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sage sont les yeux, les sourcils ([1]), le front, la bouche & le nez. Ensuite lis mouvement de la tête entière, du col, des mains, des épaules, des pieds, les changemens de toute l’attitude du corps concourent à l’expression.

Remarquez bien qu’il y a une loi générale qui détermine l’expression, & d’après laquelle, en certain ces, on pourroit mesurer la vivacité & le dégré ; du sentiment. L’ame parle le plus souvent, & de la manière la plus facile & la plus claire, par les parties dont les muscles sont les plus mobiles : donc elle s’exprimera le plus souvent par les traits du visage. & principalement par les yeux ; mais ce ne sera que rarement qu’elle employera des changemens dans les attitudes caractéristiques de tout le corps.

La première espèce de ces expressions, celle des yeux, s’opère avec tant de facilité & si spontanément, en ne laissant, pour ainsi dire, aucun intervalle entre le sentiment & son effet, que le sang-froid le plus réfléchi, & l’art le plus exerçé à masquer les pensées secrettes, n’en sauroient arrêter l’explosion, quoiqu’ils se rendent maîtres de tout le reste du corps. L’homme qui veut cachet les affections de son ame doit sur-tout prendre garde de ne pas se laisser fixer dans les yeux ; il ne doit pas veiller avec moins de soin sur les muscles qui avoisinent la bouche, & qui, lors de certains mouvemens intérieurs, se maîtrisent très-difficilement. « Si les hommes, dit Leibnitz, vouloient examiner avec plus de soin, & d’un esprit plus observateur, les signes extérieurs de leurs passions, le talent de se contrefaire deviendroit un art moins facile. » Cependant l’ame conserve toujours quelque pouvoir sur les muscles ; mais elle n’en a aucun sur le sang, dit Descartes, & par cette raison, la rougeur ou la pâleur subite dépendent peu ou presque point de notre volonté.

Ce ne sont pas seulement les mouvemens spontanés qui forment le langage de la pantomime ; les mouvemens volontaires font une grande partie de sa richesse : les premiers expriment les affections de l’aine, & les seconds les vues de l’esprit. Ce langage, comme celui de la voix, a des figures des métaphores :


c’est sur-tout par des images qu’il représente les objets qui ne tombent pas sous les sens, les idées intellectuelles. Pour indiquer une ame sublime, on éléve le corps & les regards ; pour peindre un caractère obstiné, on prend une position ferme, on serre le poing, on roidit dit le dos. Pour désigner la divinité, le langage du geste montre le ciel, où l’on suppose que la divinité habite. Souvent le langage du geste s’exprime par des allusions. L’action de se laver les mains exprime l’innocence, &c.

L’Italien qui, en général, parle souvent par le geste d’une manière très-claire, & avec une grande vivacité, sait avertir par une pantomime très-expressive de se défier d’un homme faux & dissimulé. L’œil fixe cet homme de côté avec l’air de la méfiance ; l’index d’une main le montre furtivement en-dessous ; le corps se tourne un peu vers celui qu’on avertit, & l’index de l’autre main tire aussi, du côté de celui à qui l’on s’adresse, la joue en bas, de sorte que l’œil de ce côté devient plus grand que l’autre, qui par l’expression propre à la méfiance, paroît déjà beaucoup plus petit qu’il ne l’est naturellement. De cette manière il se forme un double profil, & un visage dont une moitié ne ressemble aucunement à l’autre. L’un des côtés, tourné vers l’homme suspect, a tour-à-fait l’expression de la méfiance ; le tiraillement de l’autre joue semble seulment servir à aggrandir l’œil & l’objet de cet aggrandissement paroît indiquer l’attention nécéssaire pour se garantir des piéges du fourbe.

L’Italien se sert d’une autre pantomime, également parlante, lorsqu’il veut exprimer le mépris d’une menace ou d’un avertissement : il passe legérement & à plusieurs reprises le côté extérieur de la main sous son menton, en jettant la tête en arriere avec un rire ironique, sourd & pour ainsi dire, concentré. Il veut peut-être donner à entendre par ce geste, qu’il se soucie aussi peu de l’avis, ou de la menace, que de la poussiere qui peut s’être attachée à sa barbe.

Un traité de pantomime, écrit par un Italien penseur, deviendroit intéressant. Les étrangers trouveroient chez ce peuple des expressions qu’à la vérité une très-grande énergie des passions peut seulement créer dans ces contrées où le sang est plus chaud, mais que cependant on comprendroit sur le champ, sans reconnoître leur origine étrangere, & qu’il seroit besoin de modérer seulement un peu.

Les gestes dont nous venons de parler servent à peindre des idées, nous ne nous y arrêterons pas, & nous passons à ceux qui expriment des sentimens.

Quelques uns des & gestes de cette derniere espèce sont motivés & faits à dessein : ce sont

  1. * Pline a placé le principal siége de l’expression dans les deux, & le Brun dans les sourcils. Je crois que le sentiment du dernier est d’un ban observateur. Plusieurs passions, par exemple, remplissent l’œil de feu ; mais la cause de ce feu, c’est il mouvement des sourcil qui l’indique. Peut être seroit il encore plus vrai de dire qu’une seule partie du visage ne donne qu’une expression indécise, & que c’est le concours de l’expression de plusieurs parties qui fait connoître sûrement de quelle passion l’ame est affectée.