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M O D faire agir & exprimer par l’excellence du choix des agrémens & des formes. (Article de M. ROBIN.)

MIROIR, (subst. masc.) Quand tu voudras voir, dit Léonard de Vinci, si ta peinture est conforme aux objects, que tu fais d’après nature, prends un miroir, fais y mirer l’objet, & compare cet objet avec ce que tu as peint. Le miroir est plat, & il te montre les objets relevés ; la peinture fait la même chose. La peinture n’a qu’une seule surface ; il en est de même du miroir. Le miroir & la peinture montrent la représentation entourée d’ombre & de lumière, & la font également paroître éloignée de la surface.

Comme il est aisé de se tromper soi-même, dit Félibien, en regardant toujours d’une manière ce que l’on veut imiter, & qu’en demeurant long-temps sur son ouvrage, on n’en reconnoît plus les défauts, il est bon de consulter quelquefois le miroir : car en examinant toutes les figures en particulier, on en découvre plus aisément les défauts, le miroir étant un ami fidèle qui ne flatte point, & qui a l’industrie de retourner l’ouvrage d’une autre manière ; comme pour en supposer un autre dont on peut juger sans prévention.

De Piles conseille aux peintres l’usage du miroir convexe, qui enchérit sur la nature pour l’unité d’objet dans la vision. Tous les objets qui s’y voyent font un coup-d’œil & un tout ensemble plus agréable que ne seroient les mêmes objets dans un miroir ordinaire, & que la nature même. Il faut supposer le miroir convexe d’une mesure raisonnable, & non de ceux qui pour être parties d’une trop petite circonférence, corrompent trop la forme des objets. Ces sortes de miroirs pourroient être utilement consultés pour les objets particuliers, comme pour le ganéral du tout ensemble.

MODE, (subst. fem.). Les modes, dans les vêtemens, sont quelquefois si bisarres, & si éloignées de la véritable destination des habits, qu’elles cachent & déguisent la nature. Il y en a même qui la gênent & la contrarient au point de la pervertir ; & quand elles ont long-temps triomphé, elles empêchent de la reconnoître, parce qu’on prend alors pour la nature les changemens qu’elles y ont causés. Qui, par exemple, dans nos villes où tous les individus ont été maniérés par l’art, n’est pas persuadé que la nature veut qu’on porte la tête fort droite, & les pieds en dehors. Cependant la structure & la connexion des os prouvent que telle n’est pas la


position naturelle des pieds, & dans un sujet bien conformé, on reconnoît par la disposition des vertèbres que la tête doit être légèrement inclinée. L’action d’avancer la poitrine gêne la respiration ; la nature ne veut donc pas qu’elle soit avancée. Pour tenir les genoux tendus, il faut faire un certain effort, & cet effort prouve que cette tension est un mouvement peu naturel.

Si l’on a le coude appuyé sans que la main soit soutenue, cette main inactive tombe par son propre poids, & le poignet s’arrondit : mais il y eut un temps où les maîtres de danse prononçoient qu’un poignet rond étoit une difformité ; on les croyoit, &, contre le vœu de la nature, les poignets cessoient de s’arrondir.

La situation la plus commode de chacune des parties dans les différentes positions du corps, est toujours aussi la situation la plus naturelle, & par conséquent la plus véritablement gracieuse, parce que la vraie grace est toujours unie à la nature.

On a jugé à propos, depuis environ quarante ans, de porter des souliers pointus : il a fallu que le pied se formât dans ces moules qui le blessent ; ainsi les pieds des gens bien chaussés ne sont plus les pieds de la nature. Il faut que les artistes cherchent, pour cette partie, des modèles dans les individus des dernières classes de la société, qui n’ont jamais porté que de larges chaussures. Pour ne pas imiter des pieds déformés par les souliers à la mode, ils sont obligés d’étudier des pieds déformés par les fatigues, & par conséquent, ils ne trouvent nulle part la nature dans sa beauté.

La nature, en destinant les femmes à être mères, leur a donné un vaste bassin, capable de contenir le fruit qu’elles doivent porter. Cet élargissement des hanches fait que, par opposition, la taille paroît plus fine ; conformation qui a la beauté convenable à son usage, mais en effet moins belle par elle-même que celle des hommes qui est plus coulante. Cependant les femmes ont outré ce défaut, si l’on peut appeller défaut, ce qui répond au vœu de la nature. A force de se comprimer dans des corps de baleine, elles ont obligé leur taille à contracter un étranglement difforme, &, comme si cet étranglement n’étoit pas encore assez défectueux, elles ont ajouté à la largeur de leurs hanches par la parure qu’elles nomment panier, bouffant, &c. Par ces deux moyens réunis, elles sont parvenues à se donner une difformité durable, & à y joindre une difformité postiche.

Ce n’est pas, comme l’observe M. Reynolds, un travail peu difficile au peintre, de distinguer la conformation donnée par la nature, de