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M Y T tales. Aucun écrivain n’a mieux parlé du beau dans l’art que Winckelmann ; c’est une justice que lui a rendu M. Falconet, qu’on n’accusera pas d’être son flatteur.

Winckelmann a observé, que, dans la représentation des divinités, les artistes de la Grèce, ont toujours eu soin d’exprimer la beauté & de l’associer à la jeunesse. Ils ne se sont pas même permis de donner le caractère de laideur aux divinités les plus terribles, les plus funestes.

Nous placerons ici, dans l’ordre alphabéthique, les personnages mythologiques dont nous aurons à parler, afin qu’il soit plus facile de les trouver.

AMAZONES . On peut rapporter à l’histoire héroïque, & par conséquent à la mythologie, ces femmes célèbres par leur valeur guerriere, & dont la défaite illustra le courage d’Hercule & de Thésée. Elles sont toujours coëffées de la manière que les Grecs nomment corymbos, & qui étoit celle des vierges ; c’est à dire que leurs cheveux sont relevés par derrière & noués avec ceux du sommet. Les artistes leur donnoient encore un autre caractère apparent & plus assuré de la jeunesse ; la gorge virginale dont le mamelon n’est pas développé. Ils observoient le même caractère dans la représentation des Déesses ; dans les unes, parce qu’elles étoient censées toujours vierges : dans les autres, parce qu’elles jouissoient d’une virginité toujours renaissante après avoir été perdue. Elles ne conservoient des plaisirs de l’amour aucune dégradation physique.

Les Amazones, consacrées comme les hommes, aux exercices guerriers, étoient aussi les seules qui, comme les hommes, portassent la ceinture attachée sur les reins, & non pas immédiatement au dessous des mamelles. Je crois me rappeller, que, dans un feint bas-relief de Polydore, les Sabines ont aussi la ceinture au dessus des reins. Peut-être ce savant artiste, scrupuleux observateur du costume, a-t-il voulu exprimer le désordre de ces vierges qui se débattoient dans les bras de leurs ravisseurs.

APOLLON . Sophocle, dans la tragédie d’Œdipe Roi, l’appelle souverain des Dieux, & nous avons dit ailleurs que des philosophes l’ont regardé comme l’ame du monde, parce que la chaleur du soleil semble animer & vivifier tout ce qui existe. Les Grecs l’appelloient iêïos, le guérisseur, parce que sa douce chaleur rétablit la santé ; Pœan, celui qui frappe, parce que la chaleur excessive de ses rayons frappe les animaux de peste & de maladies meurtrières ; Pythios, parce que cette même chaleur excite la fermentation & la putréfaction. Macrobe nous apprend qu’on le représentoit tenant les


graces dans la main droite, & son arc de la gauche, pour témoigner qu’il accorde encore plus volontiers aux hommes les bienfaits, qu’il ne les frappe de les traits meurtriers, c’est-à-dire, de ses rayons malfaisans.

Ce Dieu toujours puissant, toujours agissant, devoit jouïr d’une jeunesse éternelle, d’une éternelle vélocité ; & la figure de ce Dieu, le plus beau des Dieux, ne pouvoit manquer d’être le chef-d’œuvre de l’art, dans un pays où les artistes avoient pour objet la représentation de la beauté. Si toutes les statues antiques de ce Dieu ne portent pas l’empreinte de la beauté la plus sublime, c’est que par tout il s’est trouvé des hommes audacieux qui ont entrepris au de là de leurs forces, & que tous ceux qui ont ôsé faire des figures d’Apollon, n’étoient pas dignes de le représenter. Le caractère des belles figures d’Apollon, réunit la force de la virilité aux formes aimables de la jeunesse ; ses formes ont cette sorte d’unité que donne la grandeur coulante des contours, toujours variés, toujours simples & jamais interrompus, telles qu’elles se montrent dans l’usage où la force est unie à la légereté ; telles qu’elles ne sont plus dans l’âge où la force est due plutôt au poids qu’à l’adresse & à la vivacité. Elles montrent enfin un adolescent capable d’exécuter de grandes choses, & de les exécuter d’autant plus sûrement, qu’elles peuvent être faites avant d’être prévues.

L’Apollon du Belvedere semble planer sans toucher la terre. Cette vîtesse de la marche, semblable, en quelque sorte, à la légéreté du vol, les Grecs en faisoient un des caractères de la nature intellectuelle & divine. Homère compare la vîtesse de Junon à l’imagination d’un homme qui, dans un seul instant, parcourt en esprit tous les pays lointains qu’il a vus. Il communique cette vitesse à ceux de ses héros qu’il veut le plus élever au-dessus de l’espèce humaine ordinaire ; ainsi le fils de Thétis est Achille aux pieds légers. Les Grecs mettoient tant de prix à la légéreté des pieds, qu’ils désignoient métaphoriquement par elle des qualités qui n’y avoient aucun rapport. C’est ce dont Eschyle nous offre un exemple dans sa tragédie du Sept devant Thèbes : pour peindre le regard vif & perçant de Lastenes, il lui donne un regard aux pieds légers.

La tête de l’Apollon du Belvedere est moins menaçante, qu’imposante & majestueuse : la colère, qui dégrade les traits de l’homme, laisse régner la sérénité sur le front du Dieu ; elle ne fait qu’ajouter à la beauté de ses traits le caractère imposant de la majesté. Il va frapper ou le serpent Pyton, ou les enfans mâles de l’orgueilleuse Niobé : mais c’est un Dieu qui punit, & non un homme qui se venge. Sûr de sa victoire, il la méprise. L’indignation a son

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