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PAN fin celle où l’objet est connu, mais sans que l’on sache comment s’en procurer la possession. Ces affections se reconnoissent à l’extérieur par des changemens subits d’attitudes qui marquent le trouble de l’esprit. Il n’est pas possible à l’art de bien représenter cette expression, puisqu’elle consiste en des mouvemens successifs, & que l’art ne peut représenter qu’un seul instant sans succession.

La fervente dévotion, est un desir de s’unir intimément avec la divinité. On la reconnoît à ce recueillement, à ce détachement absolu des choses terrestres qui précède les élans d’une ame pieuse. Les mains sont jointes fortement & retirées vers la partie supérieure de la poitrine ; les coudes très saillans sont portés en avant avec une énergie proportionnée à la ferveur de la dévotion ; les yeux sont levés vers le Ciel, & la prunelle est en grande partie cachée sous la paupière supérieure.

La position inclinée du corps est le premier trait général & commun du jeu de tout desir qui se porte vers un objet extérieur déterminé ; la tête, la poitrine, toute la partie supérieure du corps se jettent en avant, non seulement parce que l’homme mettant ces parties en mouvement avec le plus de facilité, s’en sert d’abord pour se satisfaire, mais ; aussi parce que, dans cette attitude, les pieds sont forcés de suivre avec plus de célérité le reste du corps.

Dans l’aversion au contraire la crainte nous porte à repousser l’objet, & en même temps à le fuir ; d’où il résulte que les bras s’avancent & qu’en même temps le corps se jette en arrière, même avant que les pieds soient en mouvement pour reculer. Dans ces deux affections, en corps suit la ligne droite pour s’approcher ou pour s’éloigner de l’objet, parce que le desir nous porte à nous y joindre, & l’aversion à nous en séparer le plutôt qu’il est possible.

De même dans l’effroi, l’homme, sans se retourner, porte le pied en arrière, & fait ainsi, en vacillant, plusieurs pas de suite, toujours reculant en ligne droite, surtout lorsqu’il cherche à ne pas perdre de vue l’objet qui l’effraye, afin de mieux juger du péril. Lorsque dans un grand effroi le corps se retourne, les pieds conservent encore le mouvement & la direction de la suite ; car on ne se retourne pas pour s’arrêter, mais pour observer la distance du péril.

Dans le jeu du desir, de l’aversion ou de l’effroi, il faut observer les changemens qu’imprime dans le geste de la personne qui éprouve ces affection, la position de l’objet qui les cause ou le sens qui en est le siège.

Celui qui écoute avidement donnera une autre direction à sa tête, & une autre position à son corps, que celui qui regarde avec cu-


riosité. Chez le premier, toute la figure se penchera du, côté d’ou vient le son ; chez le dernier, elle se jettera en avant vers l’objet qu’il examine.

Supposons que l’objet du desir s’élève par sa taille ou par la position au-dessus de celui que le desir anime ; faisons ensuite une supposition inverse, & nous aurons deux tableaux bien différens. Ainsi le petit enfant qui veut embrasser sa mère cherche à s’élancer dans ses bras ; il s’élève sur la pointe des pieds en haussant tout son corps ; tous ses muscles sont tendus : ses bras se portent en haut, & sa tête panche en arrière : mais si c’est la mère qui veut embrasser le petit enfant, elle plie la partie supérieure du corps, & quelquefois même les genoux, & laissant tomber ses bras, elle invite l’enfant à s’y précipiter.

Dans le desir de la vengeance, il y aura nue différence semblable entre l’attitude de Jason, qui, tirant l’épée, menace Medée postée en l’air dans un char attelé de dragons, & l’attitude dédaigneuse de Medée, qui lui jette le poignard fumant encore du sang de ses enfans.

Celui qui craint d’être écrasé par la chute d’une maison, suit en panchant la tête & la couvrant de ses mains ; celui qui craint d’être percé d’une épée, se couvre la poitrine.

Représentez-vous Apollon porté sur un nuage & prêt à percer e’une flêche mortelle la poitrine d’un des enfans de Niobé : la tête & tout le corps de cet infortuné sont jettés en avant parce que le péril vient d’en haut ; le regard suppliant avec effroi est tourné vers le Dieu, & la poitrine est couverte des deux mains.

Celui qui craint un ébranlement trop violent du nerf optique par le feu des éclairs, ou qui veut éviter un spectacle hideux, se couvre les yeux de la main, ou les ferme en détournant la tête. Mais si l’on craint ou le bruit du tonnerre ou un son déchirant, on détourne : aussi la tête, ou plutôt on la baisse en se bouchant les oreilles.

L’homme qui cherche à s’écarter d’un danger qui est très proche, par exemple, celui d’être mordu d’un serpent, se sauve en élevant les pieds autant qu’il lui est possible : celui qui, sans espoir de se sauver, voit le danger au-dessus de sa tête, affaisse en tremblant tout son corps, semblable à l’alouette, qui, à la vue du vautour planant au-dessus d’elle, se précipite perpendiculairement vers la terre.

Une des règles les plus générales du jeu des desirs, c’est que l’organe destiné à saisir l’objet cherche toujours à s’en approcher. Celui, par exemple, qui écoute, avance l’oreille ; le sauvage accoutumé à suivre tout à la piste par l’excellence de son odorat, avance le nez ;