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M É C objets tels qu’on les découvre ordinairement dans le grand air & en pleine campagne, où l’on ne voit point ces fortes parties de jours & d’obscurités. Aussi plusieurs, ajoute-il, no s’en servent que comme d’un secours pour suppléer à leur impuissance. Ils les affectent même souvent avec aussi peu de raison & de jugement que les contrastes d’actions extraordinaires, & les mouvemens mal entendus : cachant dans ces grandes ombres les défauts du dessin, & trompant les ignorans par des mouvemens forcés & ridicules qu’ils leur font regarder comme de merveilleux effets de l’art. »

Félibien reprend un excès, une affectation, une manière ; mais il reste toujours vrai que si, dans l’imitation de la nature, on n’observe point les masses avant de s’occuper des détails, on ne fera que des imitations fausses. C’est par des masses, & non par des détails, que la nature frappe d’abord le sens de la vue ; ce sont donc aussi ses masses qu’il faut sur-tout représenter, si l’on veut faire une copie qui lui ressemble ; ce sont ses masses qu’il faut saisir avant d’étudier ses détails, si l’on veut représenter ses effets, & ce n’est qu’en représenteres effets que l’on peut faire opérer à l’art les impressions qu’elle produit. (Article de Levesque.)

MÉCHANISME de l’art . Voyez l’article MANŒUVRE. Sans doute la partie intellectuelle de l’art conservera toujours le premier rang : mais l’artiste ne peut espérer aucun succès, qu’autant qu’il saura faire valoir, par un heureux méchanisme, les conceptions de sa pensée. Il doit parler à l’ame par le sens de la vue ; il faut donc qu’il occupe agréablement la vue, s’il veut que ses idées passent jusqu’à l’anme des spectateurs. La représentation de la nature visible est le moyen qu’il emploie pour parler à la pensée : il doit donc posséder tous les moyens méchaniques qui conduisent à une belle reprétentation de la nature visible. Il en est comme du poëte qui auroit vainement reçu de la nature le plus heureux génie, s’il ne connoissoit ni les règles du langage, ni l’élégance du style, ni les principes de la versification. La peinture, la statuaire, sont des sortes de poésie ; mais pour les exercer, il faut être d’abord statuaire ou peintre.

M. Reynolds exige de l’artiste une qualité qu’il appelle le génie de l’exécution méchanique. Il fait consister ce génie dans la faculté de rendre quelqu’objet que l’on se propose, comme formant un tout-ensemble, de sorte que l’effet général & l’expression de ce tout, puissant occuper entièrement l’esprit, & le détourner, pour un temps, de l’examen des beautés & des défauts particuliers & subordonnés.

Si l’artiste, dans la vue de former un tout, négligeoit tellement les détails, qu’il n’entrât dans aucune des particularités de ce tout, il manqueroit son but, parce qu’en effet il n’exprimeroit rien : mais une représentation minutieuse de tous les détails, de quelque manière qu’elle pût être exécutée, ne lui mérireroît jamais le titre d’homme de génie. On peut même dire que, par ce soin scrupuleux, chaque détail seroit pour lui, pendant un temps, un tour distinct & séparé dont il s’occuperoit entièrement, & dont il occuperoit le spectateur à son tour, sans le fixer par une unité d’intérêt ou de plaisir. En effet, si tout est également soigne, tout également précieux dans un ouvrage, tout appelle également à la-fois l’attention du spectateur, ou plutôt tour la distrait & rien ne l’appelle. C’est ainsi qu’un homme ne pourroit rien entendre, si vingt personnes lui parloient à-la fois.

Si j’embrasse d’un coup-d’œil une scène que m’offre la nature, il y aura vrille particularités que je ne remarquerai même pas, & qui ne feront encore sur moi qu’une impression trèsfoible, si, par un regard particulier, je veux y faire quelqu’attention. Mais il y aura dans cette même scène des choses caraéléristiques qui frapperont mes sens avec force & prendront l’empire sur mon imagination. Or, ce tableau, offert par la nature, est celui que l’art doit imiter : ces objets, qui frappent mes lins, sont ceux dont il doit s’occuper ; ceux que je ne remarque même pas, sont ceux qu’il doit laisser vagues & indéterminés. La nature, grandement observée, dicte donc elle - même les loix du méchanisme de l’art, & montre à l’artiste le plan qu’il doit suivre dans l’exécution.

On connoit de l’école de Venise des paysages, des marines, des vues, & même des tableaux d’histoire ou de la vie commune, qui étonnent le spectateur par un air de vérité quand il les regarde à une juste distance ; qui ne l’étonnent pas moins par l’absence des détails quand il les regarde de près ; ces tableaux sont des représentations fers justes de ceux que présente la nature, quand on l’embrasse d’ux coup-d’œil.

Ce ne seroit qu’un foible mal, si, dans l’ouvrage de l’art, les petits détails qui na contribuent pas au caractère général du tout, n’étoient qu’inutiles ; mais ils sont réellement nuisibles, parce qu’ils détruisent l’attention en l’empêchant de se fixer sur l’objet principal.

Observez que l’impression que laissent à notre esprit les choses mêmes qui nous sont les plus familières, n’est opérée que par leur effet général, & que c’est ce même effet général qui nous les fait reconnoître quand nous les

M. r r jj