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ORI par lesquels les hommes se communiquent mutuellement leurs idées. Ce fut ainsi qu’ils parvinrent, par les combinaisons infinies d’un très-petit nombre de signes, à exprimer toutes les modifications de la pensée. Ils ne furent donc pas obligés d’imiter grossiérement les objets de la nature pour les faire servir de signes de leurs idées, & en composer une écriture hiéroglyphique. Ces imitations ne devenant plus absolument nécessaires, furent traitées avec ce soin que l’on donne à l’agréable & au superflu, & l’art fut porté par dégrés à sa perfection.

Mais nous venons de franchir en quelques lignes un espace immense. Retournons aux premiers essais de la peinture, ou plutôt du dessin ; essais qui ne consistoient, comme nous l’avons dit, qu’à tracer quelques, lignes droites surmontées d’un rond pour indiquer la figure d’un homme, &c.

Après en être venu a ce point, & avoir ainsi ébauché grossiérement les formes, on s’apperçut que dans la nature ces formes étoient colorées, & l’on voulut en imiter les couleurs. Cette imitation fut plutôt une teinture qu’une peinture proprement dite. On vouloit imiter un objet rouge, & on croyoit l’avoir en effet bien représenté, en étendant bien également une couche de couleur rouge, sans faire attention aux dégradations qu’offroit, dans la nature, l’objet coloré, dans sa lumière, dans ses demi-teintes, dans son ombre, dans ses reflets. C’est de cette manière que sont peintes, ou plutôt enluminées, les bandelettes des momies. Cette enluminure, se retrouve aussi sur les vases étrusques & campaniens.

Mais je suppose ici que les premiers artistes commencèrent à employer des couleurs broyées dans une eau impregnée de colle, & que j’appelle couleurs humides. C’est peut-être encore leur supposer de trop rapides progrès., & je suis porté à croire que leurs premiers essais en peinture consistèrent à employer, telles qu’ils les trouvoient, les substances colorées, que j’appelle des couleurs sèches.

La nature leur offroit partout les modèles de cette peinture, & ces modèles en devenoient pour eux les matériaux. Ils les trouvoient dans les fleurs qu’ils pouvoient rapprocher & combiner à leur gré. Ils les trouvoient dans les plumes colorées des oiseaux, qui forment sur quelques espèces, les plus agréables marqueteries. C’étoit avec des plumes d’oiseaux découpées & collées, que les Mexicains faisoient leurs tableaux. Ils les trouvoient sur la peau des serpens, dans les poils de plusieurs quadrupèdes, dans les pierres, les marbres, les cailloux, les coquilles. Ce sont de semblables matériaux qui ont dû former la pa-


lette des premiers peintres. Les premières peintures ont été des espéces de broderies, de marqueteries, de mosaïques.

Mais quelle cause les déterminoit ? L’amour de la variété, qui est si naturel à l’homme ; la vanité qui lui est aussi naturelle. La plus petite société a eu ses chefs ; ils ont voulu se distinguer par des signes remarquables, & ils les ont empruntés à ces premiers essais de peinture.

Voilà donc une première distinction visible établie entre les hommes. Voilà aussi un premier caractère de ce que je désigne sous le nom de peinture ou couleur sèche. Mais ce qu’on n’apperçoit pas d’abord, & ce qu’on a peine à concevoir, c’est le nombre inépuisable de modifications qui sortent de cette manière de colorer. Différens arts ont conservé, dans les sociétés policées & perfectionnées, plusieurs de ces inventions des sociétés naissantes & sauvages.

Telles sont les industrieuses dispositions de différens bois dans la marqueterie, de différentes soies dans la broderie & la fabrique des étoffes, de différens cailloux dans la mosaïque, de différentes coquilles dans… (Article de M. Watelet.), que la mort l’a empêché de terminer.)

ORNEMENS . (subst. masc. plur.) L’art d’orner, de décorer est proprement du ressort de l’architecture. Il est donc nécessaire que le peintre fasse une étude de l’architecture, pour en emprunter les décorations qui conviennent aux scènes de ses tableaux. S’il regne un mauvais goût de décoration dans le temps où un peintre fait ses ouvrages, & qu’il sacrifie à ce goût vicieux, il imprime pour l’avenir une tache à ses productions, quelque mérite qu’il ait d’ailleurs : s’il est simple dans sesornemens, il n’aura pas à craindre ce danger.

On a répété souvent dans ce Dictionnaire, que le peintre, le sculpteur ne sauroient être trop sobres d’ornemens dans ceux de leurs ouvrages qui ont de la grandeur, & qui doivent plaire surtout par la justesse de l’expression. Les détails de décoration partageroient toujours l’attention des spectateurs & nuiroient à l’objet principal. C’est toujours cet objet qui doit faire le premier & le véritable ornement d’un ouvrage. Toutes les décorations accessoires ne doivent y tenir qu’un rang très-subordonné. Le peintre doit savoir décorer ; mais son but ne doit jamais être de se montrer décorateur. Que surtout il ne partage jamais tellement son sujet entre l’objet principal & la décoration, qu’on puisse douter s’il est plutôt peintre d’histoire que de décoration & d’architecture.