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MOUVEMENS, résultans de la situation de l’esprit.

Je n’examinerai point en particulier tous les mouvemens que l’esprit fait faire au corps ; c’est au peintre à étudier avec grand soin les tempéramens, & les diverses inclinations des hommes, afin que sachant les effets qu’elles produisent, il ait moins de peine à les comprendre sur le naturel. Il faut qu’il connoisse d’avance comme l’air des visages change selon la diversité des pensées qui occupent l’esprit, les passions qui l’agitent, la qualité des humeurs qui dominent, les accidens auxquels les hommes sont sujets, soit dans le travail, soit dans le repos, foit dans la santé, soit dans la maladie. Il doit considérer les principaux endroits où ces mouvemens paroissent le plus sur le visage.

C’est cette science qui donne la vie aux ouvrages de l’art. Raphaël l’a possédée si parfaitement, que l’on voit sur le visage de toutes ses figures ce qu’elles semblent avoir dans l’esprit.

Pour les mouvemens du corps, engendrés par les fortes passions de l’ame, le peintre ne sauroit jamais les mieux apprendre qu’en considérant le naturel. Si par hasard il se rencontre dans un lieu où des gens se battent, c’est là qu’il peut voir tous les effets de la colère, & qu’il peut examiner de quelle sorte un homme en cet état a le visage composé, & toutes les parties de son corps disposées, selon l’agitation de son esprit. Il remarquera les action différentes de ceux qui sont présens, qui les regardent, ou qui tâchent de les séparer. Il verra la différence qu’il y a entre les mouvemens des jeunes hommes & ceux des gens agés ; il pourra voir des femmes affligées, des enfans épouvantés, des gens qui, passant leur chemin, s’arrêtent, différemment affectés du spectacle dont ils sont témoins.

Si l’on veut imiter les maîtres de l’art, les Raphaëls, les Jules-Romains, les Polidores, & ceux de leur école, non-seulement on évitera tous les mouvemens forcés qui fatiguent les yeux, mais on prendra ceux qui sont les plus naturels. Pour y parvenir, on les étudiera dans toutes sortes de personnes, en considérant de quelle manière elles font leurs actions différemment les unes des autres, soit qu’elles agissent ou qu’elles souffrent. En effet, il est certain que la colère paroît autrement exprimée sur le visage d’un homme distingué que sur celui d’un paysan ; qu’une reine s’afflige d’une autre manière qu’une villageoise ; & que, dans tous les mouvemens du corps, aussi bien que dans ceux de l’esprit, il doit y avoir de la différence suivant les personnes que l’on peint.


Le Poussin a peint l’épouse de Germanicus d’une manière convenable à la grandeur & à la générosité d’une princesse qui voit mourir son époux. S’il eût représenté une paysanne touchée d’une semblable douleur, il l’auroit peinte plus désespérée, parce que le simple peuple qui ne prévoit jamais les maux, s’abandonne au désespoir quand ils arrivent ; mais la douleur des personnes d’une haute condition & d’un esprit élevé, est toujours accompagnée de bienséance, & ne montre point d’emportement.

Le peintre qui aura remarqué la différence qui se rencontre dans les mouvemens des hommes, selon leur qualité, considèrera celle qui se trouve dans les différens âges. Il observera de quelle manière les enfans expriment, par leurs petites actions, les passions de leurs ames, comme ils s’abandonnent à la joie dans leurs jeux & dans leurs divertissemens. Le Titien a peint dans un tableau plusieurs Amours, & l’on peut remarquer comme il a exprimé la promptitude de leurs mouvemens & la légèreté de leurs gestes. Il faut encore prendre garde qu’ils sont ordinairement timides en présence des personnes âgées, faciles à pleurer pour les moindres déplaisirs, & dès qu’ils souffrent quelque douleur.

Les jeunes filles doivent être modestes & gracieuses ; toutes leurs actions plutôt tranquilles qu’agitées.

Quant aux jeunes hommes, il faut les réprésenter avec des mouvemens plus vifs, qui marquent la promptitude de l’esprit, la liberté & la force du corps. Dans les hommes faits, les mouvemens doivent être plus fermes & plus poses, les attitudes douces, l’action des bras & des jambes marquant de la force & de la facilité. Léonard de Vinci observe que les vieilles femmes doivent paroître audacieuses & promptes ; qu’il doit y avoir dans leur action quelque chose d’extraordinairement anime ; mais que ces expressions doivent être sur leurs visages, & dans leurs bras & leurs mains, plutôt que dans leurs jambes. Les vieillards au contraire seront peints avec des mouvemens lents & tardifs. Il faut qu’il paroisse dans leurs membres une foiblesse & une lassitude, ensorte que non-seulement ils soient ordinairement posés sur leurs deux pieds ; mais encore appuyés sur quelque chose qui le soutienne.

Ce n’est pas seulement dans les hommes & dans les femmes qu’un peintre doit observer les actions & les mouvemens ; il faut qu’il étudie encore ceux des animaux, pour les réprésenter conformément à leurs espèces. Et comme la partie la plus élevée de ceux qui ont quatre pieds, reçoit beaucoup de changement lorsqu’ils marchent, à cause de l’ agitation des quatre jambes, il doit prendre garde