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des grands maîtres ; pourquoi n’en verroit-on pas se consacrer de même à la mosaique ?

Nous avons des manufactures dont l’objet est de reproduire en tapisseries les travaux des habiles peintres : mais les couleurs des tapisseries s’altèrent promptement ; les tapisseries elles-mêmes seront peut-être détruites par les vers, avant que le temps ait anéanti les tableaux qui leur ont servi de modèles : on consacre de grandes sommes à des réproductions si fragiles ; & l’on refuseroit des dépensés à peu près semblables à des réproductions qui doivent émousser la faulx du temps !

Voyez à Rome des tableaux du Dominiquin, du Ciro Feri, &c., décolorés, noircis, méconnoissables même pour les maîtres qui les ont faits : & voyez briller du plus bel éclat, dans la basilique de Saint-Pierre, les imitations en mosaïque de ces mêmes tableaux ; reconnoissez toute l’importance de cet art conservateur, & consiez-lui le soin d’assurer pour toujours à la patrie le lustre qu’elle a reçu de la culture des arts. (Article de M. Watelet.)

Recherches historiques sur la peinture appellée
Mosaïque.

Pline dit que les pavés peints & travaillés avec art sont venus des Grecs : qu’entr’autres celui de Pergame, qui étoit un bâtiment appellé asarotos, travaillé par Sosus, étoit le plus curieux. Ce mot d’asarotos veut dire qui n’a pas été balayé, & on lui donnoit ce nom, parcequ’on voyoit si industrieusement représentées sur ce pavé les miettes & les saletés qui tombent de la table, qu’il sembloit que ces objets sussent réels, & que les valets n’avoient pas eu le soin de bien balayer les chambres. Ce pavé étoit fait de petits coquillages, peints de diverses couleurs. L’on y admiroit une colombe qui buvoit, dont la tête portoit ombre sur l’eau.

Ensuite parurent les mosaïques que les Grecs nommoient lithostrota. Elles commencèrent à Rome sous Sylla qui en fit faire un pavé à Préneste, dans le temple de la fortune, environ 170 ans avant notre ére. Le mot lithostroton, signifie seulement, dans la force du grec, un pavé de pierres : mais on entendoit par là, ces pavés faits de petites pierres jointes & comme enchassées dans le ciment, représentant différentes figures par la variété de leurs couleurs & par leur arrangement. Quelque temps après on ne se contenta pas d’en faire pour des cours & pour des salles basses, mais on s’en servit dans les chambres ; & comme s’il eût été mal séant de fouler aux pieds des ouvrages si délicats, on en lambrissa les murailles des palais & des temples. Il semble même que Pline veuille dire, qu’on ne s’en servoit plus pour les pavés. Pulsa deinde ex humo pavimenta in cameras transiere é vitro.


Neant-moins le grand nombre qu’on en trouve aux pavés faits dans les siécles postérieurs, me persuade qu’ils n’en ont pas absolumen été bannis, mais que cette sorte de peinture fût employée plus ordinairement à d’autres ornemens ; comme entr’autres aux bâtiment appellés musea, qui représentoient des grottes naturelles. On donnoit à ces sortes de pavés le nom de musea, musia, & musiva, parcequ’on attribuoit aux muses les ouvrages ingénieux, & qu’on y représentoit les muses & les sciences. Nous avons même à Lyon l’église ancienne de saint-Irenée qui étoit toute pavée d’une mosaïque, où l’on voit encore dépeintes, la rhétorique, la logique, & la prudence.

Il se peut que les édifices publics destinés pour les assemblées des gens de lettres, appellés musea, fussent embellis de ces ouvrages, & il y avoit de ces musées en plusieurs endroits. Il y avoir dans Athenes une colline célèbre de ce nom, où fut enterré le poëte Musée, & à Trœzene, dans le Péloponese, un temple dédié aux muses appellé pour cela musée : il étoit destiné aux gens de lettres ; & Pitteus y avoit enseigné la rhétorique. Il avoit composé sur cet art un livre que Pausanias dit avoir lu ...

Le terme de mosaïque est venu du mot latin musivum, &, suivant cette étymologie, il faudroit prononcer musaïque ; c’est à tort que quelques uns l’ont fait dériver de Moïse ou des Juifs. Saumaise, dans ses commentaires sur les six auteurs de l’histoire d’Auguste, ne veut pas que le mot mosaïque soit pour les pavés, mais seulement pour les voutes, les lambris & les culs de lampes qu’on nommoit absides & qui en étoient très souvent ornés ; quoiqu’il avoüe qu’il se fit aussi, des pavés de mosaïque, c’est-à-dire petites pierres dont on représentoit différentes figures. Il fait voir que les Latins l’appeloient tessellata opera & les Grecs psêphologita & chondrobolia du mot chondros qui signifie une petite pierre. Toutefois comme l’usage nous autorise à donner le nom de mosaïque aux pavés, aussi bien qu’aux lambris des ouvrages en mosaïque, nous nous en servirons sans scrupule.

Perrault, dans son docte commentaire sur Vitruve, distingue trés-bien les pavés de pièces rapportées que Vitruve appelle pavimenta sectilia d’avec la mosaïque ; car il est certain, dit-il, que les pièces dont la mosaïque étoit faite, devoient être cubiques, ou approchantes de la figure cubique, afin qu’elles se joignissent parfaitement l’une contre l’autre, comme les points de la tapisserie à l’aiguille, & qu’elles pussent imiter toutes les figures & les nuances de la peinture, chaque petite pierre n’ayant qu’une couleur.

Mais cela ne convient pas à l’ouvrage de pièces rapportées, pour lequel on choisit des


Beaux-Arts. Tome I. Xxx