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Les Romains n’eurent point de vaisseaux avant la première guerre punique : mais quand ils eurent choisi pour ennemis les Carthaginois qui étoient les maîtres de la mer, ils furent obligés de créer une flotte, & de se former à la navigation.

Ils ne connoissoient point la mer ; mais pendant qu’on leur construisoit des vaisseaux, ils furent exercés à terre par les Consuls aux manœuvres maritimes. Des bancs furent rangés sur la terre dans le même ordre que les bancs des vaisseaux : on y fit asseoir les hommes destinés à l’emploi de rameurs ; &, à la voix de leurs Commandans, ils faisoient jouer les rames, comme s’ils eussent été en pleine mer. Quand la flotte fut prête, il ne fallut que quelques jours pour achever de les former.

Passons à la construction extérieure des vaisseaux anciens ; c’est la seule partie qui intéresse spécialement les artistes.

Ils avoient, comme ceux d’aujourd’hui, une quille, c’est-à-dire, une pièce de charpente qui régnoit dans toute leur longueur, & des côtes qui en formoient la carcasse ; mais la quille étoit plongée dans l’eau, & la carcasse revêtue de planches ; ainsi ces deux parties sont étrangères aux artistes.

Les vaisseaux que nous représentent les bas-reliefs antiques, décrivent en général une ligne droite, & ne s’élèvent en s’arrondissant qu’à la pouppe & à la proue.

La pouppe qui est la partie postérieure du vaisseau, est celle qui s’élève davantage. On y voit ordinairement un gaillard ou château où se tenoit le Commandant : son élévation est considérable, & devoit prendre beaucoup de vent : ce château porte quelquefois le nom de tente. Dans le roman grec de Chœreas & Callirhoë, on voit Statira sortir de la tente, & se montrer au Roi des Perses, son époux, qui étoit sur le rivage, & croyoit l’avoir perdue pour toujours. Dans le même roman, quand Chœréas, après de longues infortunes, ramène Callirhoë à Syracuse, la tente ou château est couvert d’une étoffe fabriquée à Babylone ; le rideau se lève, & le père de Callirhoë la voit couchée sur un lit d’or, & vêtue de pourpre tyrienne.

De la pouppe s’élevoit, en décrivant une portion d’arc, un ornement qu’on nommoit aplustre. On ne peut guère mieux le comparer, quant à sa forme & à son mouvement, qu’à la queue d’un écureuil ; il dépassoit le château, & étoit plus ou moins travaillé : souvent il se terminoit par une triple ou quadruple aigrette. Il paroît qu’on attachoit quelquefois une lanterne à son extrémité.

L’aplustre, comme nous venons de le dire, s’étendoit sur le vaisseau ; un autre ornement, nommé chénisque, qui prenoit sa naissance vers le haut de la pouppe, s’étendoit sur la mer : il représentoit le col & la tête d’une oie. Le chenisque étoit beaucoup moins grand que l’aplustre.

C’étoit ordinairement à la pouppe qu’étoit représentée la divinité protectrice du vaisseau. On appelloit cette représentation la tutèle.

La proue entière représentoit assez grossièrement une tête d’oiseau ; les yeux de cet animal étoient sculptés, & son bec, que les Latins appellent rostrum, étoit placé au niveau de l’eau. Ce bec ou rostre, fut d’abord imaginé pour garantir les vaisseaux contre les écueils : c’étoit une poutre armée d’airain ou de fer. On en fit dans la suite une des armes les plus terribles des combats maritimes. Les rostres alors cessèrent d’avoir la figure d’un bec : ce furent des lames fortes & très-aiguës, destinées à percer les vaisseaux ennemis. Quelquefois ils représentoient des faisceaux d’épées ; quelquefois aussi, comme la machine nommée bélier, ils ressembloient à une tête d’animal. Souvent un seul vaisseau avoit plusieurs rostres les uns au-dessus des autres ; cependant, il ne faut pas toujours prendre pour un rostre, une tête ou tel autre ornement de métal qui s’avance de la proue au-dessus de l’eau. Il avoit la fonction d’empêcher que les rostres ne s’engageassent pas dans le vaisseau ennemi, au point de ne pouvoir s’en retirer, ce qui entraînoit le naufrage des deux bâtimens.

On sent que la proue devoit être très-forte dans les vaisseaux de guerre, puisqu’elle étoit l’arme offensive la plus rédoutable ; aussi, quand on destinoit à la guerre un vaisseau d’abord construit pour le commerce, on le remettoit sur le chantier, pour en fortifier la proue de puissans madriers.

C’étoit communément à cette partie que l’on plaçoit en peinture ou en sculpture de bas ou de plein relief, une figure qui donnoit son nom au vaisseau. Dans les fragmens d’un bas-relief antique, qui représentoit un combat naval, on voit au-dessus de la proue la représentation d’un Centaure, grand comme nature, & l’on conjecture, avec beaucoup de vraisemblance, que ce bâtiment se nommoit le Centaure. Ces fragmens, déterrés à Rome, ont été achetés par le Duc d’Alcala, qui les a fait transporter à Séville. Don Emmanuël Marti, Doyen d’Alicante, en, a envoyé les dessins à Don Bernard de Montfaucon, qui les a placés dans son antiquité expliquée.

Il semble que les anciens aient recherché sur-tout à multiplier les rangs de rames dans les vaisseaux, & qu’ils aient cru que de ette multiplication résultoit une construction plus parfaite. On eut d’abord des vaisseaux à trois rangs de rames, & l’on parvint à multiplier ces rangs jusqu’à quinze & bien au delà, ce qui