilibre est dirigée vers la terre, mais détachée du corps & la paume en bas, comme pour repousser tout ce qui pourroit troubler l’attention nécessaire dans un tel instant. Elle entr’ouvre la bouche, pour recevoir le son par tous les canaux dans lesquels il peut pénétrer.

Dans l’affection du desir, le corps se porte vers l’objet desiré, & la partie qui doit jouir est la plus avancée : de même, dans les mouvemens d’aversion, le corps évite l’objet qui fait horreur, mais la partie la plus menacée ou la plus souffrante est toujours la première retirée.

Si la cause de l’aversion occupe un lieu déterminé, l’aversion porte à fuir de ce lieu. S’il n’est pas parfaitement déterminé, l’homme éprouve de l’incertitude, & le desir de connoître les qualités, la proximité, la grandeur du mal, se joint à celui de la conservation. Si le mal ne semble pas impossible à écarter, un second desir excite à le repousser, & déployer toutes ses forces pour s’en garantir.

Le premier de ces desirs a beaucoup de part à l’expression de l’effroi ; il fait ouvrir considérablement les yeux, pour mieux connoître l’objet dont on est menacé. Le second le manifeste tant que la crainte, n’ayant pas entièrement subjugué l’homme, laisse quelqu’activité à ses muscles. Il le remarque sur tout quand des obstacles s’opposent à la fuite, ou que le péril est trop voisin pour laisser l’espérance de l’éviter.

L’effroi semble, au moins dans certains cas, être compliqué d’étonnement, de crainte & de colère. La crainte fait reculer, & décolore les joues ; l’étonnement fait reculer un moment immobile dans la même attitude ; tous deux font ouvrir contre mesure les yeux & la bouche, & la colère enfin fait présenter les bras au péril avec impétuosité.

Mais ce dernier geste n’a pas toujours lieu. Lorsque le péril s’offre tout-à-coup, & avec une force supérieure, les bras, au lieu de chercher à le repousser, & de se roidir contre lui, s’élévent comme pour demander du secours d’en haut.

Mais quand la crainte est extrême, l’homme se roule en quelque sorte sur lui-même, & cherche à se rendre le plus petit qu’il est possible, comme s’il pouvoit se soustraire au danger, en lui offrant moins de surface.

Lorsqu’on entend une fâcheuse nouvelle,

Beaux-Arts. Tome I.

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