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M Y T un bien plus grand nombre de mauvais en peinture & en sculpture, il est probable qu’il en resteroit aussi un plus grand nombre de ces derniers. Ce que nous disons ici avec réflexion, peut resteindre ce que nous avons établi trop généralement & même trop légèrement à ce sujet dans l’article équestre ; mais ne doit pas détruire ce qu’on y lit sur le cheval de Marc-Aurele. Revenons au tableau d’Herculanum.

Les oreilles du centaure s’aggrandissent & s’alongent par le haut, en sorte qu’elles ne sont tout-à-fait ni des oreilles d’homme, ni des oreilles de cheval, mais qu’elles semblent tendre à la forme des dernières. Son dos est couvert d’une peau bien jettée, & qui vient se nouer sur la poitrine avec beaucoup de goût. La grande proportion de ce tableau, & la beauté des deux figures qu’il représente, ont fait soupçonner que c’est une copie de quelque grouppe de sculpture. Ce soupçon est augmenté par une pierre gravée du musæum Florentinum qui est parfaitement conforme à ce tableau. On sait du moins qu’il étoit ordinaire de multiplier, par la gravure en pierres fines, les beaux ouvrages de sculpture.

Le cabinet d’Herculanum contient deux autres centaures qui n’ont point de barbe, & dont la figure ne s’accorde pas mieux que celle du Chiron avec l’opinion de Winckelmann.

J’ai vu à S. Pétersbourg les plâtres moulés sur les deux centaures du palais Furietti : M. Falconet en a fait une juste critique. Les auteurs ont porté la fausseté de l’étude, jusqu’à indiquer de grosses veines sur les sabots. Je doute qu’on puisse justifier les artistes en disant que, dans la partie chevaline de ces centaures, il ont cherché à faire un mêlange de la nature humaine avec celle du cheval.

CENTAURESSE . Zeuxis a peint une centauresse allaitant deux jumeaux. C’est Lucien qui nous fait connoître ce tableau. L’original n’existoit plus de son temps. Il avoit péri lorsque Sylla voulut l’envoyer à Rome par mer ; mais une belle copie s’en étoit conservée. Toute la partie de la jument étoit couchée sur l’herbe, les jambes postérieures étendues en arrière. La partie de la femme étoit mollement penchée & appuyée sur le coude. La centauresse allaitoit un de ses petits à la manière des femmes & l’autre à la manière des jumens. Elle représentoit par la partie inférieure une belle jument indomptée de Thessalie ; &, par sa partie supérieure une femme de la plus grande beauté ; mais les oreilles ressembloient à celles des satyres. La partie féminine s’unissoit à celle de jument par un passage doux & insensible.


Le cabinet d’Herculanum possède le tableau d’une centauresse ; elle porte une jeune bacchante, qu’elle affermit sur sa croupe en lui passant la main droite sous le bras. Ses oreilles sont pointues comme celles d’une jument ; mais assez petites pour ne pas rendre sa tête difforme. C’étoit vraisemblablement de semblables oreilles qu’avoit la centauresse de Zeuxis, & que Lucien comparoit à celles des satyres.

Le grouppe d’Herculanum est plein de grace dans son heureuse simplicité. Cependant les auteurs de la description de ce cabinet accordent la supériorité, au moins pour l’exécution, à un autre tableau qu’ils croyent de la même main ; & qui représente aussi une centauresse. D’une main elle tient une lyre, de l’autre elle joue de la cymbale avec un fort jeune adolescent. L’éloge qu’on donne à ce morceau peut être mérité : mais la gravure prouve qu’il céde à l’autre par la composition moins heureuse & moins vraie. On ne voit pas comment le jeune homme peut se tenir sans tomber sur la partie antérieure de la centauresse. On dit que la carnation blanche de la femme se détache avec douceur sur le poil blanc de la jument, ce qui suppose de l’intelligence de couleur.

CÉRÉS . Winckelmann observe que les villes de la grande Grèce & de la Sicile ont imprimé, sur les médailles, la plus haute beauté aux têtes de Cérès. Sur une médaille de la ville de Métaponte, conservée à Naples dans le cabinet du Duc Caraffa-Noïa, le voile de la déesse est jetté en arrière. Sa tête, couronnée d’épis & de feuilles, est ceinte d’un diadême élevé, tel que celui de Junon ; ses cheveux sont relevés par devant avec un agréable désorde, pour indiquer, sans doute, son affliction après l’enlévement de si fille. Notre antiquaire accuse l’abbé Banier de n’avoir avancé que d’après quelques figures modernes que Cérès avoit le sein fort gros, caractère que jamais les anciens n’ont donné aux déesses.

CIRCÈ . Homère dit seulement que c’étoit une déesse terrible, & ne la caractèrise que par la beauté de ses cheveux bouclés : mais l’auteur des Argonautiques, qui porte le nom d’Orphée, en fait le portrait suivant qui convient bien à la fille du Soleil. « Elle accourut, au navire, & tous à son aspect furent frappés de terreur. Ses cheveux s’élevoient sur sa tête semblables aux rayons du Soleil, & la beauté de son visage brilloit comme le feu. » Cette idée du poëte est pittoresque, sans doute : mais il n’est pas donné à tous les peintres de l’adopter. Le Corrége n’avoit pas lu le faux Orphée, quand il fit partir de la tête du Christ enfant la lumière qui éclairoit son tableau.