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& de celles de son fils. Les lances, dit le poëte, étoient soutenues & fortifiées par les lances, les boucliers par les boucliers, les casques par les casques, les hommes par les hommes.

Avant de marcher au combat, les troupes se fortifioient par un repas ; c’est une circonstance qu’Homère n’oublie jamais. Quand on étoit prêt d’en venir aux armes, on adressoit une prière aux Dieux pour en obtenir la victoire, & souvent on promettoit de leur consacrer les armes des vaincus. Il y avoit toujours dans l’armée des devins ou prêtres, car chez les peuples simples, le don prophétique est toujours attaché au sacerdoce. C’étoit eux qui offroient aux Dieux les victimes, qui prédisoient les succès en consultant les entrailles des holocaustes, ou le vol des oiseaux. Couronnés de lauriers, & tenant une torche en main, ils marchoient à la tête des combattans.

Les généraux adressoient la parole aux soldats, les animoient par leurs discours, & souvent ils menaçoient les lâches de leur donner la mort. Eux-mêmes donnoient l’exemple de la valeur ; combattant toujours à la tête de l’armée. Souvent les chefs se détachoient, pour offrir à ceux des ennemis le combat singulier ; ces duels étaient précédés de longs discours, où l’un & l’autre champion exaltoit son illustre origine, sa force & sa valeur, & tâchoit d’humilier son adversaire. Les mêmes mœurs ont été retrouvées chez les sauvages, parce qu’elles sont dans la nature.

Les héros Grecs, encore barbares, chargeoient d’outrages les morts ennemis, les mutiloient, les laissoient en proie aux oiseaux & aux chiens. Aussi voyoit-on souvent se livrer des combats autour des morts, leurs amis voulant les arracher aux ennemis pour leur accorder les honneurs de la sépulture, & les ennemis s’obstinant à les enlever pour en avoir les dépouilles & les insulter à loisir. J’ai entendu des personnes délicates accuser Homère d’avoir peint ces mœurs féroces ; mais ce grand peintre ne pouvoit connoître d’autre héroïsme que celui de son temps. On ne croyoit point alors que les loix de l’humanité pussent obliger les hommes envers leurs ennemis. Le plus souvent l’ennemi qui se rendoit à son vainqueur étoit égorgé de sang-froid, & des railleries outrageantes précédoient toujours le coup mortel : ceux à qui l’on daignoit accorder la vie, étoient vendus comme esclaves.

On peut croire que dans les temps héroïques, l’art des sièges fut très-imparfait. Comme on manquoit de machines, les assiégeans se contentoient de bloquer la place, & de dévaster aux environs tous les lieux d’où les assiégés auroient pu tirer des secours ; eux-mêmes construisoient des murailles pour s’y enfermer, élevant ainsi


une ville près de celle qu’ils menaçoient. Leurs tentes mêmes étoient des espèces de maisons, construites en bois, & couvertes de chaume. Il semble qu’on seroit demeuré dans une entière inaction, si les assiégés n’avoient pas fait de fréquentes sorties.

Il est vraisemblable que le siége de Troye, qui occupa neuf ans entiers les forces de la Grèce auroit été encore long-temps prolongé, si Epeus n’eût pas imaginé de construire un grand cheval de bois, qui fut rempli de guerriers, & que les assiégés eurent la simplicité d’introduire dans leur ville ; ou plutôt si ce même Epeus n’eût pas inventé, pour battre les murailles, une machine qui fut nommée cheval, parce que la poutre qui en formoit la principale partie le terminoit pas une sorte de marteau d’airain, qui ressembloit à la tête de cet animal. On donna ensuite le nom de Béliers à des machines semblables, parce qu’on les termina en forme de têtes de Béliers.

Les propositions de paix, ou d’armistices, se faisoient ordinairement par la voie des Hérauts : ils étoient inviolables, même pour les ennemis, & Homère les appelle divins. Les Lacédémoniens accordèrent les honneurs de la divinité, & consacrèrent un temple à Talthybius, héraut d’Agamemnon, & ordonnèrent que ses descendans restassent pour toujours en possession de cet emploi respectable. Les mêmes fonctions, la même inviolabilité, & non les mêmes honneurs, ont êté attribués par les modernes aux Hérauts d’armes, & abandonnés dans la suite à de simples trompettes.

Les conventions se traitoient avec des cérémonies sacrées. Quand Agamemnon & Priam convinrent d’un armistice, on amena, des deux côtés, un agneau qui fut immolé à la terre, à Jupiter & au Soleil. Agamemnon lui-même égorgea la victime & lui coupa des poils de la tête, qui furent distribués aux plus illustres assistans ; voulant signifier qu’il li souhaitoit que fussent ainsi tranchés le, jours de ceux qui violeroient le traité. Le serment se faisoit sur les parties de la victime consacrées aux Dieux, & il étoit défendu de les manger. Quand Agamemnon immola un sanglier, pour jurer qu’tI n’avoit eu aucun commerce avec Briséïs, son héraut Talthybius jetta dans la mer les parties consacrées, pour servir de pâture aux poissons.

On apportoit aussi des deux côtés du vin dans des phioles, on le mêloît & on en faisoit des libations. Aussi, chez les anciens Grecs, le mot Spondai signifioit libations, & traité, & ceux qui enfreignoient leur serment, sont appellés dans Homère violeurs de phioles, Yperphialoi. Ils vouloient signifier par cette effusion du vin, qu’ils souhaitoient que le sang des parjures fût ainsi répandu. « O Jupiter, s’écrie Agamemnon,