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M A G concerter, peut vous porter des sons durs ou peu agréables par eux-mêmes, & ce même instrument placé, réuni avec les autres, ou succédant à son tour à ceux qui préparent son juste effet, en produit un que vous n’auriez pas soupçonné.

Voilà une idée de la magie de la couleur : quelques opérations d’un artiste habile qui veut bien initier son élève ou un amateur curieux dans ses mystères, lui en apprendroient plus que je ne puis le faire ; car s’il est bien établi que ce qui parvient à l’esprit par les yeux, fait en général une impression prompte & durable, ce principe est bien plus vrai lorsqu’il s’agit d’objets absolument relatifs au sens de la vue.

D’ailleurs, il est dans les arts libéraux des secrets, pour ainsi dire, que l’art du discours ne peut éclaircir, & que la pratique dévoile en un moment.

Je ne m’étendrai donc pas sur différens détails des opérations de la peinture, qu’on peut appeller figurément magiques, telles que le charme par lequel une couleur harmonieuse arrête votre regard, par lui votre attention, ensuite par celle-ci votre intérêt sur un objet principal, & d’autres d’un genre semblable, parce que je m’étendrois trop. J’essayerai cependant d’en donner quelques idées aux mots propres & non figurés qui se trouveront y avoir quelque rapport.

Je dirai seulement encore que les pratiques de cette partie mystérieuse de l’art sont sujettes à différentes méthodes. L’étude de la nature, ou l’instruction qu’on reçoit des maîtres & de l’étude des bons ouvrages, doivent décider les jeunes artistes sur le choix.

Le génie doit aussi les inspirer ; car c’est à lui seul qu’est réservé de nos jours le pouvoir magique, tel qu’il peut exister parmi les hommes instruits.

Cette science surprenante, la magie n’est en effet aujourd’hui que le pouvoir des ames sur les ames, ou par leur propre ascendant, ou par le secours des arts divins qui dépendent du génie ; car ce sont eux qui lui donnent les moyens de maîtriser & de modifier à son gré les sens, les esprits & les cœurs.

Pour vous, jeunes artistes, vous voyez, par ce que j’ai dit, que la région des arts est un pays de prodiges. Ceux qui l’habitent, semblables aux anciens habitans de la Thessalie, sont plus ou moins magiciens. Qu’il vous soit donc permis de vous croire, puisque vous habitez cette région, capables de parvenir à la connoissance des mystères qui l’ont rendue célèbre, & d’opérer des merveilles & des prestiges.

Armez-vous d’une baguette ; tracez des figures, & si vous êtes initiés dans les secrets dont vous devez faire usage, ces figures, seu-


lement tracées, causeront des impressions de joie, de douce volupté, ou de douleur. Vous ferez passer dans les ames, par des images peintes ou des figures de cire, de terre, de marbre, d’airain, la vénération, l’amour, le délire ou la sagesse. Vous ferez enfin revivre les morts ; vous immortaliserez les mortels, & il semblera qu’on voie agir & parler des hommes qui, réellement, n’auront aucune consistance & aucun mouvement.

Jeunes gens, c’est figurément, il est vrai, que je m’exprime ainsi ; mais si vous êtes nés véritablement peintres, pourquoi ne vous parlerois pas le langage des poëtes ? ne serois-je pas autorisé de même à parler aux poëtes le langage des peintres ? vous avez tous la même destination, & il est naturel qu’on entretienne avec les mêmes idiômes ceux dont l’imagination est également consacrée à s’élever sans cesse audessus des choses ordinaires, & à donner, non-seulement un corps aux êtres abstraits, mais une ame à la matière & à des signes de convention.

Laissez-vous donc aller aux illusions, au point de vous croire destinés aux prodiges.

Si vous n’estimiez pas votre art plus que ne font tous ceux qui ne sont ni peintres, ni poëtes, vous ne mériteriez jamais ces titres ; vous seriez toujours confondus dans la foule.

Un homme qui aime véritablement, se croit, par la possession de l’objet de ses affections, le plus heureux, & par-là le premier des mortels. Il ne changeroit pas son sort contre celui des rois & même des dieux. Un artiste, dans la jouissance heureuse de son art, se croit au-dessus de tous ceux qui s’occupent des autres connoissances ; & celui qui est vraiment peintre, regarde, en les plaignant, ceux qui ne peignent pas.

Enfin il est nécessaire, pour que les arts & les sciences s’entretiennent parmi les hommes & s’avancent à leur perfection, que chacun des savans & des artistes croient avoir choisi la première de toutes les professions.

Dans ce pays d’illusions, dans la république des arts, chaque individu qui, sous une infinité de rapports, est égal à ses semblables, jouit de l’erreur séduisante de penser qu’il porte sa tête au-dessus de tous ceux avec qui il se mesure.

Il est cependant peu de géans parmi eux. Quelques-uns quil’ont été, se sont crus fort inférieurs à la taille dont ils étoient doués, & je dois vous dire que, par un effet magique, différent de ceux dont je vous ai parlé, ce sentiment, qui les diminuoit à leurs regards, les grandissoit à ceux des autres. (Article de M. Watelet.)

MAIGRE, MAIGREUR, (adj.), (subst. fém). On dit un pinceau maigre, un crayon maigre, un trait, un contour maigre, une touche maigre ;