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MACHINE, (subst. fém.). Une composition dans laquelle le peintre fait entrer un nombre d’objets dont l’heureuse combinaison demande du génie, est désignée en terme de peinture par le mot machine.

Ce mot est principalement employé à signifier une grande composition, telle qu’est ordinairement un plafond, une coupole, ouvrages qu’on peut regarder comme les grands poëmes de la peinture ; mais, en général, un tableau qui offre un nombre de figures & d’objets considérable, & pour l’heureux assemblage desquels le génie a besoin de toutes ses ressources, est appellé par les artistes une machine, une grande machine.

Cette expression renferme des idées étendues de noblesse, de grandeur, d’intérêt, de dimensions même, qui font qu’on ne s’en sert pas pour des productions dans lesquelles toutes ces choses ne le trouvent point assemblées, ou ne sont pas nécessaires.

Une belle machine en peinture suppose donc un grand ensemble des parties de l’art, qui surprend & attache, comme une belle machine, dans le sens propre, signifie l’assemblage des moyens choisis qu’emploie la méchanique pour plaire & causer de l’admiration. On dit, comme je l’ai fait observer, d’un plafond, d’une coupole, d’une galerie peinte, d’un vaste tableau, que ce sont de grandes, de belles, de superbes machines ; on le dit, à bien plus forte raison, lorsque la peinture est accompagnée, dans quelque grande composition des arts, de tout ce que chacun d’eux peut produire de digne de contribuer à mériter ce nom.

Nous ne connoissons guère aujourd’hui qu’un feul ouvrage vraiment digne de le porter dans toute l’étendue qu’on peut lui donner, & qui puisse bien désigner ce qu’il signifie : c’est le Temple de saint Pierre à Rome.

Grande & superbe machine en effet, vaste dans ses dimensions, sublime dans son objet, surprenante dans son exécution. L’architecture y est enrichie par la peinture & la sculpture employées comme accessoires, mais avec une si juste mesure, que chacun des objets qui arrêtent les regards, n’a pas un droit assez grand pour les distraire de l’effet général.

Les moyens les plus durables y sont employés pour la peinture même, & les matières les plus précieuses pour les ornemens.

Voilà ce qui constitue véritablement une


grande & admirable machine. Voilà les moyens par lesquels une nation peut prouver, pendant une longue suite de siècles, qu’elle a porté les arts à un haut degré de perfection, & que l’esprit & l’ame de ceux qui en composoient l’éle, élevés aux idées de la beauté libérale, ont su s’appliquer aux objets auxquels elle convient le mieux.

Que n’est-il possible d’inspirer ces principes & ce sentiment nobles & élevés des grandes machines à un peuple qui possède d’ailleurs tout ce qui seroit necessaire pour les mettre en exécution ? Il est fâcheux pour ceux qui aiment leur patrie, leur nation & les arts, de voir parmi nous si peu de monumens (je pourrois dire peut-être aucun) qui puissent annoncer un jour que nous avions fait d’assez grands progrès pendant deux siècles, féconds en talens, pour en laisser à ceux qui nous suivront, des preuves dignes de leur servir de modèles & d’exemples. Quels sont donc les obstacles qui s’y opposent ? quelles sont les qualités qui semblent nous manquer à cet égard ?

Le sentiment des grandes convenances, & l’esprit de suite qui, fondé sur elles, donne la constance nécessaire pour ne pas s’écarter, pendant un grand nombre d’années, d’un plan, & le courage de le porter à sa perfection, sans que la mort de ceux qui l’ont formé, & la succession de ceux sous l’administration desquels il s’exécute, change rien à l’esprit qui l’a fait concevoir.

Il est besoin, sans doute, que des génies très-distingués conçoivent l’idée de ces chefs-d’œuvre. Il est besoin de vrais patriotes & d’administrateurs très-éclairés pour les exécuter ou les faire exécuter. Cette dernière condition se rencontre parmi nous (osons le dire) plus rarement que la première, parce qu’il seroit nécessaire que les hommes propres à se montrer uniquement animés par la gloire nationale, fussent profondément instruits des principes généraux de tous les arts libéraux, regardés, non comme arts d’agrément, mais comme langages des grandes institutions, ce qui les mettroit à l’abri des préjugés, des modes, des incertitudes & des variations qui peuvent influer sur leurs jugemens & leurs volontés. (Article de M. Watelet.).

MAGIE, (subst. fém.). La magie, au sens propre, s’est évanouie avec une partie des exreurs que produit l’ignorance.