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M Y T avec la crinière du Lion. Ce jet des cheveux es tellement un caractère essentiel au maître des Dieux, qu’il se retrouve dans ses fils, & indique leur origine.

Ces traits sont observés en général avec autant de justesse que de sagacité : mais quant à la physionomie de clémence & de bonté qui, selon Winckelmann, devoit constamment être celle de Jupiter, nous demanderons si c’étoit celle du Jupiter fulminant, & celle de la statue de Phidias, où l’on reconnoissoit le Dieu qui ébranle l’Olympe d’un mouvement de ses sourcils. Ce Dieu sans doute étoit trop puissant pour éprouver la colère ; mais quelque sévérité ne se peignoit-elle pas sur son front majestueux ? ne troubloit-elle pas la sérénité de son regard, quand il punissoit les hommes, quand i1 frappoit de terreur les Dieux eux-mêmes ? Il nous reste trop peu de monumens des artistes antiques, pour que nous puissions prononcer sur la variété de leurs conceptions ; l’artiste moderne peut y suppléer avec sagesse & avec choix, par celles des anciens poëtes : Jupiter avoir-il l’expression de la douceur au moment où, suivant le récit d’Homère, on eût tant de peine à sauver Junon de ses mains ?

Au défaut de monumens antiques, c’est un beau problême à resoudre par les artistes modernes, que celui d’allier dans la physionomie de Jupiter, quand le sujet l’exige, ce que la majesté peut avoir de plus terrible, avec ce que la beauté peut avoir de plus parfait, & d’y faire sentir encore la clémence habituelle. Mais en général, on doit s’en tenir à l’idée que Winckelmann a puisée dans l’antique, parce que la bonté est l’attribute le plus convenable au plus puissant des Dieux.

MARS est ordinairement représenté comme un jeune héros sans barbe : mais sa jeunesse est plus mâle que celle d’Apollon. Il ne reste aucun monument de l’antiquité, où il exprime l’audace, où il inspire la terreur. Les deux plus belles figures de Mars sont une statue assise, avec l’Amour à ses pieds, dans le Palais Ludovisi, & une petite figure de ce Dieu sur une des bases de deux beaux candélabres de marbre qu’on voyoit au Palais Barberini. Le Dieu, dans ces deux antiques, est dans l’âge de l’adolescence & dans l’état de repos ; & c’est ainsi qu’il est figuré sur les médailles & les pierres gravées.

MÉDUSE . Les artistes modernes ne craignent pas d’exagérer la laideur dans les têtes des Gorgones. Mais les artistes de l’antiquité, persuadés avec Horace que l’ame est moins frappée des impressions qu’elle reçoit par les oreilles, que de celles qui leur sont transmises par les yeux, & craignant d’exciter dans les spectateurs des


sensations pénibles, n’imitèrent pas leurs poëtes dans la description que faisoient les dernièrs de ces divinités subalternes. C’est du moins ce qu’on peut juger par Méduse, la seule des Gorgones dont la tête nous ait été conservée ; ils lui donnèrent la plus grande beauté. Telle on la voit sur des pierres gravées ; telle & plus belle encore est celle que Persée tient en sa main dans une statue du Palais Lanti.

MERCURE est jeune, mais sa forme est moins délicate que celle d’Apollon. Il se distingue par des cheveux courts & frisés, & par une physionomie d’une singulière finesse. Ce dernier caractère, si, essentiel à ce Dieu, ne se trouve pas dans sa statue faite par un sculpteur françois (Pigale) & placée à Pozdam. Ce jugement est du Saxon Winckelmann ; mais il a été prévenu ou ratifié par celui des artistes & des connoisseurs de la France : Pigale étoit un statuaire d’un talent distingué ; mais il n’avoit pas la force de talent qui est nécessaire pour faire un Mercure, ni peut-être même des Dieux. Habile à rendre les vérités de la nature, il n’avoit pas reçu la faculté de l’élever jusqu’à la beauté idéale.

MORT . On ne peut nier que les anciens aient représenté des squelettes : quand ce fait ne seroit pas prouve par quelques monumens, il le seroit par un assez grand nombre de passages des écrivains de l’antiquité. Hérodote ne nous a pas laissé ignorer que les Egyptiens mettoient sur table la représentation d’un squelete pour engager les convives à goûter des plaisirs auxquels ils ne seroient que trop tôt enlevés. On retrouve le même usage chez les Grecs & les Romains : ceux qui n’avoient pas un squelete artificiel, le remplaçoient par une véritable tête de mort. Trimalcion, dans Pétrone, fait apporter sur la table un squelete d’argent, & s’écrie : « hélas ! hélas ! combien l’homme est peu de chose ! c’est ainsi que nous serons tous quand les destins nous auront enlevés. Livrons-nous donc au plaisir, tandis qu’il nous est encore permis de vivre. »


Heu ! heu ! nos miseros ! Quam totus homuncio nil est.
Sic crimus cuncti, postquam nos auferet orcus.
Ergo vivamus, dum licet esse, bene.


Mais ces squeletes, ni ceux qui peuvent se trouver sur quelques monumens funéraires, ces images de l’homme détruit, ne prouvent pas que les anciens en aient sait l’image du Dieu de la mort : nous avons vu qu’ils ne représentoient les Dieux que sous des traits agréables ; nous savons que leur philosophie, ou plutôt leur façon de penser générale, tendoit à s’affermir contre les terreurs de la mort. Nous savons aussi qu’ils avoient l’esprit juste, & la