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des actions volontaires & extérieures par lesquelles on peut connoître les mouvemens, les penchans, les tendances & les passions de l’ame qu’elles servent à satisfaire comme moyens. A cette classe appartiennent, par exemple, ce penchement vers l’objet qui excite de l’intérêt ; l’attitude ferme & prête à l’attaque dans la colere ; les bras étendu de l’amour ; les mains portées en avant dans la crainte & la frayeur.

D’autres gestes sont imitatifs, non qu’ils imitent l’objet de la pensée ; mais parce qu’ils représentent par le mouvement du corps la situation de l’ame. Ainsi lorsqu’on refuse son assentiment à une idée, on fait avec la main le même geste que si l’on repoussoit quelque chose.

D’autres encore sont involontaires & ne sont que les effets physiques des mouvemens intérieurs de l’ame. Ainsi la tristesse agit sur les glandes lachrymales, & fait verser des pleurs ; l’anxiété décolore les joues, la honte les couvre d’une rougeur subite. Ces gestes sont souvent accompagnés d’autres gestes qu’on peut à la rigueur appeler volontaires, parcequ’une volonté forte peut les reprimer. Ainsi la douleur se manifeste par des signes spontanés proportionnés à sa violence ; cependant Scevola, & parmi les modernes, le célèbre Crammer, Archevêque de Cantorbery, restèrent imobiles, tenant la main dans un brasier ardent. La premiere impression d’une violente colere se peindra sur les traits du visage, & causera même quelques mouvemens convulsifs aux autres parties du corps : mais dans un homme capable de se maîtriser, elle n’ira pas jusqu’à faire grimacer horriblement le visage, jusqu’à gonfler les muscles & les veines. Un homme que frappe à l’instant un chagrin terrible ne pourra le dissimuler ; mais s’il est fort & courageux, il ne poussera pas d’affreux hurlemens, il ne s’arrachera pas les cheveux en faisant des grimaces effroyables. L’artiste, ami du beau, ne dégradera jamais ses principaux personnages par ces expressions extrêmes ; si quelquefois il croit pouvoir se les permettre, ce sera pour représenter des ames serviles & pusillanimes, faites pour être commandées par les objets extérieurs, indignes de se commander à elles-mêmes.

Parmi les différentes situations de l’ame que le corps exprime, considérons d’abord celle de la parfaite inaction ; non d’une inaction stupide & tout à fait apathique, mais de celle dont l’ame a la conscience. Représentons nous un homme qui contemple une scene tranquille de la nature non comme l’enthousiaste Dorval qu’a peint Diderot dans le deuxieme entretien imprimé à la suite du fils naturel ; ce Dorval qui, la poitrine dilatée, respiroit avec violence. Sup-


posons notre contemplateur muet & tranquille, comme l’est en ce moment la nature qu’il contemple : ou bien imaginons qu’il écoute une conversation indifférente de son ami ; vous ne remarquerez en lui aucune trace sensible de plaisir ni de chagrin ; point de plis prononcés sur le front, autour des yeux ni des levres, le regard ni fin ni troublé, ni vague ; en un mot, vous trouverez tout immobile, chaque chose à sa place, & tout les traits dans un parfait équilibre ; l’attitude du reste du corps de bout ou assis, n’indiquera pas moins le repos & l’inaction de l’ame. Les mains oisives se reposeront sur les genoux, dans les poches, sur le sein, dans le ceinture : sinon les bras seront entrelacés, ou quelquefois jettés derriere le dos, si l’homme est de bout, & alors les mains se soutiendront à la hauteur des reins. S’il est assis, les pieds, également privés d’action, se croiseront près des chevilles, ou ils seront tirés en arriere & une jambe se trouvera devant l’autre : Il pourra arriver aussi qu’une jambe soit posée sur le genoux. Le tronc du corps s’offrira tantôt dans une direction oblique & indolente, qui approchant de la situation du corps pendant le sommeil, annoncera une disposition prochaine à l’assoupissement.

Il est possible que le même objet fasse prendre à différens individus des attitudes très disparates ; cela peut venir d’une disposition presqu’insensible de l’esprit que lui ont laissée des impressions précédentes ; mais souvent aussi il indique le caractère de l’homme, & sa maniere habituelle de penser & de sentir : car une certaine habitude de pensée ou de sentiment, donne aussi une habitude de maintien. Ainsi la position ordinaire du corps fait connoître la disposition ordinaire de l’ame.

Supposons donc que l’homme dont nous venons de parler, & que nous avons supposé dans l’inaction, soit un orgueilleux ; sa position sera tout à fait différente de celle que nous venons de décrire. S’il est vêtu d’un habit françois, il aura peut-être la main dans sa veste, mais il aura soin de la placer de plus haut qu’il sera possible ; l’autre sera appuyée sur la hanche, mais le coude avancera beaucoup en denors, car l’orgueilleux cherche à tenir le plus de place qu’il lui est possible. Par la même raison, ses pieds seront éloignés l’un de l’autre, & tournés en dehors ; ou s’il pose sur une seule jambe, l’autre sera très en avant. Sa tête se jettera en arriere : quoique son air soit distrait, on y lira l’expression habituelle du mépris.

Mais un homme d’un caractère doux tient plutôt les bras croisés vers le milieu du corps ; sa tête n’est ni jettée en arrière, ni inclinée sur sa poitrine, S’il marche, ses pas sont petits ;